Jacques Rocher : Héritier naturel

Jacques Rocher : Héritier naturel

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Jacques Rocher, fils cadet du créateur de cosmétique végétale Yves Rocher, s'est construit en même temps que l'empire familial. Directeur du développement durable du groupe et maire de La Gacilly, il défend sa vision d'un monde durable, où la famille tient lieu de moteur. Violaine Pondard
— Photo : Le Journal des Entreprises

Jean sombre, chemise rayée et cravate absente, Jacques Rocher affiche la cinquantaine tranquille. Cette année a été célébré le cinquantième anniversaire de l'entreprise familiale. Une entreprise à côté de laquelle il a grandi et mûri. Et dont il défend les valeurs. «Mon père est un bâtisseur», glisse Jacques Rocher, conscient d'être l'héritier d'un empire industriel pourtant parti de rien au coeur de La Gacilly. «En tant que génération suivante, je ne peux qu'avoir de l'estime, de la reconnaissance envers mon père qui a eu cette clairvoyance, cette pugnacité et ténacité», explique-t-il. «Il n'avait pas d'argent, pas de relations, pas de diplômes...»




Refuser le diktat de la bourse

Si l'actionnariat d'Yves Rocher reste autant familial aujourd'hui (75% du capital) c'est aussi pour profiter d'une certaine indépendance. Une indépendance qui a un prix: celui d'ouvrir son capital au groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis (19,5%), né d'une fusion de deux filiales des groupes Elf et L'Oréal. Ainsi le groupe Yves Rocher peut s'offrir le luxe de ne pas être coté en bourse. «Pas question de répondre au diktat des contingences de tel ou tel actionnaire», assure Jacques Rocher. «Cette indépendance nous laisse du temps, nous donne une liberté de penser, de parler et d'être. Quand je vois les effets pervers des jeux d'argent et de la bourse, je suis content que nous n'en fassions pas partie!» La famille, une barrière contre les intrus. Et aussi une équipe de travail pour Jacques à qui son père a transmis la passion d'entreprendre. Comme au reste de la tribu. Ses trois fils: Didier à la tête du groupe quand il meurt accidentellement en 1994, Daniel, créateur de la marque de cosmétologie marine Daniel Jouvance, et Jacques, devenu, comme il aime le dire «planteur d'arbres», après avoir également dirigé le groupe dans les années 90. Et puis ses petits-enfants. Bris, vice-président depuis deux ans, et ses cousines Noémie (maquillage Galerie Noémie) et Aurélia, toutes deux membres du conseil d'administration, poursuivent la saga familiale.




Mesurer les risques

Tous participent à construire l'entreprise de demain. «Nous ne travaillons pas sur du court terme, nous essayons d'imaginer le futur. L'entreprise doit continuer de grandir et diminuer son impact sur l'environnement», ajoute Jacques, le fils de la 27e plus grande fortune de France, d'après Challenges. Tout cela en mesurant et en anticipant les risques. Comme disait son père: «Il vaut mieux avoir un pied au sec et un pied mouillé que les deux du même côté.» «Avoir les deux pieds au sec, ce n'est pas excitant», complète l'intéressé. «Et les deux pieds mouillés, c'est assez délicat... On ne doit pas prendre de risques pour rien.D'ailleurs, notre taux d'endettement de seulement 6% ne veut pas dire que l'on n'investit pas. Mais que l'on est prudent.» Malgré une quarantaine d'ouvertures de boutiques en Chine et la transformation de 200 autres à venir, la marge de progression reste importante. Yves Rocher ne représente que 0,8% de part de marché dans le monde des cosmétiques.




Revitaliser les terres d'origine

Directeur du développement durable et de la prospective du groupe, Jacques Rocher a fait voeu de revitaliser la petite commune de La Gacilly. Terre d'origine et d'avenir pour Yves Rocher. «Il y a 40 ans, c'était le far west ici: on mettait huit heures pour venir de Paris! Il était très difficile de recruter des cadres», se souvient cet amateur de moto et de plongée sous-marine. En 50 ans ont ainsi poussé une usine capable de fabriquer 160millions de produits cosmétiques par an, une plateforme logistique de 25.000m² et le siège international de Stanhome et Kiotis, filiales du groupe. Le tout employant 1.800 personnes pour une commune de 2.250 habitants au coeur de la campagne morbihannaise. Le fondateur de l'éco-hôtel, ouvert au printemps dernier sur les hauteurs de La Gacilly, continue de mener à bien les engagements de son père. Il a transformé les faiblesses du territoire en atouts, mais reste vigilant. «Mon père m'a toujours dit qu'il fallait faire attention à ses succès», précise-t-il.