"Certains pariaient plus sur notre cercueil que sur notre développement et on revient très fort, se réjouit Henri Juin, le président du directoire d’Eolane. Preuve en est la marque de confiance que nous ont donnée l’État et nos actionnaires qui sont dans une logique optimiste." Il est vrai que le fabricant angevin de cartes électroniques était un peu en perte de vitesse avant que n’entre au capital le fonds français Hivest Capital Parners en 2017. Lequel renforçait sa participation en 2019 et a choisi de recapitaliser encore Eolane en ce début d’année. "Le groupe a atteint en 2021, voire dépassé son budget en termes de chiffre d’affaires et d’Ebitda (290 M€ de CA et Ebitda de plus de 13 millions d’euros, en hausse de 18 %, NDLR), précise Henri Juin. Nous étions dans un montage financier de type LBO. Ce modèle va très bien, sauf quand des facteurs extérieurs viennent tendre la situation, ce qui a été le cas avec la pénurie de composants, qui nous a amenés à augmenter de 20 millions d’euros notre niveau de stocks. De plus, la perspective 2022 est plus incertaine que les années précédentes : on ne sait pas exactement quand le marché des composants va redevenir fluide. Ce ne sera pas le cas pour une très grande partie de l’année 2022, peut-être même pour les premiers mois de 2023. Nous étions donc dans une situation où il fallait se parer au pire, lequel ne doit pas exister, mais c’est en se parant au pire qu’on l’évite !"
Un prêt de 30 millions d’euros
Pour modifier le montage financier initial, Hivest Capital Partners, l’actionnaire du groupe, a donc recapitalisé, et 30 millions d’euros qui étaient jusque-là en dette, ont été inscrits en capital. "Cette opération a permis de renforcer considérablement nos fonds propres, de l’ordre de 50 millions d’euros, précise Henri Juin. Ils passent de 15 millions d’euros à plus de 65 millions. Une fois cette opération réalisée, nous avons obtenu auprès de l’État un prêt de 30 millions d’euros, dans le cadre du FDES, le fonds de développement économique et social, pour disposer d’une trésorerie qui dans tous les cas -que ce soit la crise des composants qui dure ou la guerre en Ukraine qui viendrait à influencer négativement cette trésorerie - nous permettra de passer la vague."
Indirectement, le prêt de l’État et l’augmentation de capital apportent au groupe 17 millions de trésorerie supplémentaire, ce qui la place désormais à quelque 48 millions d’euros. De quoi faire face aux besoins de fonds de roulement, alors que le secteur de l’électronique est confronté à une pénurie de composants et d’incertitudes sur leur approvisionnement. "Mais cette somme a été largement surdimensionnée pour garantir la pérennité du groupe, ajoute Henri Juin, et il est toujours plus facile de rembourser si on en a trop, ce qui est fort probable."
Vers les 300 M€ de chiffre d’affaires
En 2021, le groupe angevin pensait pouvoir atteindre 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec une forte croissance à l’étranger. En France, il a toutefois subi une légère baisse, et la crise des composants a quelque peu freiné son essor, de l’ordre d’une dizaine de millions d’euros. Mais Eolane espère bien dépasser cette barre des 300 millions cette année. Le groupe, qui conçoit des cartes électroniques de pointe en petites, moyennes et grandes séries pour 8 marchés (défense, industrie, télécoms, ferroviaire, automobile, santé, énergie et aéronautique) annonce en effet pour 2022 un carnet de commandes en croissance de plus de 45 millions d’euros par rapport à l’an passé. L’activité commerciale est forte, notamment à l’international (+ 15 %), et Eolane a fait entrer plus de 40 nouveaux clients en 2021, entre autres dans le médical, les énergies renouvelables et l’électrification de l’automobile travaillant par exemple avec des fabricants de bornes de recharge.
Une nouvelle usine en Chine
Pour accompagner son développement, Eolane va investir cette année à hauteur de 12 millions d’euros. Investissements réalisés dans le cadre de son projet stratégique Alizés, qui vise à transformer ses activités vers l’industrie 4.0 sur l’ensemble de ses sites en France et à l’étranger, avec entre autres l’installation d’une nouvelle ligne de production dans l’usine historique de Combrée, en Maine-et-Loire, qui emploie 380 personnes. Soutenu par France Relance, le projet porte sur 2 millions d’euros. Le groupe de 2 500 collaborateurs, dont 1 400 dans l’Hexagone, est présent sur trois continents, compte six sites en France, dont deux en Anjou, à Combrée et à Angers où est implanté son siège social, et possède aussi une usine en Estonie, une en Allemagne et deux au Maroc.
En Chine, où il dispose déjà d’un site industriel avec 300 personnes, Eolane va en ouvrir un second dès cette année. "Nous faisons 50 millions de chiffre d’affaires en Chine et nous ferons 100 millions d’euros dans les quatre ans qui viennent, assure Henri Juin. Nous construisons donc un second site capable d’absorber cette croissance sachant que cette année, nous devrions déjà être à 70 millions. Nous allons intégrer un immobilier existant que nous allons implémenter à 5 km de notre première usine." Eolane investit 4 millions d’euros dans cette nouvelle unité et injecte cette année environ 1 million d’euros dans chacun de ses sites, en France comme à l’étranger, hormis en Allemagne où l’usine du groupe est moins conséquente.
Actuellement, le chiffre d’affaires d’Eolane se répartit à hauteur de 170 millions d’euros en France, dont 30 % dans le secteur de la défense, et de 120 millions d’euros à l’étranger. Le groupe, en se recapitalisant, s’est renforcé et veut dès cette année continuer de grandir sur les marchés où il est déjà présent, plutôt que d’en investir de nouveaux, à l’international et notamment en Chine. Mais aussi en France où il veut être un acteur majeur de la relocalisation." Cette crise renforce l’utilité de la réindustrialisation, assure Henri Juin, et le positionnement d’Eolane, qui est d’offrir des services industriels de proximité à ses clients aussi bien en France qu’à l’étranger." D’ici quatre ans, l’objectif du groupe est d’atteindre un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros.
