Angers
"Je souhaite acheter 25 châteaux en France d'ici cinq ans"
Interview Angers # Tourisme

Zaya Younan dirigeant de La Grande Maison Younan Collection "Je souhaite acheter 25 châteaux en France d'ici cinq ans"

S'abonner

Le milliardaire américain Zaya Younan s’apprête à racheter le Château de La Perrière, situé près d’Angers. Un site sur lequel il projette d’investir des millions d’euros pour offrir un hébergement 5 étoiles. Mais l’homme d’affaires veut aller beaucoup plus loin. Il compte racheter 25 châteaux et hôtels en France, créer une maison de luxe, et même un incubateur de start-up doté d’un fonds de 200 millions d'euros. Entretien avec un businessman qui voit la vie en grand.

Légende photo : L’Américain Zaya Younan, 54 ans a trouvé un accord avec la mairie d’Avrillé pour l’achat du château de La Perrière (pour 2 M€). Le compromis de vente doit être signé fin 2017 — Photo : Younan Collection

Zaya Younan, vous venez de signer un protocole d’accord pour l’achat du Château de la Perrière à Avrillé, près d’Angers, pour un montant de deux millions d’euros. Que comprend cette vente ?
La vente comprendra le château, qui date du XVIIe siècle, le restaurant associé, des salles de conférences, un espace de séminaire plus le terrain de golf. Le compromis doit être signé en fin d’année pour une acquisition officielle en 2018.

Quels sont vos projets à Avrillé ?
Nous étudions la possibilité de convertir une portion du château en hôtel. Si ce n’est pas le cas, on construira un hôtel 5 étoiles de 70 à 100 chambres dans les deux ans à venir. À ce stade, l’hypothèse la plus probable s’avère la deuxième option. Car je ne pense pas qu’on touchera au château. Autour, on trouvera aussi un spa, une piscine, des terrains de tennis…L’exploitation du complexe pourrait employer 70 personnes à temps plein.

Combien coûterait la construction de cet hôtel 5 étoiles?
Jusqu’à 10 millions d'euros s’il est réalisé à l’intérieur du château. Entre 25 et 40 millions d’euros d’investissement si l’on construit un nouvel hôtel de A à Z en dehors.

Il s’agira de votre second château en Anjou, après Le Prieuré à Chênehutte-Trèves-Cunault, dans le Saumurois, qui rouvrira en décembre. Comment l’avez-vous transformé ?
Cet hôtel-château était fermé depuis deux ans. Aussitôt l’édifice racheté en 2016, on a commencé la rénovation, qui nécessitait beaucoup de travaux et d’améliorations. Environ trois millions d’euros ont été dépensés, des réparations jusqu’à l’achat de nouveaux meubles. Le Prieuré comprend un hôtel 4 étoiles, un restaurant et un bar bordés d’une piscine, de terrains de tennis, d’un golf. Mais surtout, le château offre une vue magnifique sur la vallée de la Loire.

Combien de personnes travailleront dans ce complexe ?
À l’ouverture, environ 40 personnes. Question retombées économiques, on apporte aussi un atout supplémentaire pour stimuler le tourisme local, donner envie de venir dans la région...

« Je veux créer une maison de luxe française, capable de rivaliser avec LVMH et Hermès »


Younan Collection est-elle à l’équilibre ?
Actuellement, l'entreprise perd de l’argent à cause de nos investissements en cours. Elle devrait être profitable d’ici à 2019.

Vous prévoyez de nouvelles acquisitions ?
Oui, environ 25 nouveaux châteaux et hôtels d’ici trois à cinq ans, en France, en s’étendant vers Paris et le Sud. Les châteaux m’intéressent pour leur importance historique et parce qu’ils sont d’une grande beauté. Au passage, je précise qu’en plus de nos salariés - près de 50 personnes -, nous travaillons avec des architectes, des décorateurs d’intérieur, qui comprennent l’histoire de chaque site et comment les rénover.

