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Ce que Chanel doit à la famille Mul et ses fleurs
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Ce que Chanel doit à la famille Mul et ses fleurs

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Depuis trente ans, Chanel et la famille Mul, plus grand producteur de fleurs du pays de Grasse, collaborent pour préserver et développer le patrimoine olfactif du territoire et sécuriser la filière d'approvisionnement en jasmin, rose de mai, iris, géranium et tubéreuse. Laquelle fait partie des quatre fleurs principales composant le dernier jus de la maison de luxe parisienne, Gabrielle.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Au commencement, il y a le jasmin. Pas n'importe lequel, celui du pays de Grasse et son terroir si particulier qui confère à la fleur une qualité olfactive unique, utilisée depuis 1921 comme ingrédient de base du célèbre N°5 de Chanel. Mais, au cours du XXe siècle, la pression immobilière fut telle que nombre d'agriculteurs ont petit à petit cédé leur terre, mettant en danger la pérennité du jasmin et des autres fleurs emblématiques du territoire. Or, chez Chanel, « on ne reformule pas un parfum », d'où la volonté de la maison de luxe, dès la fin des années 70, « de sécuriser la filière d'approvisionnement », explique son nez, Olivier Polge.

Sécuriser la filière

C'est là qu'entre en piste la famille Mul. Depuis cinq générations, elle cultive des fleurs, feuillages et plantes aromatiques à Pégomas sur quelque cent hectares de terrain. « Nos premiers contacts avec Chanel datent de 1978, mais c'est dix ans plus tard, en 1987, que le partenariat a véritablement commencé », raconte Joseph Mul. « Il s'agissait de nous assurer une récolte de jasmin suffisante pour nos formules tout en contrôlant tous les maillons de production, de la culture de la plante jusqu'à son extraction », poursuit Olivier Polge. Ainsi, Chanel et Mul ont-ils investi dès 1988 à 50/50 dans une usine installée au milieu des champs pour traiter les fleurs fraîches au fur et à mesure de la récolte afin d'en tirer toute la quintessence. Les concrètes et essences obtenues sont ensuite envoyées à Compiègnes (Oise) où elles sont assemblées, contrôlées et mises en flacons.

Champ d'expérimentations

Unité de production et de transformation, l'usine de Pégomas est aussi un laboratoire destiné à tester et à améliorer le rendu olfactif de chaque récolte, illustrant une association devenue au fil du temps un véritable champ d'expérimentations, notamment concernant l'iris florentin, lui aussi menacé et que les productions chinoises n'arrivent pas à égaler. Car, très vite, les cultures ont été étendues à d'autres plantes à parfums : la rose de mai d'abord, puis l'iris, le géranium et, plus récemment, la tubéreuse. Soit, cinq récoltes réservées exclusivement aux parfums Chanel qui s'étendent sur une surface de vingt hectares et nécessitent le travail de vingt personnes à l'année, 70 en saison. Le chiffre d'affaires engrangé par cette activité n'a pas été dévoilé.

Gabrielle

« Autant le choix de l'iris répondait à un souci de préserver l'odeur de la fleur florentine, autant celui de la tubéreuse a découlé d'une opportunité (le départ à la retraite du dernier producteur local, ndlr). Nous ne savions pas forcément quoi en faire mais il nous a semblé essentiel de conserver ce savoir-faire », sourit le nez. Six ans plus tard, « le projet est arrivé à maturité », indique Fabrice Bianchi, directeur d'exploitation et gendre de Joseph Mul, qui a procédé à une première récolte de 2.500 à 3.000 kilos de tubéreuses. Une fleur blanche à « l'odeur mystérieuse, chaude et pénétrante, miellée et voluptueuse", laquelle entre dans la composition du nouveau jus de Chanel qui, quinze après Chance, a lancé le 1er septembre dernier Gabrielle, incarné par l'actrice américaine Kristen Stewart.

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