Les tribulations d'entrepreneurs en Chine
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Les tribulations d'entrepreneurs en Chine

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Pour convaincre la Chine d'investir en Paca, la Région a sorti l'artillerie lourde avec en première ligne son président Christian Estrosi, accompagné d'une trentaine d'entreprises du cru parties, du 15 au 21 octobre dernier, chasser en meute sur le plus grand marché du monde. Retours d'expériences...

— Photo : Le Journal des Entreprises

Ils ont parcouru des milliers de kilomètres, bravé un typhon, dormi - un peu -, échangé - beaucoup - pour un seul et même objectif : chasser en meute sur le plus grand marché du monde. Plus précisément à Shanghai et dans la province du Guangdong, dont les villes phares se nomment Canton, Shenzen, Zhuhaï. C'est là que s'est tenue, du 15 au 21 octobre, la première mission économique régionale qui regroupait une soixantaine d'officiels, d'entrepreneurs et de professionnels du tourisme de Paca, sous la houlette de son président Christian Estrosi. Une démonstration de force pour assurer, dans un contexte post-attentat, la promotion de la Région comme destination phare des touristes chinois, séduire des grandes firmes susceptibles de renforcer leurs investissements (Huawei) ou de s'implanter sur le territoire (Quenchen Silicon Chemical à Fos-sur-mer ?) et permettre aux entrepreneurs présents de nouer des opportunités d'affaires. Avec réussite pour certains.

Ecoat crée une joint-venture

À l'instar de Feeligreen, start-up sophipolitaine spécialisée dans la cosmétique instrumentale et connectée, qui a profité du voyage pour signer, le 20 octobre, un premier contrat commercial en Chine avec le spécialiste du bien-être féminin Kontrue. Deux jours auparavant, c'est la cleantech grassoise Ecoat, qui était à l'honneur. Spécialiste des polymères d'origine naturelle pour composants de peinture, elle signait un accord préalable à la constitution d'une joint-venture avec le fabricant de peintures chinois Vanlead. « Nous regardions la Chine avec intérêt depuis quelque temps déjà, raconte son dirigeant Olivier Choulet. Là-bas, eu égard aux problèmes environnementaux, de nouvelles directives émergent poussant le remplacement des peintures à base de solvants par des peintures à l'eau. Or, il leur manque encore la technologie et le savoir-faire. » D'où cet accord combinant volet commercial et transfert technologique. La joint-venture fabriquera d'ici à la fin 2017 des polymères à la fois pour son propre usage et pour celui d'Ecoat qui s'ouvre ainsi les portes du marché chinois. Mais pas que. Située sur le port de Zhuhaï, à la pointe sud de la Chine, la co-entreprise adressera également la Corée et le Japon. « Peu d'acteurs y sont encore présents, ce qui laisse augurer un chiffre d'affaires pouvant rapidement dépasser la dizaine de millions d'euros ». À condition d'aller vite. Le Chinois est par nature impatient. « Beaucoup d'entreprises perdent des affaires faute de réactivité », indique-t-on à Business France.

Monument Tracker marque des points

« C'est une mentalité qui me plaît », sourit Jean-Jacques Lottermoser, co-dirigeant de la jeune pousse cannoise Monument Tracker, qui refera le déplacement fin novembre, histoire d'y installer son représentant et « de poursuivre les discussions entamées ». Pourtant, l'éditeur d'applications mobiles touristiques, qui couvre à ce jour près d'une centaine de destinations dans le monde, a longtemps hésité avant d'aborder l'Empire du milieu, « de peur d'être pillé ». Jusqu'à ce qu'il trouve le bon angle d'attaque. En l'occurrence celui permettant aux Chinois « de mieux accueillir les touristes européens sur leur sol ». La ville de Canton a semble-t-il bien apprécié, tout comme l'un des plus gros tours opérateurs chinois qui, lui, souhaiterait proposer à sa clientèle des app couvrant l'Asie du Sud-Est. « Cela supposerait de doubler notre production actuelle », s'enthousiasme le dirigeant qui revient également muni d'un ticket pour l'aéroport de Shanghai. Ce dernier aurait été séduit par l'offre concoctée pour Aéroport de Paris, proposant un programme touristique adapté aux voyageurs en fonction de leur statut (en partance, en transit ou en arrivée). L'avantage ? « L'aéroport connaît mieux ses passagers et dispose de la base de données utilisateurs ». Or, en Chine comme ailleurs, ce sujet intéresse.

