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Entreprises de taille intermédiaire : qui sont ces champions très discrets ?
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Entreprises de taille intermédiaire : qui sont ces champions très discrets ?

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En Morbihan, le ratio des entreprises de taille intermédiaire est de 60 par million d’habitants, contre 90 par million en France et plus du double en Allemagne. A l'heure où le législateur prévoir enfin de leur faciliter la tâche, tour d’horizon des ETI qui montent. Et des prétendants à plus long terme.

— Photo : Hervé Cohonner

Elles représentent 38 % de l’emploi industriel et sont souvent des championnes mondiales dans leur catégorie avec 75 % de sites de production hors Ile-de-France. Ce sont les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Un acronyme qui fait parfois peur, tant cette catégorie, deuxième "vallée de la mort" du monde entrepreneurial, après le cap des 50 salariés, a été mise à mal par la désindustrialisation : « Le législateur français a de longue date imposé le costume des grandes entreprises aux intermédiaires. La notion d’ETI est à la base purement statistique (impliquant un effectif de plus de 250 salariés et de moins de 4 999 salariés, ou un CA de plus de 50 M€ et un total de bilan de plus de 43 M€, NDLR). Elle date de la loi de modernisation de l’économie de 2008. Jusqu’alors, elles étaient copieusement ignorées ! », rappelle Alexandre Montay, le délégué national de Meti, l’association des ETI de France, qui milite pour les faire entrer dans le radar des pouvoirs publics. « En France, on impose le cadre des grandes entreprises aux autres, tout en exonérant les plus petites. C’est bien la preuve d’un péché originel. »

La France entend rattraper le retard sur ce segment très internationalisé qui a créé, malgré les vicissitudes, 90 500 emplois nets entre 2009 et 2016 quand les grands groupes en détruisait autant, note l'Insee. Avec un ratio de 90 ETI par million d’habitants, l’Hexagone se classe loin derrière l’Allemagne, les USA, le Royaume-Uni (150), l’Italie ou l’Espagne (130). En proportion, elle est au niveau de l'Arabie saoudite.

Les entrants et les sortants

En Morbihan, le ratio est encore plus faible, avec une quarantaine d’ETI (60 par million d’habitants). La raison ? Un tissu qui a émergé depuis les Trente Glorieuses, suivi d'un second boom dans les années 1990-2000. Or, il faut du temps pour bâtir une ETI.

Parmi les grands noms : Groupe Bernard, Capitaine Houat, Back Europ… Récemment, Olmix a fait son entrée à l’issue d’une impressionnante vague de croissance externe. Le fabricant de produits à base d’algues est passé de 37,5 M€ de chiffre d'affaires en 2015 à 160 M€ en 2 ans ! Autres promus : Mix Buffet (182 M€ de CA), Altho (96 M€), FenêtréA (64 M€), Socomore (47 M€), La Belle-Îloise (45 M€)… Eveno (41 M€), Le Doré (38 M€), Transports Lorcy (36 M€) pourraient suivre. Autres prétendants à plus long terme : Arval (33 M€), Coriolis Composites (27 M€), Laudren (24,7 M€), Bic Sport (23,6 M€), Meti (22,2 M€) ou encore Plastimo (21,4 M€). A noter que Syleps est sorti en 2017 du champ, après son rachat par le groupe Five, et La Trinitaine devrait suivre cette année en intégrant Pâtisseries Gourmandes, et donc le groupe Roullier.

Les prétendants doivent gérer la croissance

A surveiller aussi, les potentialités à long terme, notamment dans la green economy. « Le cap des 50 salariés approche, annonce Marie-Laurence Le Ray, dirigeante adjointe chez Ecodis, distributeur de produits écologiques hors alimentaire, à Saint-Nolff. Le CA a encore augmenté de 20 % en 2017. Nous pensons diversification avec des leviers d’ici 5 ans. » Sans y penser chaque matin au réveil, « le challenge n’est pas hors de portée. Nous recrutons une dizaine de personnes chaque année et avons des effets sur les Esat régionaux. Derrière nous, il y a 130 emplois. Nous avons d'ailleurs été sollicités par Bpifrance sur ces questions. Comme quoi… »

D’autres se montrent plus réservées : « Nous avons passé 10 ans à gérer la croissance avec des problématiques de financement d’investissements. Alors, devenir une ETI… », observe Bastien Pariaud, le directeur général d'Atlantic Nature (compléments alimentaires). La PME de Ploemeur fait pourtant partie des pépites, telles Thibault Bergeron (17,7 M€), Bébé au Naturel (17 M€), U Ship (11 M€) ou encore Sofis (50 salariés et bientôt 10 M€ de CA, grâce à un important appel d'offres dans la formation pour la Défense).

Quels leviers de développement ?

Ces PME affichent des ambitions, même si leurs vies ne sont pas de longs fleuves tranquilles. Ainsi, le succès des produits distribués par Bébé au Naturel a fini par réveiller la grande concurrence, comme Carrefour. Pour continuer à grandir, ces pépites doivent se défendre bec et ongles. Elles ont d'autant besoin de soutien que conforter les ETI, c'est renforcer le noyau dur des entreprises qui exportent et irriguent l'économie.

Parmi les leviers de soutien enclenchés : la réforme de l’ISF est une première mesure phare, de même que le prélèvement forfaitaire unique. « Cela va réoxygéner les rachats d’actifs, les consolidations, resitue Alexandre Montay. L’autre case à cocher, c’est la transmission avec la proposition de loi sur la transmission, attendue en conseil des ministres, puis cet été à l’Assemblée nationale. Le cadre fiscal, lui, sera examiné en loi de finances en septembre. Cela dynamisera le levier de la croissance externe. »


Dominique Lamballe (FenêtréA) : des seuils « chronophages et trop normés »

Avec 400 salariés et un chiffre d’affaires qui a atteint 64 M€, FenêtréA coche toutes les cases d’une entreprise de taille intermédiaire. Et pourtant est-ce vraiment différenciant dans le quotidien du 10e fabricant français de portes et fenêtres ? « ETI ou PME pour moi c’est la même chose. C’est plus une donnée statistique et économique pour l’Etat. Nous sommes plus une belle PME qu’une ETI. Ce qui importe c’est de savoir d’où nous venons », analyse Dominique Lamballe, dirigeant de l’entreprise de Beignon.

Toutefois, plus qu’une question de changement de catégorie d’entreprise, l’industriel pointe du doigt des changements liés au dépassement du seuil des 300 salariés. « C’est un sujet peu abordé, mais il faut savoir que lorsque qu’une entreprise dépasse le cap des 300 salariés, elle est assujettie à un tas d’obligations auxquelles nous ne sommes pas préparées. » En effet, ce seuil renvoie à la mise en place d’un bilan social, l’ouverture de négociation pour un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), etc. « C’est chronophage et très normé. Il y a un avant et un après seuil des 300 salariés. C’est un sujet que j’ai évoqué avec François Hollande lorsque je l’ai rencontré. »

Après avoir investi en moyenne 5 millions d’euros par an, FenêtréA a désormais optimisé son outil. Sa croissance devrait se poursuivre avec ces dernières innovations comme sa porte interchangeable qui devrait lui permettre de doubler son développement sur ce marché. Etablie sur 46 000 m², elle s’est aussi dotée de 4 hectares potentiels de réserve pour l’avenir.

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