Le château de Beauvois en Indre-et-Loire, racheté il y a deux ans par Zaya Younan — Photo : Younan Collection

Vous aviez déjà repris des hôtels et d’autres châteaux comme Le Petit Chêne et Germond-Rouvre (Deux-Sèvres) ou encore le château de Beauvois (Indre-et-Loire). Parlez-nous de votre stratégie. Vous ciblez des sites abandonnés ou qui ne trouvent pas preneur. Vous les rénovez puis vous les transformer en palace ?
Notre stratégie globale va plus loin. Elle vise à faire de La Grande Maison Younan Collection une "luxury house", une maison de luxe qui fournit toute une gamme de produits et de services. À l’origine, on a débuté avec des châteaux disposant d’hôtels, des terrains de golf, des spas, etc., on possède même un vignoble dans le Bordelais, du côté de Saint-Émilion. Mais il y a un second volet : créer une ligne de vêtements et des chaussures, pour hommes et pour femmes, ou encore des sacs à main. Ce que je vous présente, c’est une vision sur la durée, pour construire une société capable de rivaliser avec des marques comme LVMH ou Hermès. On veut créer une société française proposant un catalogue de produits made in France, distribués partout dans le monde. Avec l’ambition de fonder une grande entreprise, qui pourrait compter 250 employés en 2018, puis jusqu’à 5 000 à 7 000 employés en France à moyen terme, et dont la valeur pourrait se calculer en milliard.

Une stratégie en deux temps, en quelque sorte. D’abord se créer une légitimité dans le luxe avec des châteaux et des hôtels, puis capitaliser sur cette image pour lancer des vêtements ?
Non. Pas du tout. Car au moment même où l’on parle, nous sommes en train de créer des prototypes et de plancher sur le design de nos futurs vêtements et chaussures, à Los Angeles, en France, en Italie…

« Nous recherchons une usine de production textile en France pour réaliser nos gammes »

Quand mettrez-vous cette ligne de vêtements sur le marché ?
Dans les deux ans qui viennent. Actuellement, nous recherchons une usine de production textile en France pour réaliser nos gammes.

C’est très ambitieux…
C’est énorme comme projet, mais nous sommes déterminés. Est-ce que ce sera facile ? Non. Mais ça reste faisable.

Parlez-nous de vous. Vous avez notamment créé Younan Properties aux États-Unis, une société de gestion immobilière qui loue des immeubles de bureaux ou à usage commercial. Quel est votre parcours ?
Je suis né en Iran, où j’ai grandi avant de déménager avec ma famille aux États-Unis à l’âge de 13 ans. Après avoir obtenu un diplôme en ingénierie mécanique, j’ai occupé des fonctions de cadre supérieur dans de grandes entreprises comme General Motors ou IBM. Puis je me suis mis à investir dans les sociétés high-tech de la Silicon Valley, en tant que « venture capital » (capital-risqueur, NDLR). J’ai notamment piloté une entreprise du nom de Cyberview Technology, spécialiste du développement de protocoles IP pour l’industrie du jeu vidéo.

Enfin j’ai créé Younan Properties en 2002 à partir de rien. Nous achetons des immeubles que nous louons à des entreprises pour des bureaux, des espaces commerciaux, des hôtels, etc., dans l’Illinois, au Texas, au Colorado, en Californie… Aujourd’hui cette société réalise 350 millions de dollars de chiffre d’affaires.

L'homme d'affaires américain Zaya Younan a fait fortune dans l'immobilier aux USA — Photo : Courtesy of Zaya Younan

En venant investir en France, pourquoi avoir choisi la Vallée de la Loire ?
Parce que le trafic touristique augmente dans le centre de la France. Il y a cinq ans, les territoires les plus dynamiques étaient, dans l’ordre : Paris, le Sud et enfin « la Loire Valley »… Aujourd’hui, la vallée de la Loire figure en deuxième position. La région possède plein d’atouts : ses paysages, son patrimoine historique, son architecture, on y vit en sécurité... Mais la question, c’est plutôt : pourquoi est-ce que j’investis en France, non?

