"Il y a cinq ans qu’on se réorganise pour préparer demain !", affirme Erwan Coatanea, le directeur général de Sodistra. La société de Château-Gontier (Mayenne) créée en 1971 et qu’il a reprise en 2014 a poursuivi sa croissance depuis le début de la crise sanitaire et veut encore accélérer. Pour cela, l’entreprise spécialisée dans les solutions de traitement d’air pour l’industrie investit dans l’extension de l’usine qu’elle a fait construire en 2016. Mi-octobre, 2 100 mètres carrés viendront s’ajouter aux 8 000 déjà existants. "Nous avons saturé ce dont nous disposons, confie le dirigeant. Ces mètres carrés supplémentaires vont nous permettre de faire plus, en intégrant de nouveaux métiers pour proposer de nouveaux produits. La crise nous a permis de nous reposer des questions, d’y apporter des réponses qui ont généré elles-mêmes d’autres questions et d’autres réponses. Tout en avançant, nous avons secoué le navire."
En gardant son cap depuis le début de la crise sanitaire, le bateau Sodistra a même pris de la vitesse : avec 9 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, puis 9,5 millions d’euros en 2020, la PME devrait atteindre cette année 2021 entre 12 et 13 millions d’euros. "Nous rentrons dans une phase d’ultra-croissance, anticipe Erwan Coatanea, ce qui va nous permettre d’attaquer des marchés plus importants et plus lointains. Nous serons à 15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 et nous l’aurons multiplié par deux en 2025." Un long chemin parcouru depuis 2016 et les 5 millions d’euros de chiffre d’affaires…
Un objectif de 50 % à l’export
Actuellement, l’entreprise mayennaise de 46 personnes, qui produit environ 300 centrales de traitement d’air par an, travaille majoritairement en France. L’export représente 12 % de son chiffre d’affaires, pour des clients français ou étrangers, principalement en Europe et plus ponctuellement ailleurs comme aux États-Unis, en Thaïlande ou au Mexique.
Dans son projet de croissance, Sodistra envisage une forte accélération de ses prestations à l’étranger. "Fin 2022, nous aurons élaboré notre plan de développement pour l’export, explique Erwan Coatanéa, avec pour objectif qu’il représente la moitié de notre activité. Les solutions que nous fabriquons sont des monoblocs qui peuvent aller jusqu’à vingt mètres de long sur quatre mètres de largeur et trois de hauteur. Il faudra peut-être envisager d’en faire l’assemblage sur place et nous réfléchissons aussi à cet aspect."
Une nouvelle entité pour chaque nouvelle activité
Les centrales d’air conçue et fabriquée par Sodistra sont destinées pour 90 % à des entreprises du secteur agroalimentaire, mais également dans l’industrie pharmaceutique. "Nous faisons beaucoup de traitement d’hygiène et sommes très sollicités pour des conditions de traitement d’air particulières, précise Erwan Coatanéa. Nous sommes très peu nombreux sur ce créneau très spécifique. Nous nous sommes aussi appuyés sur notre savoir-faire pour développer de nouveaux produits, entre autres des centrales de grande dimension." Ce qui a d’ailleurs permis à l’entreprise mayennaise d’aller chercher le projet Ynfarm, mené à Poulainville, dans la Somme, par la société Ynsect : une ferme verticale de 45 000 mètres carrés destinée à l’élevage et la transformation des insectes inaugurée en mai.
En août 2020, l’entreprise mayennaise de 46 personnes a aussi passé contrat avec une société italienne qui propose des produits complémentaires de ceux que Sodistra commercialise sur le marché français. De même qu’elle a créé plus récemment Air Flow Process, une société qui assure les audits techniques, l’installation, la fourniture de matériels, la maintenance et le contrôle dans le domaine du traitement d’air. "Chaque nouvelle mission ou activité sera désormais une nouvelle entité, appuie Erwan Coatanéa. Air Flow Process est la première et deux autres sont en préparation. Nous constituons maintenant le groupe Sodistra, avec des structures complémentaires qui pourront aussi être amenées à travailler ailleurs de manière indépendante."