Fertilisation croisée favorisée pour Milanamos

C'est le constat de Christophe Imbert, dirigeant de Milanamos, spécialiste de l'intermodalité dans les transports. À l'origine d'une première solution permettant d'identifier de nouvelles opportunités de routes aériennes, déjà utilisée par 25 aéroports, la start-up sophipolitaine, « partie pour amorcer des premiers contacts », entend bien accrocher ceux de Canton, Shenzhen et Shanghai à son tableau de chasse. « C'est pourquoi nous réfléchissons avec Monument Tracker à structurer une approche commune », indique le dirigeant. Car c'est là - aussi - tout l'intérêt de ce genre de mission. « On a passé de nombreuses heures sur les routes, cela a permis de renforcer les liens entre entrepreneurs, de créer des passerelles pour favoriser la fertilisation croisée ». Et ce, au-delà des habituels clivages Nice-Marseille. L'ensemble de la Région ayant été représentée.

Une future implantation pour Nawa Technology ?

« Participer ainsi à une délégation, c'est avant tout profiter d'un effet de groupe. Dans ces circonstances, on chasse en meute et c'est assez rare. Cela nous a permis, par ailleurs, d'échanger même sur des questions comme le management ou la gestion des ressources humaines qui n'avaient rien à voir avec la Chine », confie Pascal Boulanger, fondateur et dirigeant de la société Nawa Technology, basée à Rousset. Créée en 2013, la PME compte aujourd'hui 25 salariés et planche sur un matériau nouveau qui peut avoir des répercussions dans les domaines de l'énergie, des transports et de la sécurité. Nawa Technologies souhaite notamment réaliser une batterie au carbone pouvant se recharger de façon ultrarapide. « Nous sommes en train d'évaluer la pertinence de nous implanter en Chine afin de mettre en place une plateforme technologique pour démontrer la valeur de notre technologie. En termes de matériaux, tout se passe en Asie. 75 % des batteries y sont actuellement fabriquées. Depuis trois ans, nous nous y rendons régulièrement, mais nous n'avions encore jamais participé à une mission de ce type, qui nous a permis de rencontrer trois interlocuteurs importants, notamment le leader chinois des batteries au lithium et des transports en commun électriques intéressé par notre technologie ».

Euro-Tech relance sa filiale chinoise

« Nous avons été informés du voyage par la CCI Marseille-Provence et par le Club d'entreprises exportatrices WTC Apex dont nous faisons partie », rappelle en préambule, Florence Dibon-Gallo, qui dirige depuis un an la PME Euro-Tech, basée à Vitrolles et créée par ses parents. L'entreprise a pour vocation de déléguer des compétences pour superviser la production, l'arrêt technique, ou encore la rénovation d'installations industrielles. « Nous agissons en maîtrise d'ouvrage, maîtrise d'oeuvre ou pour le compte de sociétés d'ingénierie. Nos collaborateurs, pour la plupart des ingénieurs, sont ainsi sur le terrain, chez nos clients ». L'entreprise a ouvert un bureau en Chine en 2014. « Nous nous y sommes installés sous l'impulsion d'un contrat que nous avions avec Technip, mais depuis notre activité là-bas est en sommeil ». Plus pour longtemps... « Nous y installons un VIE en janvier prochain et je souhaite nettement développer notre activité à l'export ». Euro-Tech réalise actuellement près de 30 % de son chiffre d'affaires sur les marchés étrangers. « La participation à cette mission nous a permis d'obtenir des rendez-vous très intéressants, notamment avec le directeur général du groupe Cnooc, spécialisé dans l'extraction et le raffinage de pétrole offshore, que nous n'aurions pas réussi à décrocher depuis la France. » Des clients et prospects donc, mais aussi de potentiels partenaires. « Nous sommes en effet entrés en contact avec des entreprises facilitant l'implantation de sociétés en Chine. Nous avons notamment discuté avec des représentants d'EDF installés dans le pays », souligne Florence Dibon-Gallo, dont le voyage, à l'instar des autres participants, a été pris en charge par les organisateurs à hauteur de 80 %, dans la limite des 4.000 euros, et qui dispose désormais d'un visa pour la Chine de trois ans. À quand le prochain départ ?

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