C’est vrai… Pourquoi investissez-vous en France ?
La France a l’opportunité de connaître une période de croissance. L’optimisme des ménages et des entreprises remonte, la consommation augmente, on achète des meubles, des voitures. Le PIB va continuer de progresser. Vu des États-Unis, on sent que la confiance revient chez vous. Aujourd’hui, les entreprises se tournent vers la France et accentuent leurs investissements. On assiste par exemple à un mouvement de Londres vers Paris. Emmanuel Macron, même si cela fait peu de temps qu’il est entré en fonction, a initié beaucoup de choses. Le gouvernement a lancé des mesures pro business : baisses de taxes, création de nouveaux programmes pour que les chômeurs soient formés et redirigés vers le marché du travail, il resserre les règles sur les travailleurs étrangers… Macron est jeune, intelligent et charismatique. Ses réformes s’attaquent aux faiblesses de la France. De l’extérieur, la plupart des entrepreneurs américains, dont moi-même, le considèrent un peu comme un champion.

Quelles conséquences aura la politique d’Emmanuel Macron selon vous ?
Si je prends l’exemple du coût de la masse salariale pour une entreprise, celui-ci va baisser légèrement pour redonner un peu de compétitivité sur un marché mondial. C’est important car le coût total du travail a augmenté à cause des charges sociales et associées depuis huit ans. Dans l’hôtellerie, le prix d’une chambre pour une nuit n’a pas changé en 20 ans, le saviez-vous ? Mais le coût de la main-d’œuvre a progressé.

Vous évoquez les start-up. Apparemment, vous envisagez aussi de créer une « Silicon Valley » en France ? C’est vrai ?
Oui, une nouvelle Silicon Valley avec un rayonnement européen. Je compte ouvrir un incubateur de start-up en 2018, pour pouvoir vous emmener d’une bonne idée jusqu’à la mise sur le marché d’un produit ou service. Et cela, en proposant notamment des bureaux gratuits, un soutien pour l’ingénierie des produits, un fonds d’amorçage, etc. Le tout sur un vaste site de cinq hectares.

Où comptez-vous implanter cet incubateur ?
Sûrement pas à Paris déjà. Parce qu’il faut un lieu loin du bruit, où la nature reste présente, pour développer l’inspiration. Ce sera donc dans une autre région. Regardez la Silicon Valley aux États-Unis, des tentatives ont été faites pour l’installer à New York et à Chicago, mais finalement elle a poussé en Californie.

Combien comptez-vous injecter dans ce fonds destiné aux start-up ?
50 millions d’euros la première année, 100 millions la deuxième, 200 millions la troisième… J’ai lancé l’idée, en demandant aux régions françaises de me faire des propositions pour nous accueillir : proposer des infrastructures, un terrain où construire notre projet. J’ai communiqué dans la presse, pas de retour. C’est un peu surprenant.

« La France est une grande nation avec beaucoup d’atouts, ouvrez la porte et laissez-nous les utiliser »

Vous avez contacté les collectivités, des élus…?
Non, mais je suis un entrepreneur, pas un représentant de commerce…

Cela paraît peut-être trop beau pour être vrai…
Après j’ai le sentiment qu’en France : on vous annonce une mauvaise nouvelle, vous ne voulez pas la voir. On vous en annonce une bonne, vous tournez le dos parce que vous n’y croyez pas.

La France est un peuple de grincheux, vous savez.
Oui, ça je le sais bien ! Mais vous savez, les entrepreneurs ont un rôle à jouer, on passe notre temps à résoudre des problèmes : pour gagner de quoi se nourrir chaque jour, c’est une obligation ! Une contrainte que n’ont pas les administrations publiques. J’aimerais apporter ma petite contribution pour changer les choses. Votre pays dispose de scientifiques, d’ingénieurs, de designers qui comptent parmi les meilleurs du monde, vous avez des restaurants et des hôtels de qualité. La France est une grande nation avec beaucoup d’atouts, ouvrez la porte et laissez-nous les utiliser.

Propos recueillis et traduits de l'anglais par Florent Godard

Angers # Tourisme