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Frédéric Malin (Copex) : « Dans le commerce mondial, il faut dépasser les préjugés »
Interview Morbihan # Industrie # International

Frédéric Malin PDG de Copex Frédéric Malin (Copex) : « Dans le commerce mondial, il faut dépasser les préjugés »

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Frédéric Malin est PDG de Copex (103 salariés, 13 M€ de chiffre d'affaires en 2018), basée à Caudan (Morbihan) et spécialisée dans la conception et la fabrication de presses pour le recyclage, la sidérurgie, le nucléaire et l’agroalimentaire. Il a plus que jamais la conviction qu’il faut tordre le cou aux préjugés sur la France, comme sur le développement à l'international.

— Photo : Ségolène Mahias

Copex regagne des parts de marché dans un domaine traditionnellement dévolu aux Allemands, qui plus est après des années difficiles. Il n’y a donc pas de fatalité à œuvrer dans le secteur des machines-outils en France ?

Frédéric Malin : Non, il n’y a pas de fatalité ni de préjugé à nourrir. Je pense de plus en plus fortement que nous n’avons pas à rougir, en France, des préjugés positifs des Allemands. Nous avons encore une marge de progression importante en termes d’image de marque. Lorsque nous remportons des marchés en Autriche ou en Suisse, sur des terres que l'on dit souvent acquises au made in Germany, c’est évidemment une double satisfaction, surtout quand on œuvre soi-même dans le secteur des machines-outils. Mais il ne faut pas perdre de vue que les Allemands ne fabriquent guère plus localement. Ils ont su tirer leur épingle du jeu de l’Europe et de la mondialisation en fabriquant en Europe de l’Est, en Turquie… L’effet est double : non seulement cela les rend plus compétitifs, mais il est désormais plus difficile de vendre dans ces pays puisque nous entrons dès lors en concurrence avec des acteurs qui sont localement implantés.

Comment faire face ?

Frédéric Malin : Nous défendons le made in France et faisons valoir que nos produits ne sont pas sous-traités. L’une des problématiques essentielles pour nous tient au renouvellement de notre propre parc industriel. Les dispositifs récents ont fait du bien, mais ce n’est pas facile de reconquérir des marchés mondiaux quand vous devez gérer les pannes en permanence… Or, dans le secteur du recyclage, quand l’activité repart, elle repart de partout, car les cours des matières premières sont mondiaux. Nous avons passé dix ans à gérer la crise et aujourd’hui nous devons reconstituer nos marges pour rattraper ce sous-investissement. Cela passe par un effort constant en recherche et développement, mais aussi par la diversification des produits comme des marchés visés. Nous sommes engagés à 100 % dans un mouvement de reconquête d’une partie de la clientèle étrangère qui nous avait fait défaut. Quand des fenêtres s’ouvrent, il faut savoir tirer.

« En France, nous sommes encore capables de faire des miracles. »

Pensez-vous à un pays en particulier ?

Frédéric Malin : Je pense notamment aux États-Unis où il y a des marchés à prendre, en dépit des récentes poussées protectionnistes et de l’impression ambiante que les Américains seraient rétifs à la prise en compte des questions liées à l’environnement. Là encore, il faut balayer un certain nombre d’idées reçues ! Nous y opérons un grand retour. Les États-Unis pèsent actuellement 60 % du marché mondial de la machine-outil dans le recyclage. Les industriels américains s’équipent massivement, notamment les gros ferrailleurs. S’ils ont des besoins, ils investissent, sans se poser de questions idéologiques ou politiques. Cela vaut aussi eu égard au contexte économique. Même à la veille d’une crise majeure, les Américains ne sont pas craintifs et vont rarement différer des investissements. En Europe, au moindre signal négatif, ces derniers peuvent être remis en cause. On travaille alors pour rien. Aux États-Unis, il n’y a pas cette peur du lendemain. C’est un marché qui va toujours de l’avant, crise ou pas crise. Et actuellement, ce marché est un vrai ballon d’oxygène pour l’industrie lourde.

Il n’y a donc pas de frein rédhibitoire à exporter aux États-Unis ?

Frédéric Malin : Non. Mais à l’inverse, le gouvernement utilisera tout le pouvoir de nuisance qu’il a entre ses mains pour ruiner les espoirs des exportateurs dans des pays comme l’Iran… Nous avions de bonnes positions dans les ex-pays de la Communauté des États indépendants – la Russie a représenté jusqu’à un tiers de notre production entre 2002 et 2013 - et avions des opportunités en Iran. Mais lorsque nous avons su que PSA se retirait, nous en avons conclu qu’ils avaient certainement des informations que nous n’avions pas. Nous avons donc décidé de laisser tomber ces prospects et, aujourd’hui, bien nous en a pris. D’autres marchés au Moyen-Orient sont assurément plus favorables. Leurs sidérurgistes viennent assez directement à nous. Nous avons aussi des contacts en Israël.

Que pensez-vous du projet de monnaie nationale virtuelle auquel l'Iran réfléchit pour contourner les sanctions américaines ?

Frédéric Malin : Il serait aussi question de revenir au troc... Je me méfie beaucoup de ces projets, par expérience. Je veux être certain que les gouvernants respectifs ne s’emballeront pas pour se déballer aussi vite… Il faut des garanties pour les entreprises, que cela ne leur retombe pas dessus au final. Je crois que les entreprises iraniennes ont elles-mêmes des doutes.

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