Frédéric Coudon (Ker Ostréa) : «Le bilan carbone de la filière est neutre, mais allons plus loin»
Interview # Maritime

Frédéric Coudon (Ker Ostréa) : «Le bilan carbone de la filière est neutre, mais allons plus loin»

S'abonner

Frédéric Coudon est gérant du chantier conchylicole Ker Ostréa de Baden (Morbihan). Vice président du Comité régional de la conchyliculture, il met les pendules à l'heure sur le bilan environnemental de la filière.

— Photo : Xavier Eveillé

Comment se porte la filière de la conchyliculture et de l’aquaculture ?

Frédéric Coudon : « Nous rencontrons des problèmes de croissance sur les productions depuis plusieurs années déjà et cela ne s’arrange pas. Le principal facteur tient clairement au réchauffement climatique : cela fait plusieurs années que l’eau de mer est sensiblement plus chaude dans tous les territoires observés. La profession doit s’emparer de ce problème, car à terme il va falloir s’adapter, se réorganiser. Nous allons être contraints de changer nos habitudes dans nos pratiques, voire de déplacer les productions, ou de changer de variétés… Ce qui serait une autre paire de manches et extrêmement coûteux pour la profession ! Cette crise climatique pose d’autant plus problème qu’elle s’ajoute aux difficultés structurelles de recrutement. Nous peinons à pourvoir les postes, en particulier saisonniers, ce qui empêche le développement des activités. Certaines saisons sont courtes, d’octobre à décembre par exemple… Ce n’est pas facile de recruter du personnel sur une aussi courte période.

Les professionnels de la filière n’ont pas toujours une bonne image environnementale. Comment évoluent les mentalités ?

F.C. : « De nombreuses études scientifiques ont démontré que le bilan carbone de la profession était neutre. Il est positif sur nos productions à proprement parler, qui créent naturellement des puits de carbone océaniques. Les espèces s’en nourrissent et le piègent. Il est négatif dans l’exploitation qui est faite autour des parcs. Cette dernière génère des émissions dans les mêmes proportions. Mais ces émissions sont minimes comparées à la pêche côtière ou au large*. La filière s’est énormément remise en question s’agissant des filets ou casiers abandonnés. Des matériaux nouveaux émergent. Mais le plus compliqué à appréhender, c’est le passage aux moteurs électriques. C’est l’un des thèmes majeurs du salon national de la conchyliculture et des cultures marines qui se tient à Vannes chaque année en octobre.

A ce jour, peu de chantiers s’équipent en bateaux électriques. Des achats groupés ne peuvent-ils pas être envisagés ?

F.C. : « Rien ne s’oppose juridiquement. Ces innovations existent, mais les économies d’échelle ne sont pas encore évidentes. Un moteur électrique coûte deux à trois fois plus cher. Tant que les prix ne baisseront pas, nous ne pourrons envisager de tels groupements d’achat. Il y a un point critique à trouver. J’espère qu’on y arrivera dans les années à venir. J’y suis d’autant plus favorable qu’outre l’intérêt économique, il est déjà acquis que cela aurait non seulement un impact positif en termes d’image de marque, mais que cela attirerait davantage la main-d’œuvre, sensible à ces questions, et dont nous manquons cruellement. »


* L’une des études réalisée en Galice en 2011 par des chercheurs de l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle chiffre l’impact carbone à 0,1 kg de Co2 pour 1 kg de moule contre 1,7 kg de Co2 pour 1 kg de poisson en pêche côtière et 1,5 kg de Co2 pour la pêche au thon.

# Maritime