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Un an après l'incendie, la Tourangelle est repartie de plus belle
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Un an après l'incendie, la Tourangelle est repartie de plus belle

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Dans la vie d’une entreprise, un sinistre peut sonner le glas de l’aventure. À Saumur, l’huilerie la Tourangelle, victime d’un incendie qui a ravagé son outil de production il y a tout juste un an, est parvenue à repartir de plus belle. Sa futur usine est sortie de terre.

La Tourangelle travaille actuellement sur deux unités à Saumur avant son installation l'an prochain dans un nouveau site.
— Photo : Olivier Hamard JDE

Il est des aventures dont on ressort encore plus fort : le 9 juin 2018, en fin d’après-midi, un incendie se déclare sur le site de la Tourangelle, à Neuillé, près de Saumur. Construit il y a moins de 10 ans, il avait été agrandi il y a trois ans et l’entreprise avait pour projet d’en doubler presque encore la surface. Mais, en quelques heures, les 3 600 mètres carrés sont détruits. « J’ai été prévenu par téléphone par un salarié, se souvient Maxime Kohlmeyer, PDG de la Tourangelle. Sur le trajet allant de Tours, où j’habite, à Saumur, je me suis dit que ce serait minime, que les pompiers sur place allaient rapidement éteindre l’incendie. J’étais rassuré aussi de savoir que personne ne travaillait sur le site ce jour-là. »

« On parlait déjà de nous au passé »

À l’approche de Saumur, le ciel se tâche d’une dense fumée noire et, une fois sur place, Maxime Kohlmeyer mesure l’ampleur du sinistre : les pompiers n’ont pas pu investir les locaux et contiennent l’incendie. Tout se consume. « Le feu est alors très fort et personne ne peut rien y faire, raconte le dirigeant. Beaucoup de salariés sont là, dépités, tout comme moi. »

Dépité mais résolu : la Tourangelle est en pleine croissance, les projets sont nombreux. Tous les voyants sont au vert pour que l’entreprise se développe et ce n’est pas le feu qui ravage le site qui la consumera! Maxime Kohlmeyer se souvient aussi de quelques « déclics », qui l’ont encouragé à faire repartir l’entreprise au plus vite : les salariés qui aident les pompiers au déblaiement, mais aussi ces quelques regards condescendants, comme adressés à la famille d’un défunt : « Certains parlaient déjà de nous au passé, comme si on était mort. Le dimanche matin, sur Google, lorsque l’on tapait « la Tourangelle », les horaires d’ouverture étaient remplacés en rouge par : définitivement fermé. ». Rapidement, le chef d’entreprise et son équipe pensent à relancer l’activité. Si ce n’est encore que dans les têtes, « l’opération Phénix », comme la nommera quelques mois plus tard l’entreprise sur sa page Facebook pour indiquer qu’elle renaît de ses cendres, est déjà en marche.

Plus de téléphone, plus de stylo

Dès le lundi, le président de la communauté d’agglomération Saumur Val de Loire réunit ses services, pour apporter des solutions de transition. « Il y avait une dimension sociale importante, confie Jean-Michel Marchand. C’est aussi notre rôle de sauver l’emploi et l’activité économique. Nous avons proposé différents sites, certains nous appartenant et d’autres inoccupés dont les propriétaires, des chefs d’entreprise du territoire, ont été très compréhensifs. »
Ironie de l’histoire, la Tourangelle opte pour un bâtiment vide qu’elle avait autrefois convoité, et entreprend aussi de relancer une ancienne machine, au rebut dans les locaux historiques de Saumur qu’elle a conservés. « Des salariés ont travaillé à sa remise en état, d’autres ont repeint les locaux, explique Maxime Kohlmeyer, qui ne veut pas opter pour le chômage technique. Tous ces petits succès étaient importants. Devant l’ampleur de la tâche qui nous attendait, il n’y a eu aucune désertion et cela a été au contraire très fédérateur. » Les fournisseurs, eux aussi, réduisent leurs délais pour fournir de nouvelles machines. « Nous avions une situation financière très bonne et nous avons pu gagner du temps, précise le dirigeant, en relançant des commandes sans attendre l’indemnisation de notre compagnie assurance, avec qui les rapports ont été aussi très constructifs et efficaces ».

Un nouveau site, plus grand, plus sécurisé

Dès septembre 2018, la Tourangelle redémarre le conditionnement de produits livrés par des fournisseurs et le mois suivant, elle relançait la production de ses propres huiles.

« Il a fallu quelques mois de réadaptation, confie Maxime Kohlmeyer. Depuis janvier, l’activité est bien repartie. Nous avons même dû embaucher et nous sommes maintenant 60, contre 55 l’an dernier. Depuis le début de l’année, nous avons réalisé plus de ventes par rapport à 2018 et notre chiffre d’affaires, autour de 20 M€, n’a que peu baissé ». Et pour ne pas s’installer dans un provisoire qui dure, très vite les dirigeants de la Tourangelle ont aussi décidé de reconstruire. « Nous avons proposé plusieurs terrains, précise Jean-Michel Marchand, et décidé d’ouvrir une troisième zone d’activité non loin de l’ancien site. La collectivité a investi 515 000 euros pour l’aménagement et le raccordement au tout à l’égout, qui était une demande de l’entreprise pour traiter ses effluents. »

Début mars, le futur site de la Tourangelle est sorti de terre : 7 200 mètres carrés, divisé en quatre bâtiments séparés de dix mètres pour prévenir un éventuel incendie qui ravagerait l’ensemble. La construction, d’un montant de 6 M€ auxquels s’ajoutent 4 M€ d’équipements, devrait être achevée en décembre. En attendant, d’autres projets ont déjà fleuri pour l’entreprise qui exporte la moitié de sa production, dont une partie en Asie : « Nous ouvrirons un bureau commercial à Hong Kong en septembre et nous lançons de nouveaux produits, » se réjouit Maxime Kohlmeyer.
Avec l’opération Phénix, la Tourangelle renaît de ses cendres et semble bien en ressortir encore plus conquérante.


« Ne pas lésiner sur la prévention »

Trois-quatre des entreprises connaîtraient de grosses difficultés pour se relancer après un incendie. « Cela dévaste l’outil, mais peut aussi imposer du chômage technique et conduire à une perte d’une partie de la clientèle,

constate Christophe Barbieux, correspondant à Angers du Centre de documentation et d’information de l’assurance. Il est capital d’être bien couvert, de prévoir dans son contrat la perte d’exploitation, dont l’indemnisation peut aller d’un à deux ans, mais aussi d’anticiper les risques de sinistre. » Pour Christophe Barbieux, il ne suffit pas d’être bien assuré: «Il faut aussi analyser les risques d’incendie potentiels, l’installation électrique, le matériel… C’est le rôle de l’assureur de conseiller l’entrepreneur en effectuant en général une visite par an. Il peut préconiser des aménagements et l’entrepreneur sera couvert à condition qu’ils soient effectués. Il vaut mieux payer plus cher la prévention que se dire qu’avec une prime plus élevée, on sera mieux indemnisé. »

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