Desserte de la Corse : Le port de Toulon en première ligne

Desserte de la Corse : Le port de Toulon en première ligne

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Fin 2010, les déclarations du président de l'office des transports de Corse ont relancé la bataille pour la desserte de l'île de beauté. En proposant une suppression de l'aide sociale aux passagers et une remise à plat de l'actuelle DSP, les élus corses ont semé l'inquiétude sur le port de Toulon. Dossier réalisé par Hélène Lascols
— Photo : Le Journal des Entreprises

«Le système de financement de la continuité territoriale dans le transport maritime est manifestement arrivé au bout de sa logique», selon un rapport de la chambre régionale des comptes, qui pointe du doigt les comptes de gestion de l'office des transports de la Corse, dont les pertes s'élèveront à 10M€ en 2010.




Deux systèmes concurrents

Le volet maritime du dispositif de continuité territoriale s'élevait à 133millions d'euros en 2009. Une part (114M€) va au système de délégation de service public instauré au départ de Marseille et détenu par la SNCM et la CNM. Le reste est distribué au titre de l'aide sociale aux passagers. Créée en 2002, cette aide a suivi la progression importante du nombre de passagers au départ des ports de Toulon et Nice et son enveloppe a atteint un peu plus de 21,5M€ en 2009, contre 7,5M€ en 2002. Finalement, «la collectivité et l'office des transports de Corse supportent deux fois le coût de l'aide au transport de passagers: par le biais d'une aide individuelle, instituée sur des lignes en plein essor et par le biais du financement global d'une DSP couvrant des lignes pour lesquelles le trafic est resté stable. Les deux systèmes sont donc devenus concurrents», résume la Chambre régionale des comptes. Pour stopper cette hémorragie, la collectivité territoriale a alors laissé entendre que l'actuelle DSP pourrait ne pas aller à son terme prévu, 2013. Voire pourrait être étendue au port de Toulon. Paul-Marie Bartoli, président de l'office des transports de la Corse, a quant à lui proposer la suppression de l'aide sociale. Ces propos ont semé l'inquiétude. Car, «si suppression de l'aide il y a, il y aura forcément une baisse du trafic», annonce Pierre Mattei, directeur général de la Corsica Ferries, principal opérateur au départ du port de Toulon. «Quant à la DSP, si elle est étendue, cela reviendrait à nous éjecter purement et simplement et à revenir aux années d'avant 2001 où le trafic était moribond en rade de Toulon».




L'aide sociale a boostétoute une économie

Attaquée de toutes parts, cette aide sociale reste pourtant beaucoup moins chère que la DSP et a contribué à développer un service de transport fiable et régulier entre la Corse et le continent et en particulier au départ de Toulon. Avant 2002, le port varois enregistrait moins de 200.000 passagers vers l'île de beauté. En 2009, il est devenu le premier port du continent vers la Corse avec 1,15million de passagers transportés par la Corsica. En 2010, une nouvelle compagnie, la Moby Lines, s'est même invitée sur cette ligne et a transporté sur 6 mois 115.000 passagers et la Corsica a proposé 600.000 places supplémentaires au départ de Toulon. «Depuis la création de l'aide sociale, un nouveau marché a émergé», remarque Pierre Mattei. Au-delà du port, c'est aussi toute une économie qui a bénéficié de cet essor. «La première année d'exploitation de la ligne Toulon-Corse par la Corsica, les hôtels de la capitale varoise ont enregistré une hausse de 30% de leurs réservations», selon Pierre Mattei. Sa compagnie embauche également une quinzaine de personnes en direct et une trentaine de dockers et apporte de l'activité à une dizaine d'entreprises toulonnaises. Jean-Michel Fernandez, dirigeant de la Scoop de lamanage considère ainsi que l'activité ferry est devenue un moteur essentiel et indispensable de l'économie portuaire sur Toulon. Enfin, les commerçants du centre-ville profitent aussi pleinement de cette clientèle ferry, dont les dépenses sont estimées entre 12 et 13euros, selon la CCI du Var. «L'aide sociale a enclenché un système vertueux et une augmentation du trafic grâce à une baisse des prix qu'elle a permis», renchérit Pierre Mattei. Elle a aussi contribué - du fait du recours à des navires mixtes - à développer une capacité de fret importante et «une baisse du trafic aurait inévitablement des conséquences pour les transporteurs, qui utilisent cette ligne», selon Antoine Breschi, directeur général de la CCI du Var.






La contre-attaque s'organise

Que ce soit la suppression de l'aide sociale ou bien un élargissement de la DSP à Toulon, ces deux hypothèses menacent l'équilibre économique du port. Mobilisée, la CCI du Var a remis une note à Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports sur l'évolution de la desserte maritime de la Corse et ses conséquences pour le Var et le port de Toulon. De son côté, la Corsica a lancé une pétition contre la suppression de l'aide sociale et atteint en 15 jours 12.592 signatures. «Les Corses aussi ont compris ce qu'ils pouvaient perdre avec la suppression de l'aide, c'est-à-dire la possibilité de voyager toute l'année avec des prix bas et de manière fiable». La première bataille, menée en novembre, n'a pas été gagnée mais elle n'a pas été perdue pour Pierre Mattei, qui se dit ouvert au débat et à un meilleur contrôle de l'aide sociale, «du moment que les règles du jeu ne sont pas changées en cours de match».