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La Méridionale : « Une délégation de service public de 15 mois nous empêche d’investir dans la flotte »
Interview Marseille # Transport # Conjoncture

Marc Reverchon président de La Méridionale La Méridionale : « Une délégation de service public de 15 mois nous empêche d’investir dans la flotte »

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Environnement, nouveau système de réservation, future délégation de service public maritime sur la Corse, "smart port"… La compagnie maritime marseillaise La Méridionale (CA2016 : 67,8 M€ - plus de 500 salariés), filiale du groupe STEF spécialisée dans le transport de fret et de passagers entre la Corse et le continent, est sur tous les fronts dans un contexte de concurrence exacerbée avec Corsica Linea et Corsica Ferries. Entretien à bâtons rompus avec son président Marc Reverchon.

« La Corse demeure notre cœur de métier mais nous sommes attentifs à ce qui se passe, en particulier aux ouvertures de lignes sur les Baléares et la Sicile », confie Marc Reverchon, président de la Méridionale — Photo : Nathalie Bureau du Colombier / Le JDE

Le Journal des Entreprises : Comment ont évolué les trafics fret et passagers entre la Corse et le continent cette année ?

Marc Reverchon : Les marchandises sont en progression de 4 % à fin août sur 12 mois, toutes compagnies maritimes confondues. Cela s’explique par le dynamisme du tourisme en Corse et par l’ouverture de deux centres commerciaux en périphérie d’Ajaccio. Fin août 2018, la Méridionale a transporté 565 000 mètres linéaires de fret, soit une croissance de 3 %. La Corse franchit pour la première fois le cap des 5 millions de voyageurs, toutes compagnies et tous modes confondus.

Porté par les compagnies low cost, l’aérien progresse de 4,2 % de mai à août 2018, tandis que le maritime marque un repli de 3 % en juillet et août. Sur un marché en décroissance, la Méridionale progresse de 3,4 % avec 200 000 passagers transportés en cumul à fin août. Nous détenons 10 % de parts de marché. Le fret représente 60 % de notre chiffre d’affaires, les passagers 40 %.

Votre système de réservation était géré par la SNCM, reprise en 2016 par Corsica Linea. Pourquoi souhaitez-vous vous en affranchir ?

M. R. : Début 2019, nous lancerons notre propre système de réservation, car il renferme des données stratégiques. C’est notre cœur de métier et nous devons être en mesure de le maîtriser. Cela étant nous pourrons travailler sur les deux systèmes jusqu’en octobre 2019.

L’office des transports de la Corse a été désigné comme chef de file du programme "Gestion Européenne Conjointe des Connexions et Transports pour les îles" (GEECCTT-Iles) afin de développer les échanges entre la Corse, la Sardaigne et l’île d’Elbe. Êtes-vous impliqué dans ce programme ?

M. R. : Nous avons exprimé une marque d’intérêt pour la liaison Propriano - Porto Torres. Nous opérons déjà cette ligne, hors subvention, et considérons l’offre maritime insuffisante. Si demain, cette ligne était subventionnée, cela permettrait de muscler l’offre. Il faut de la fréquence et de la régularité pour être visible auprès de la clientèle. Le trafic roulier inter-îles se développe. La Corse demeure notre cœur de métier mais nous sommes attentifs à ce qui se passe, en particulier aux ouvertures de lignes sur les Baléares et la Sicile.

Vous êtes délégataire du service public (DSP) maritime de la Corse, aux côtés de Corsica Linea, jusqu’à fin septembre 2019. Comment préparez-vous la suite ?

M. R. : Une consultation est en cours pour une DSP dite de raccordement, entre octobre 2019 et décembre 2020. La date limite de remise des offres est le 5 novembre. Cette durée de 15 mois nous prive de visibilité et nous empêche d’investir dans un outil naval neuf. Hormis le Piana qui est récent, les Kalliste et Girolata ont plus de 25 ans. Autre inconvénient, le télescopage de cette DSP avec la mise en œuvre de la convention Marpol en 2020 sur la réduction des émissions de soufre. Les armateurs ont là encore peu de visibilité sur le passage au combustible avec une teneur de 0,5 % de soufre.

Quels sont les grands changements de la future DSP et répondrez-vous solidairement avec Corsica Linea ?

M. R. : Nous sommes en procédure de réponse, je ne peux révéler le résultat. Je constate simplement que les équilibres actuels sont satisfaisants. Cette DSP est essentiellement tournée vers le transport de fret sans modification de fréquence. En revanche, les spécifications concernant le transport de passagers ont disparu. Bruxelles estimant qu’il n’y a pas de carence des opérateurs privés. Les obligations de service public sont maintenues.

La Méridionale est engagée depuis de longues années dans la protection de l’environnement. Pourquoi multipliez-vous les initiatives ?

M. R. : Au même titre que la qualité de service, nous sommes engagés dans la protection de l’environnement. Dès 2011, nous avons installé le logiciel Repcet sur nos navires pour limiter les collisions avec les cétacés. Nous avons travaillé sur les peintures anti-fooling, changé l’hélice du Girolata, réglé nos moteurs et traité les eaux de ballast. Et depuis janvier 2017, nous avons déployé une solution de branchement électrique à quai pour stopper les émissions polluantes, lors de l’escale à Marseille. Une première en France pour les traversées en Méditerranée.

Le 20 septembre, nous avons testé sur le port d’Ajaccio la fourniture d’électricité en consommant du GNL. Là encore, il s’agissait d’une première nationale. Nous sommes à l’initiative également d’une charte d’éco-responsabilité dans le transport maritime que nous avons signée en septembre aux côtés des aires marines protégées du Parc national des Calanques, du Parc national de Port-Cros et du Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate.

La Méridionale s’est lancée dernièrement dans le Smartport challenge en lançant un défi aux start-up. Quel est son objectif ?

M. R. : Il s’agit de faire appel au monde digital pour améliorer notre offre en travaillant sur la mise à disposition des remorques à quai pour faciliter la gestion des opérations par les transporteurs. Les ports ont évolué ces dernières années. Marseille-Fos est désormais ouvert avec la Charte Ville-Port et bientôt la charte Métropole-Port et avec la création d’une mission interministérielle destinée à développer l’axe Méditerranée Rhône-Saône.

Le port de Marseille travaille à l’élaboration du projet stratégique 2019-2023. En tant que président du Conseil de développement, quelles sont vos recommandations pour améliorer la performance de Marseille-Fos ?

M. R. : Le Conseil de développement portuaire souhaite que le port continue d’investir dans les infrastructures, en particulier pour améliorer les escales de navires au terminal roulier sud et dans le bassin d’Arenc car les navires sont de plus en plus longs (230 m). Les travaux permettraient de proposer quatre postes à quai pour la Corse et trois au terminal roulier sud.

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