Ces entrepreneurs qui se relèvent après un échec
# Réseaux d'accompagnement

Ces entrepreneurs qui se relèvent après un échec

S'abonner

Reconnu pour sa capacité à prendre des risques, l’entrepreneur n’est pas immunisé contre l’échec. Alors que la faillite d’une société marque les chefs d’entreprise au fer rouge, plusieurs d’entre eux et des associations souhaitent faire évoluer les mentalités pour que ces erreurs de parcours soient perçues comme des étapes d’apprentissage.

Après 12 ans d’existence, la première entreprise de Raynald Wauters a fait faillite, ce qui n’a pas empêché l’entrepreneur martégal de se relancer dans l’entreprenariat après s’être reconstruit — Photo : Rémi Baldy/Le Journal des Entreprises

Si les défenseurs du monde économique local prêtent à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur des atouts indéniables, le territoire a connu plus de 6 000 défaillances d’entreprises en 2017, selon l’Insee. Ce qui place Paca sur la troisième place de ce podium peu envié. C’est légèrement moins que la région Rhône-Alpes (6 500), mais cette dernière a créé 3 000 sociétés de plus. L’Île-de-France étant largement en tête de ces classements.

« Quand une entreprise est en faillite, on oublie souvent le ou la chef qui est derrière », avance Marc Binné, cofondateur en 2013 de l’association Apesa qui vise à accompagner les entrepreneurs en difficulté psychologique. « En un an, nous avons suivi 25 personnes », chiffre Philippe Ledoux, à la tête d’Apesa Provence, qui regroupe les tribunaux de commerce d’Aix-en-Provence, Tarascon et Salon-de-Provence.

Une aide avant tout psychologique

Une épreuve traversée par Raynald Wauters. Après plusieurs années dans des grands groupes, comme Capgemini ou Orange, il décide de lancer sa société éditrice de logiciels. Helitis voit le jour en 2000 et comptera jusqu’à 12 salariés. C’est en 2012 que la société fait faillite. « C’est un choc, la veille on a la boîte et puis ça se termine d’un coup », se rappelle ce père de trois enfants. S’en suit une spirale négative. « On perd ses repères, on va presque jusqu’à engager un processus d’autodestruction », détaille l’entrepreneur de 53 ans. « J’ai fait un burn-out en 2013 et ce sont mes enfants qui m’ont bousculé en me disant "ce n’est pas grave, c’est comme dans un jeu, tu as perdu et bien, tu recommences " », raconte Raynald Wauters.

C’est en faisant des recherches sur internet qu’il découvre 60 000 rebonds. Cette association vient en aide aux entrepreneurs en situation d’échec en les faisant accompagner gratuitement par des coachs et des parrains. Pour Raynald Wauters, l’aide est avant tout psychologique, ce que partage Jacques Giorgetti qui a également connu la faillite. Ce Corse de 57 ans avait racheté en 2013 deux sociétés d’électricité, Rosato Services et Lucchini, cumulant une vingtaine de salariés et un chiffre d’affaires de 1,8 million d’euros. En 2015, la liquidation est prononcée. Commence alors « une descente aux enfers », selon les mots de Jacques Giorgetti qui se voyait « terminer à la rue ». « Un dépôt de bilan est souvent suivi d’un désastre personnel : dépression, divorce… Avec 60 000 rebonds, nous aidons les dirigeants qui ont vécu cette souffrance à se reconstruire, à retrouver l’estime d’eux-même. Nous les accompagnons également, sur le plan professionnel, à retrouver une place dans la société. Relancer une nouvelle société ou s’orienter vers le salariat », confie Patrick Siri, président régional de l’association 60 000 rebonds, installée à Marseille et Nice. « Nous envisageons d’ouvrir une antenne à Toulon… »

Pour sa première expérience à la tête de deux entreprises, Jacques Giorgetti n’avait pas bien appréhendé le métier d’entrepreneur — Photo : Rémi Baldy/Le Journal des Entreprises

Repartir sans faire les mêmes erreurs

Pour Stéphanie Dommartin-Roussel, coach en entreprise qui travaille bénévolement pour 60 000 rebonds, les cas d’entrepreneurs en faillite sont difficiles. « On tombe sur des personnes très abîmées, souvent seules et extrêmement cassées, souvent cela s’accompagne d’un sentiment de culpabilité », décrit-t-elle. « On travaille beaucoup sur la reconstruction de soi en regardant ce qui a été bien fait et les erreurs qui peuvent être conjoncturelles », insiste la coach de 47 ans. Des étapes franchies par Raynald Wauters et Jacques Giorgetti qui se sont relevés. Ce dernier s’est mis à son compte, en créant une société en conseil stratégique pour les entreprises. Une nouvelle étape possible après s’être requinqué et avoir appris de ses erreurs. « Je voulais être chef d’entreprise pour avoir plus de liberté, mais c’est un autre métier, il faut savoir tout faire », explique-t-il.

Pour Raynald Wauters, le renouveau a commencé en 2014. « Quand on se considère comme un acteur, on reprend le contrôle », affirme celui qui est désormais à la tête d’eMana (6 salariés), un éditeur de logiciel de gestion d’emails. « C’est mon expertise, donc je vais là-dedans, repartir dans un nouveau métier c’est difficile », juge Raynald Wauters. Surtout, le dirigeant ne refera pas les mêmes erreurs. « Au lieu de générer de l’argent, on veut créer de la valeur ajoutée. Ce qui signifie qu’un certain investissement dans la communication ne ramène pas obligatoirement un certain nombre de clients », illustre le Martégal.

Voir l’échec comme un apprentissage

Si eMana a connu un premier beau succès avec l’utilisation du logiciel par la Caisse d’Epargne Cepac, Raynald Wauters s’est rendu compte qu’il est difficile de trouver des financements avec l’autocollant « échec » sur le front. L’entrepreneur s’est dirigé vers les business angels, Bpifrance et la région pour retrouver des fonds. « Les banques sont frileuses pour vous prêter de l’argent, regrette Raynald Wauters. La mentalité anglo-saxonne est différente, là-bas on voit l’échec comme une expérience et il n’y a pas cette barrière ».

Faire évoluer les mentalités vis-à-vis de l’échec est le deuxième axe du travail de 60 000 rebonds. « Le regard sur l’échec est le plus difficile à faire changer, ce sont pourtant de simples erreurs qui peuvent permettre à ces entrepreneurs d’être meilleurs par la suite », avance Anne Castrien, responsable de l’association en Paca. A l’image de ce qui se fait en Suède, où il existe même un musée de l’échec commercial, des interventions en écoles commencent à avoir lieu pour parler des erreurs de parcours. Dédramatiser l’échec semble en tout cas porter ses fruits selon l’association. Les entrepreneurs qu’elle accompagne se relancent au bout de six à dix mois quand la moyenne en France est de six à huit ans.

# Réseaux d'accompagnement