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Patrick Siri : « Les start-up sont l'or noir du XXIe siècle »
Interview Marseille # Réseaux d'accompagnement

Patrick Siri cofondateur de P.Factory Patrick Siri : « Les start-up sont l'or noir du XXIe siècle »

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Patrick Siri a créé en 2014, avec Bertrand Bigay, la société P.Factory qui accompagne des start-up dans leur développement. Impliqué dans le territoire, notamment au travers de l’association « 60 000 rebonds » dont il est le président local, Patrick Siri porte un regard original sur l’écosystème de l’innovation.

Patrick Siri, cofondateur avec Bertrand Bigay de P.Factory, est par ailleurs président de « 60 000 rebonds » et vice-président de la Cité des entrepreneurs d’Euroméditerranée — Photo : Dider Gazanhes/Le Journal des Entreprises

Le Journal des Entreprises : Vous avez créé P.Factory en 2014 avec Bertrand Bigay, quel bilan tirez-vous de cette expérience après trois années d’activité ?

Patrick Siri : Nous avons créé P.Factory avec la volonté de guider les jeunes entreprises dans leur développement et de leur apporter toute notre expérience d’entrepreneurs avertis. À la fin 2017, nous avions reçu 420 candidats. Nous sommes actionnaires de 86 start-up et 29 ont levé des fonds. Nous avons investi 606 000 € qui ont permis de réunir près de 9M€ auprès de business angels et de fonds d’investissement, comme Paca Investissement, par exemple. Nous sommes par ailleurs aller chercher des fonds de dette pour 5,8 M€. Au total, nous avons contribué à réunir près de 16,5 M€. Quand nous nous engageons financièrement auprès d’une entreprise, nous lançons un signal fort à l’écosystème. Nous prenons 5 % au capital des entreprises et nous leur apportons un accompagnement, du réseau et nous les menons à une levée de fonds.

Tout le monde parle aujourd’hui de start-up, n’y a-t-il pas trop de pseudo-entreprises en devenir ?

P. S. : Tout le monde s’arrache les start-up, c’est vrai. Elles sont l’or noir du xxie siècle. Une start-up c’est une entreprise avec un potentiel de forte croissance. Il y a aujourd’hui trop de projets dans des domaines qui ne marchent plus, comme les applications ou les plateformes. Il faut que l’innovation proposée par l’entreprise corresponde à un vrai besoin et apporte une solution. Parfois, ces éléments sont en place et c’est l’équipe qui n’est pas en adéquation avec l’ambition. Il faut savoir regrouper les compétences nécessaires à un projet.

« Aujourd’hui, un patron peut et doit changer d’avis, personne ne lui en tiendra rigueur. L’inconstance c’est savoir être tout près du terrain, savoir sentir les choses… »

N’y a-t-il pas aujourd’hui trop d’accélérateurs ?

P. S. : Oui, c’est un effet de mode. Tout le monde crée son accélérateur. Les grands groupes s’y mettent et pensent capter de la valeur sur leur métier, comme CMA CGM ou L’Occitane… Ils ont en effet une expertise aussi apprendre à devenir entrepreneur en partant souvent de zéro. Cela prend du temps de gérer une entreprise et des hommes. Pour accélérer justement, il faut s’unir. Plus nous serons nombreux à accompagner les entreprises, mieux ce sera. Aujourd’hui, notamment avec le numérique, le monde est complexe et tout va très vite. Les entreprises n’ont plus le droit de se tromper. Il faut réinventer l’accompagnement. Avant, un patron devait tenir une ligne directrice. Son point fort, c’était la constance. Aujourd’hui, il peut, et il doit changer d’avis, personne ne lui en tiendra rigueur. L’inconstance c’est savoir être tout près du terrain, savoir sentir les choses…

On vous sent toujours passionné par le sujet…

P. S. : J’adore l’entreprise. Même le simple mot «entreprendre » me fascine. Le fait d’entreprendre est vraiment dans mon sang. C’est créer, bâtir, fraterniser, essaimer. J’ai toujours eu cette envie de créer, de prendre des risques. Le risque est une notion intimement liée à l’entreprise. Il faut savoir le maîtriser, le contrebalancer, l’encadrer. C’est pour cette raison que des structures comme P.Factory existent. Prendre des risques, c’est aimer la vie. Nous sommes aujourd’hui dans une société qui a peur du risque. Le principe de précaution à la française ne fait que réveiller la peur. Cela cadenasse tout.

Quel est votre point de vue sur les derniers rebondissements concernant la French Tech : l’appel à manifestation d’intérêt lancé par la Métropole qui a abouti à la lutte entre deux candidatures, celle de Medinsoft, qui gérait depuis trois ans le label, et celle d’Aix-Marseille 2.0, collectif constitué par Pascal Lorne ?

PS : La French Tech est un outil fabuleux qui doit fédérer l’ensemble de l’écosystème de l’innovation : les start-up, les grands groupes, les financeurs, les investisseurs… Quand les deux projets se sont présentés, j’ai souhaité les rassembler. Quand il y a deux listes, il y a toujours un gagnant et un perdant et cela crée des tensions. Une fusion des deux projets aurait été plus profitable. Si l’on fait le point sur la situation, on constate que l’implantation du label dans le territoire a été une réussite. À la fois au national et au local. Mais, il faut maintenant réussir le développement et cela doit passer par deux éléments : les start-up ont besoin d’appui pour l’international et pour la recherche d’investisseurs. Elles doivent rester un véritable enjeu technologique, voire économique, mais en aucun cas devenir un enjeu politique. Il n’est pas possible de faire de chantage à la start-up. Au contraire, nous devons tous être unis derrière elles. Mais nous devons aussi, nous attacher à la qualité des start-up, plutôt qu’à leur quantité. Peut-être est-il ainsi inutile d’envoyer tant de sociétés au CES de Las Vegas. Une quinzaine, plus mature, mieux encadrée, aurait plus de chances…

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