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Créer dans un lieu innovant : Pari gagnant ?
Enquête Morbihan # Immobilier

Créer dans un lieu innovant : Pari gagnant ?

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Ils sont entrepreneurs, indépendants, en quête de visibilité. Une large offre de lieux innovants s'ouvre à eux : pépinières, nurseries, incubateurs, hôtels d'entreprise... Effet de mode ou tendance lourde, le phénomène va-t-il pousser les murs de l'entreprise de demain ?

— Photo : Le Journal des Entreprises

Les lieux de travail innovants ? Michel Brébion est intarissable sur la question. Ancien directeur de Vipe, l'agence de développement économique du pays de Vannes, et actuel patron de Winbound, le Vannetais a une vision très claire de ce qui peut paraître complexe à d'autres, entre espaces de coworking, pépinières, incubateurs et autres nurseries : « Il faut distinguer les hôtels d'entreprise, avec des espaces communs, des lieux de regroupement avec accompagnement. C'est LE clivage en terme de concept dans le monde des start-upeurs. À Vannes, les hôtels d'entreprises hébergent des jeunes entrepreneurs - je pense au Médipôle - alors qu'une pépinière comme le PIBS va proposer de l'accompagnement. » L'accompagnement, c'est ce que l'on retrouve à la Nurserie numérique de Malestroit. Le soutien de Christian Guillemot s'avère fondamental et joue à plein. Première « lauréate » de la Nurserie Numérique de Malestroit en juin 2014, Marion Chauloux (Dynamo Neocom, agence spécialisée dans les réseaux sociaux) vient de prendre son envol. Outre un bureau, la Nurserie Numérique propose le logement privé aux start-uppeurs.

Est-ce que ça marche ?

« L'effet nurserie est réel, se réjouit Marion Chauloux. Avant 2014, je travaillais en solo comme community manageuse, ça ne décollait pas. Le soutien de Christian Guillemot a été hyper important, riche en conseils, en contacts. Alors que j'ai fait 0 en 2013, j'ai engrangé un début de croissance dès 2014, première année à la Nurserie, puis j'ai doublé chaque année. » Au Grenier Numérique de La Gacilly, Vincent Haëntjens fait aussi partie de la première vague. Le fondateur du mulot.fr développe depuis trois ans un site collaboratif sur le pays de Questembert-La Gacilly permettant notamment aux particuliers de grouper leurs achats (pellets, fioul, services). Il flèche 500.000 euros vers les entrepreneurs locaux, ce qui dégage déjà 30 000 euros de résultat brut. Le soutien des acteurs locaux (communauté de communes en tête) a été déterminant. « L'état d'esprit rejoint celle du territoire qui a recruté une ambassadrice transition énergétique, Claire Toulet, et lancé la plate-forme planet2030.bzh. »

On peut citer aussi l'essor de Chipili (lire p 17). L'accompagnement est bien le critère déterminant. Pour l'Insee, le taux de survie à 5 ans oscille entre 50 et 55 % suivant les régions. Selon Michel Brébion, il est de 70 % dans les structures accompagnées. « Qu'il soit physique (lieu partagé) ou à distance (réseaux, parrainage) l'accompagnement joue à plein. 70 %, c'est le taux de survie d'une entreprise à trois ans. » Il a une autre vertu : il apporte une signature pour les entrepreneurs en quête de fonds : « Etre incubé rassure les investisseurs, c'est vertueux », constate Michel Brébion. En pointe, les incubateurs privés s'avèrent les plus rassurants. Cas extrême en Morbihan ? Celui de Neovia, baptisé We'nov, et doté d'un fonds d'investissement de 5 millions d'euros dédié aux start-ups.

Que penser de la gratuité ?

Les lieux innovants sont souvent perçus comme un moyen de réduire les coûts. La quête de la gratuité a toutefois ses limites, pose Michel Brébion : « Oui, il faut être attractif, mais démarrer sans loyer peut endormir... » Ainsi, l'écloserie de Plouharnel située à 200 m de la mer a fait le choix de fixer un prix dès 162 euros HT/mois en fixant une date limite de candidature au 7 mars 2017. A Lorient-Keroman, les 1.400 m² de la Colloc, développée par quatre associées privées dans l'ex bâtiment Loxam avec le soutien de l'entrepreneur, est prise d'assaut. Le choix s'est porté sur des tarifs attractifs. Ce concept d'hôtel entreprise amélioré, avec de nombreux ateliers, fait le bonheur de jeunes entrepreneurs dans les métiers de la communication, du bien-être, du digital, de l'urbanisme... Elle compte déjà 200 membres dont 50 permanents+50 coworkers. « Il ne reste plus que 12 places. On a booké très vite depuis septembre ! », se réjouit Anne-Laure Guilbaud, initiatrice. La colloc vient de recruter une "happy officer", chargée du bien-être et de la coordination des ateliers destinés à aider les "hôtes" à monter en compétence.

L'offre est-elle suffisante ?

Reste que le principe de la gratuité fait débat, en particulier en zone rurale. A La Gacilly, Vincent Haëntjens ne se serait pas vu démarrer avec un loyer à payer. L'exemple de la Colloc illustre un autre constat : dans les agglos, la demande est non satisfaite. « A Vannes, on compte 58 bureaux, évalue l'ancien directeur de Vipe. Il y a de la marge de progression. » Ces nouvelles formes de travail "collent" à la typologie urbaine, alors que les besoins sont moins évidents hors des grandes villes. Prévue en 2015, la nurserie de Ploërmel a pris du retard. Celle de Malestroit a connu des débuts difficiles tandis qu'au Grenier numérique certains porteurs, qui ont pris leur envol, ont sitôt rejoint... les grandes métropoles.

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