Alpes-Maritimes
« Il ne suffit pas de bien gérer les spécialités, la clé ce sont les interfaces »
Interview Alpes-Maritimes # Santé

Pierre Alemanno président du pôle santé Saint Jean à Cagnes-sur-Mer « Il ne suffit pas de bien gérer les spécialités, la clé ce sont les interfaces »

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Le Dr Pierre Alemanno, chirurgien plasticien de spécialité, dirige depuis 1998 le pôle santé Saint Jean (600 salariés),dont fait notamment partie la polyclinique Saint Jean (182 lits ; CA 2017 : 40 M€) à Cagnes-sur-Mer. Il prépare l’avenir avec un nouveau service d’urgences, un centre de dialyse et un centre pour les maladies psychiatriques, tout en passant la main à Alexandra Cittadini, l’actuelle DG du groupe.

Photo : Polyclinique Saint Jean

Votre service d’urgences vient de remporter le prix national des bonnes pratiques dans la catégorie des ETI des Prix nationaux de la qualité et de l’excellence opérationnelle (1). Pourquoi avoir choisi de faire évaluer ce service ?

Pierre Alemanno : Le service d’urgences est un des services les plus complexes car on ne peut pas gérer les flux qui se présentent et qui varient du simple au double dans le volume et la gravité. Ce service accueille 35 000 patients par an, soit une hausse de 75% en 11 ans. Nous avons dû nous adapter et nous avons lancé une certification sur les urgences orthopédiques, qui représentent 47% de notre volume de patients. Ce service est certifié ISO 9001 depuis 2006 et le temps de prise en charge est passé de 2h en 2011 à 1h40 aujourd’hui.

Quelle méthodologie avez-vous suivie pour améliorer la prise en charge des patients aux urgences ?

P.A.:Nous avons travaillé sur tous les aspects du service des urgences en suivant le parcours patient et on s’est rapidement rendu compte du rôle des interfaces. Quand on change de service, de personnel, de médecin, si le suivi d’informations n’est pas fait correctement, on freine le service. Il ne suffit pas de bien gérer les spécialités, la clé ce sont les interfaces. Aujourd’hui, par exemple, on demande au service de biologie de donner les résultats d’analyse en 30 minutes au lieu d’une heure et demi. Quand l’espace est contraint, nous sommes condamnés à bien travailler. Mais ce que l’on ne peut pas réduire, c’est le temps médical, et nous touchons là nos limites. Quand on prend en compte les prévisions de croissance démographique sur le cœur du département, nous devons prévoir d’investir dans un nouveau service d’urgences d’ici deux ans.

Où sera situé ce nouveau service et quel investissement cela représente-t-il ?

P.A.:Le maire a pris en considération le fait que nous sommes le seul opérateur de santé sur l’axe Cagnes-sur-Mer / Vence et que nous avons donc une mission de service public. Il a créé une zone UH [NDRL : zone à vocation hospitalière, sanitaire ou sociale] dans le PLU, autour de notre établissement, il y a deux ou trois ans, et nous avons acquis une réserve foncière de 6000 m² pour compléter, si besoin, les 15 000 m² de notre site actuel. Cela nous servira notamment pour construire le nouveau centre des urgences, qui passera de 450 m² à 1000 m² sur un niveau. Cela nous permettra d’améliorer les conditions d’accueil, en créant notamment un accueil séparé pour les enfants. Nous créerons à l’étage un centre de dialyse et cela représente un investissement global de 12 M€ environ.

De nombreuses start-up se créent actuellement sur le secteur de la santé. Comment percevez-vous cette évolution ?

P.A.:Nous sommes très attentifs à cet environnement de start-up et souhaitons profiter de tous les objets connectés qui vont nous permettre d’aller vers un dossier médical informatisé et de concentrer les interventions humaines sur les opérations à forte valeur ajoutée. Nous avons déjà un très haut niveau d’informatisation et devrions atteindre notre objectif de zéro papier en 2019. Aujourd’hui, l’infirmière fait le tour des patients en prenant le pouls et la tension des patients, et va entrer les informations dans notre logiciel. Demain, cela s’implémentera automatiquement dans le dossier et il sera possible de surveiller les constantes à partir de tous les postes de l’établissement. L’impact sur l’organisation peut être très important.

Comment préparez-vous le passage de relais avec votre directrice générale, Alexandra Cittadini ?

P.A.:Je pense que plus on vieillit, moins on doit être dans l’opérationnel. Mon rôle aujourd’hui consiste davantage à réfléchir aux tendances, aux besoins qui vont émerger et qui ne sont pas couverts sur le secteur, comme le centre international de vaccination que nous avons créé il y a deux ans ou le projet de centre de dialyse. En Afrique, il faut s’attaquer à la mortalité infantile. Chez nous, le développement des maladies psychiatriques est très préoccupant. Les gens ne sont pas heureux, ils sont inquiets et la prise en charge somatique n’est plus suffisante. Nous avons donc entamé une démarche pour déposer un dossier à l’ARS [NDRL : agence régionale de santé] pour élaborer un projet destiné à prendre en charge les maladies psychiatriques d’ici deux ou trois ans. L’ARS décidera si nous pouvons mener ce projet à son terme.

(1) organisés par l’association France Qualité Performance, la Direction générale des entreprises et le Medef

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