Alain Glon : Champion breton

Alain Glon : Champion breton

S'abonner
Dirigeant d'une des plus importantes entreprises agroalimentaires de Bretagne, Alain Glon est aussi (forcément) l'une des plus grosses fortunes de la région. Ce qui est loin de simplifier sa succession. Nicolas Mollé
— Photo : Le Journal des Entreprises

Étonnant Alain Glon. L'homme distille un discours et une pensée atypiques. Entre bon sens paysan et prophéties visionnaires. Ce bâtisseur pilote aujourd'hui avec son groupe plus de 3.500 salariés et 1,4 Md € de chiffre d'affaires. Qui n'a jamais croisé l'estampille Sanders en bord de route ou de voie ferrée, sur un silo, un entrepôt? La liste des marques dépendant du groupe ou de la famille Glon est longue. À partir de son activité de nutrition animale, la dynastie a su se diversifier dans les produits élaborés (chips Bret's, Michel Robichon, etc.), les oeufs et ovoproduits (Matines, Ovipac, Ovifrance, etc.), la viande de volaille ou de porc (Boscher, Bernard) voire les emballages (Écofeutre).




«Né dans un moulin»

Alain Glon a été le témoin des mutations radicales du monde agricole depuis l'après-guerre. «Je suis né à la maison, il n'y avait pas de maternité, dans un petit moulin qui produisait sept quintaux de farine par jour», raconte l'entrepreneur. «Nous étions cinq enfants, c'était la guerre, mon père était meunier, il a été résistant puis prisonnier. À l'époque, les gens avaient faim, j'ai connu les tickets de rationnement. Bref, c'était l'aventure! On ne demandait pas à être rassuré sur le lendemain. Aujourd'hui, je trouve qu'il y a un tel besoin de sécurité partout. Alors que je crois qu'on a pas de mal à vivre sans savoir de quoi demain sera fait. Il suffit de s'entraîner à cela plutôt qu'à une petite vie normée.»




La saga continue

Les trois frères Glon, Noël, Alain et André ont repris il y a 50ans à leur père André les rênes de son groupe. Alain Glon a lui-même trois enfants. L'aînée, Véronique, est revenue à Rennes dans le négoce après 20ans à Paris. Frédérique, la cadette, «s'est mariée avec Michelin» avant de revenir elle aussi en Bretagne. Epouse de Laurent Cavard, le responsable d'Altho (Chips Bret's), elle s'occupe désormais d'Écofeutre. Enfin, le petit dernier, le trentenaire Benoît, travaille au Vietnam. Lui aussi pour le compte de Glon? «Il travaille pour lui», bougonne Alain Glon.




Humanisme terrien Breton influent, Alain Glon est président de l'Institut de Locarn et membre du Club des trente, qui compte dans ses rangs François Pinault, Vincent Bolloré ou Louis Le Duff.

Derrière les fulgurances, les piques parfois un peu provocantes, on sent qu'un humanisme terrien imprègne Alain Glon. C'est déjà la quatrième fois que l'on rencontre ?M. le Président?. Lors de notre première rencontre, contredit alors qu'il se livrait à une de ses harangues classiques contre la SNCF, il n'avait pas refusé la discussion. La deuxième fois, il avait accepté de figurer parmi le parterre d'entrepreneurs réuni par Le Journal des Entreprises lors d'une table ronde effectuant le bilan d'un an de crise financière. Jamais deux sans trois: on avait aussi croisé Alain Glon au Péage de La Gravelle, au cours de la manifestation ?historique? des patrons bretons contre l'éco-taxe.




«Pas envie de Belgique»

On le sent cette fois préoccupé, en proie à d'intenses réflexions. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Alain Glon envisage sa succession à reculons. Le capital de Glon-Sanders est actuellement détenu à 60% par Sofiprotéol, société financière de la filière oléagineux, à 35% par la famille Glon (André et Alain Glon) et à 5% par des cadres du groupe. Les participations croisées avec Michel Houdebine doivent être prises en compte. «Il y a des échéances dans le pacte d'actionnaires mais elles ne m'intéressent pas», tranche-t-il. «Quand on doit se mêler du droit ou des écritures, c'est qu'on a commencé à perdre. La seule question qui doit se poser c'est: ?Suis-je le meilleur président? Le meilleur propriétaire?? L'important c'est ce que l'on fait de son argent. Actuellement, je trouve qu'il est mieux là où il se trouve qu'à la Bourse. Alors, bien sûr, les règles de la fiscalité en France veulent que si, demain, je ne peux plus garder mon poste de président, je devrai céder mes parts. Il faudrait réétudier d'autres dispositions capitalistiques mais je n'ai pas forcément envie de m'expatrier en Belgique. La France compte bien là-dessus pour abuser de ses citoyens...»




Déjà ailleurs

Alain Glon admet que l'exil des centres de décision économiques hors de Bretagne est problématique. «L'ensemble du système est conçu pour ramener le pouvoir à Paris et la fiscalité est un des leviers qui conduit à la désertification de la région.» Même s'il ne veut pas partir, Alain Glon ne tient pas en place. «Je vais vous laisser car j'ai rendez-vous avec des paysans que je forme pour aller vendre leur expertise au Vietnam», indique-t-il à la fin de l'entretien. À bientôt 70 ans, l'homme prépare une nouvelle ?carrière? en Asie. ««J'y reste actuellement deux mois par an mais j'y serai de plus en plus. La vie commence à soixante ans», s'amuse-t-il.