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Groupe Sclavo : « Le déchet doit être vu comme une ressource »
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Michel Sclavo directeur général Groupe Sclavo : « Le déchet doit être vu comme une ressource »

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Le groupe Sclavo est sur le point de fêter ses 100 ans d’existence. Son directeur général, Michel Sclavo, 56 ans, revient sur la marque de fabrique de la société, créée à Nice par son grand-père Antoine alors immigré italien, et l’arrivée de la 4e génération de la famille dans l’entreprise.

Michel Sclavo a rejoint l’entreprise de son père et de son grand-père au début des années 80 — Photo : Rémi Baldy/Le Journal des Entreprises

Vous allez fêter les 100 ans du groupe en juin prochain, quel regard portez-vous sur la société et ses évolutions ?

Michel Sclavo : Aujourd’hui, la 4e génération (ndlr : les arrière-petits-fils du fondateur) s’installe avec une autre vision de l’entreprise. Mon grand-père est arrivé d’Italie avec ses sept frères parce qu’il n’y avait pas de travail chez eux. Chiffonnier était un métier que personne ne voulait faire, donc il s’est lancé là-dedans. C’était déjà du recyclage, mais ça ne s’appelait pas comme ça. Mon père a pris la suite parce que ça fonctionnait bien, il a choisi de se spécialiser dans les fers et métaux. Mon frère Jean-Marc, l’actuel président, a succédé à notre père après sa mort à la fin des années 70. Je l’ai rejoint avec mon autre frère (ndlr : Antoine, aujourd’hui décédé), nous avons acheté une première benne, ce qui a été un tournant puisque nous avons pu traiter les déchets, notre cœur de métier aujourd’hui.

Après avoir couvert les Alpes-Maritimes, vous vous êtes étendus au Var en 1986, mais pas plus loin. Pourquoi ?

M.L : Nous faisons avec les moyens à disposition, nos opérations sont réalisées sur fonds propres… Pour le Var, c’était proche et les finances nous le permettaient. Aller à Marseille ou Bordeaux, ça devient compliqué. (Il pointe du doigt une pelle sur pneus Liebherr) Une machine comme ça, c’est 300 000 euros et à chaque fois il faut les terrains, les autorisations… Le développement vient de façon naturelle, nous ne sommes pas dans un état d’esprit de conquête. Pour aider les entreprises familiales, nous avons lancé le réseau Praxy (ndlr : 18 associés) qui regroupe des sociétés comme la nôtre partout en France et permet d’investir à plusieurs sur des projets.

L’aventure Sclavo aurait pu s’arrêter au début des années 90 avec une offre de rachat américaine…

M.L : Avec la crise des matières premières, les entreprises mettaient la clé sous la porte les unes après les autres. Nous n’étions plus payés, mais on s’est accroché pour ne virer personne et continuer. Quand une offre de rachat est arrivée, la question de vendre s’est sérieusement posée. Ni notre grand-père, ni notre père, n’avaient vendu et nous avons finalement choisi de tout faire pour sauver l’entreprise. Mais ça nous a marqués. Pendant près de 10 ans, nous avons mis le bénéfice de côté pour créer une réserve en cas de coup dur. Nous ne voulions plus jamais revivre ce genre de situation.

Comment expliquez-vous que chaque génération s’inscrive dans l’histoire de la société ?

M.L : On essaye de transmettre le goût de ce métier et l’envie d’en faire une industrie. Mais ce sont aussi des valeurs que l’on transmet hors du travail, à la maison en se réunissant tous ensemble. La famille, ça fédère. Aujourd’hui, il n’y a pas que les Sclavo, on a aussi embauché des personnes que l’on connaît depuis longtemps, qui ont grandi avec nos enfants. On parle de famille, mais cela correspond plus à l’emploi que l’on pourrait en faire avec la mafia, sans les activités illégales et criminelles bien sûr (rires). Je m’aperçois que si la troisième génération doit se retirer, la 4e continue de transmettre notre savoir-faire et l’envie de toujours s’améliorer pour être les meilleurs. Ce sont plusieurs familles qui font notre grande famille, sans ça nous ne sommes rien.

Vous agrandissez votre « famille » pour vous adapter, mais cela passe aussi par l’élargissement des activités avec un site qui va ouvrir à Fréjus pour la déconstruction des bateaux…

M.L : C’est une activité que nous faisons déjà à la marge, mais le marché a un gros potentiel avec 6000 unités en Paca, plus tous les bateaux qui arrivent en fin de vie. C’est pour mieux y répondre que nous lançons notre 9e site, il devrait sortir de terre pour le premier trimestre 2019. Cela représente un investissement de plusieurs millions d’euros et la création, dès le départ, d’une dizaine d’emplois durables et non délocalisables.

Quel est le grand défi du groupe aujourd’hui ?
M.L : Faire évoluer le modèle économique général pour que le déchet ne soit plus vu comme quelque chose à faire disparaître, mais comme une ressource, une matière noble. Cela passe par une évolution des mentalités au niveau des institutions.

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