Un engagement environnemental
Pour accompagner sa croissance et "mettre de la technologie dans la fabrication", résume le dirigeant, Sodistra collabore régulièrement avec des start-up implantées dans l’Ouest. Grâce à la jeune société finistérienne Tell Digital, toute la check-list des produits à fabriquer est ainsi digitalisée, et la start-up nantaise Shiptify a accompagné l’entreprise sur l’optimisation de sa chaîne logistique. De même, c’est une start-up installée à Laval, Enerfox, qui permettra d’optimiser les dépenses énergétiques de l’extension actuellement en construction. Elle va monitorer l’usine pour intégrer les prévisions météorologiques dans l’utilisation du bâtiment, dont les 2 000 mètres carrés seront entièrement recouverts de panneaux photovoltaïques. "Cela nous permettra de produire l’énergie que l’on consomme et nous allons piloter l’usine en fonction du temps qu’il fait, précise Erwan Coatanéa. Ainsi, les machines les plus énergivores, comme notre centre d’usinage, ne fonctionneront que quand il fait beau. Nous avons développé la polyvalence et les gens peuvent basculer facilement d’une mission à l’autre. Ils se déplaceront dans l’usine selon la météo. " Au mois d’août, lorsque l’usine est fermée, Sodistra, qui va également monitorer sa consommation de gaz, prévoit même de distribuer l’électricité produite à des entreprises voisines.
L’entreprise va même plus loin avec l’achat d’un terrain voisin de 8 000 mètres carrés qui entrera dans le dispositif Obligation réelle environnementale (Ore) : "Nous compensons en quelque sorte l’extension de nos locaux avec l’acquisition de cette parcelle, précise le dirigeant mayennais. Elle sera bloquée pendant 50 ans et rien ne pourra y être construit, ce qui va y permettre le développement de la biodiversité." Toujours dans cette même démarche environnementale, Sodistra travaille aussi avec un indicateur mis en place depuis deux ans sur la gestion des chutes de ses matériaux et des déchets, qu’elle a réduit depuis de 35 %.
" On n'a pas perdu de vitesse "
Depuis un an et demi, la société de Château-Gontier a continué de progresser malgré les remous générés par la crise : " Nous avions pris de l'élan avant et tout ce que nous avions mis en place depuis 2016 nous a été utile, explique Erwan Coatanéa. Sur le plan technique avec la fibre, sur le plan organisationnel puisque nous avions déjà instauré du télétravail depuis 2017.
Avec la nouvelle usine, notre ERP et nos différents outils, nous étions prêts. Il a fait noir, il y a eu du bruit mais on n'a pas perdu de vitesse. " Au premier coup de semonce de la mi-mars 2020, comme toutes les entreprises, Sodistra a certes tremblé, mais ne s'est pas arrêté. L'entreprise n'a jamais cessé son activité et a continué de produire, remplissant de centrales de traitement d'air tous ses espaces disponibles. " L'usine était pleine, témoigne Erwan Coatanéa. On a saturé, en stockant sans empiler pour pouvoir modifier au besoin l'ordre de sortie de nos produits. Il fallait donner de l'agilité à nos clients dès qu'ils allaient être prêts à repartir. "
La période a aussi permis à Sodistra de se mettre en ordre de marche pour envisager l'avenir : lancement d'un agrandissement, constitution d'un groupe autour de l'entreprise, nouveaux produits… " Nous nous sommes préparés pour la suite, conclut Erwan Coatanéa, en accélérant sur des projets structurels, ce que nous n'avions pas le temps de faire avant. Nous avons mené aussi une réflexion autour de notre organisation : Je vais par exemple installer mon bureau à l'extérieur de l'entreprise, et l'espace libéré va devenir un showroom et une salle de réunion. " Une réflexion sur le télétravail et sa mise en place est également à l‘étude, qui s'appuiera sur l'expérience des périodes de confinement, pendant lesquels une partie des collaborateurs a travaillé à distance.
Le groupe mayennais accélère donc tous azimuts. "Durant les six derniers mois, nous avons bougé plus que pendant les sept dernières années", consent Erwan Coatanéa. Sodistra mène aussi en parallèle des projets collectifs. Elle s'est associée avec d'autres entrepreneurs de Château-Gontier pour ouvrir une école de production en mécano-soudure, qui accueillera des jeunes en formation à partir de la rentrée 2022.