Révolutions en Méditerranée : Quels enjeux pour les PME de Paca ?

Révolutions en Méditerranée : Quels enjeux pour les PME de Paca ?

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Tunisie, Égypte, Libye...: les premiers mois de cette année ont été marqués par les ?révolutions arabes?. Comment les PME de Paca qui travaillent étroitement avec ces pays ont-elles vécu ces événements? Ce vaste mouvement d'émancipation politique peut-il avoir des répercussions économiques? Quelles conséquences pour le futur business méditerranéen? Un dossier réalisé par Alexandre Léoty
— Photo : Le Journal des Entreprises

En janvier et février derniers, en l'espace de seulement quelques jours, deux régimes autoritaires sont tombés sous la pression de la rue: la Tunisie et l'Égypte. Quant au sort de la Libye, troisième pays méditerranéen à s'être soulevé, il n'est pas encore scellé à l'heure où nous bouclons ce numéro. Au-delà des enjeux centraux de ces mouvements révolutionnaires, qui illustrent avant tout un élan démocratique historique, certaines conséquences immédiates ont été ressenties de manière pragmatique de notre côté de la Méditerranée. Et plus particulièrement au sein du tissu économique de la région Paca. Car en matière d'échanges commerciaux, les entreprises des deux rives ont noué au fil des ans une relation privilégiée. En effet, les pays du pourtour méditerranéen (hors Europe) ont absorbé plus de 16% des exportations de la région Paca au premier semestre 2010, tandis que les importations en provenance de cette zone représentaient près de 29% du flux de la région. Très directement, la Tunisie se classait début 2010 au huitième rang en terme d'exportation pour les entreprises locales. Quant à la Libye, elle était à la première marche du podium des pays fournisseurs de Paca. Pour sa part, bien que moins concernée par ces échanges, l'Égypte représente tout de même traditionnellement une terre d'opportunités pour les entreprises locales, compte tenu de l'importance du marché concerné.




Des conséquences directes

Ainsi, c'est tout un écosystème historiquement favorable aux échanges avec le tissu économique de Paca qui a basculé en début d'année. Un renversement que les entreprises locales mobilisées sur ces marchés ont vécu de manière frontale (lire ci-contre). C'est par exemple le cas du groupe Génoyer, leader mondial dans la fourniture d'équipements de tuyauterie pour l'industrie pétrolière, gazière et hydraulique: «En Libye, tout est stoppé pour le moment pour nous, confie Alain Tricolet, président du directoire du groupe basé à Vitrolles. Ensuite, il y a des pays, comme l'Égypte et la Tunisie, qui vivent une mutation sociale très positive. Avec eux, nous le savons, les processus d'investissement nous concernant vont probablement être ralentis cette année». Pour certaines PME de Paca, la nouvelle donne engendre par conséquent une certaine frilosité, voire un rejet de ces pays qui étaient hier des cibles de business privilégiées. C'est ce que constate Jean Ferroni, fondateur d'Alexport, société aubagnaise d'accompagnement à l'international, spécialiste de ces pays et plus particulièrement de l'Égypte: «Pour une structure comme la nôtre, les temps sont durs. Nous serons d'ailleurs amenés à nous poser des questions sur notre activité d'ici à l'année prochaine. Car aujourd'hui, il est devenu compliqué de convaincre une entreprise de cibler le marché égyptien. Certaines de nos missions ont été annulées, pour des questions de sécurité et d'instabilité politique. Il est d'ailleurs naturel pour les PME, qui disposent souvent d'une vision stratégique à court terme de leur développement, de se tourner vers d'autres pays, en se disant: ?On verra plus tard?. Soyons clairs: si j'étais une PME locale, qui n'a, par définition, pas le droit de manquer son pari, j'attendrais quelques mois... Quant à ceux qui y travaillent déjà, certains gagneront et d'autres perdront, sur le principe des vases communicants. Car les cartes vont être redistribuées. Mais il est clair que des opportunités seront probablement à saisir dans six mois ou dans un an».




Un partenariat renforcé ?

À plus long terme, en effet, c'est toute la carte du business méditerranéen qui pourrait être redessinée. Pour autant, les analystes restent prudents. «La Tunisie et l'Égypte étaient des pays déjà très ouverts aux affaires, rappelle Christian Allemand, directeur régional Paca de Coface. Alors, est-ce qu'une plus grande liberté politique permettra réellement de générer une plus grande liberté économique? Honnêtement, ce n'est pas certain. Bien sûr, il y aura des changements dans l'actionnariat des entreprises, et peut-être moins de concentration, mais je reste très sceptique quant à la possibilité de voir naître un très grand changement en la matière». Emmanuel Noutary, directeur du programme Invest in Med, ne cache pourtant pas son optimisme: «Ces révolutions s'appuient sur des valeurs d'égalité et de démocratie, qui sont partagées avec les pays européens. Cela devrait logiquement faciliter un renforcement du partenariat qui existe entre les deux rives de la Méditerranée».