Haut débit : le coût de la déconnexion

Haut débit : le coût de la déconnexion

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Alors que les besoins en haut débit Internet augmentent chaque année, le raccordement à la fibre optique devient vital. La création d’un vaste réseau a débuté à l’échelle des départements. Une mauvaise connexion et c’est toute l’activité qui est freinée. Reportage en Pays de la Loire.

— Photo : DR

Des clients qui hurlent, des entreprises qui déménagent, des collaborateurs au chômage technique... Une mauvaise connexion Internet peut avoir un vrai coût humain et financier. « Mes salariés perdent une à trois heures par jour », calcule Jérémie Séjourné dirigeant de l’imprimerie Kalydéa, implanté à Ancenis. Il explique : « Il y a des moments où le réseau est inutilisable. De 14 heures à 16 heures, il y a une grosse embouchure, ça nous pénalise ». Pour aller plus vite, l’entrepreneur aimerait accéder au VDSL, version améliorée de l’ADSL. « Le câble est à 200 mètres mais on ne sait pas comment s’y connecter. On n’arrive pas à mobiliser les fournisseurs d’accès Internet. » La fibre optique doit pourtant arriver « mais pas avant 20 22, et cela sera trop tard », commente Jérémie Séjourné, qui essaye de mobiliser les entrepreneurs pour ensuite interpeller les élus sur cette question vitale. « Une entreprise sans haut débit, c’est une entreprise handicapée.» Installé dans la Sarthe, Hugo Duval n’a pas attendu la montée du débit. Il a carrément déménagé sa start-up Breen, de Roëzé-sur-Sarthe au Mans. Ce créateur de mobilier en carton a besoin de gros tuyaux pour transférer des fichiers 3D volumineux. « Avant, il me fallait parfois 1 h30 pour charger un seul fichier. Aujourd’hui, j’ai un débit dix fois supérieur. Je revis... » Déménager, la société Elude y songe aussi. Installée à Sainte-Melaine-sur-Aubance, au sud d’Angers, cette petite entreprise exploite une dizaine de sites e-commerce B to B, comme pro-destructeurs.com, « où l’Élysée, Matignon et La Poste achètent leurs broyeurs de papier ». Tous se s logiciels sont hébergés à distance via le cloud. Doté de 8 Mb, son patron, Éric Taunais se sent bridé et compense grâce au système D. « On a équipé nos ordinateurs de petits boîtiers 4G qu’on utilise comme modem, pour pouvoir envoyer plus rapidement des vidéos et nos données à sauvegarder sur des serveurs à distance, explique-t-il. Dommage que certains territoires prennent du retard. Une entreprise sans haut débit, c’est une entreprise handicapée. »

L’Anjou vise le 100 % fibre en 2022

Pourtant en 2022, promis : 100% du territoire du Maine-et-Loire accédera à la fibre optique. C’est ce qu’assure le syndicat mixte Anjou Numérique, qui réunit le Département et d’autres collectivités locales. Foyers, administrations et entreprises auront droit au très haut débit. De grandes zones d’activités sont déjà câblées. Orange a déjà été choisi pour raccorder l’agglomération d’Angers, celle de Cholet et la ville de Saumur, de 2015 à 2020. Un autre opérateur doit être sélectionné en janvier pour construire et exploiter un réseau sur le reste du département. En Sarthe, le conseil départemental compte lui aussi raccorder 160 000 prises à cette technologie d’ici à 2030. « La priorité, c’est de résorber les points noirs, là où il n’y a pas de réseau ADSL. Nous prenons en charge les frais de raccordement des entreprises. Elles ne payent rien, sauf leur abonnement », précise Xavier Devisse, directeur de l’aménagement numérique du territoire pour la collectivité. Depuis 2015, elle dit avoir raccordé 200 entreprises et apporté la fibre jusque dans des communes telles que Rouperroux-le-Coquet ou Ardenay-sur-Mérize. Les Pays de la Loire musclent donc leur réseau internet haut débit – avec une fibre proposant une connexion de 300 Mbps jusqu’à 1 Giga – soit dix fois plus qu’une connexion ADSL qui peut monter à plus de 30 Mega. Reste qu’attendre cinq ans, dix ans pour certains, c’est long à l’échelle d’une entreprise... Certes, beaucoup sont déjà près de la fibre. Encore faut-il payer le raccordement final au point de réseau le plus proche. Chose qui devrait être prise en charge par les opérateurs en Anjou à l’avenir, mais qui reste souvent coûteuse aujourd’hui : jusqu’à plusieurs milliers d’euros, si le raccordement nécessite des travaux de génie civil.

« La masse de données augmente de 30 % par an »

Ces coûts poussent à chercher des solutions alternatives. Certains installent deux voire trois box. D’autres font installer la fibre par les airs. C’est ce que propose HeapSys, une start-up nantaise. Elle passe en fait par les faisceaux hertziens en installant des antennes relais sur les points les plus hauts. Les entreprises n’ont plus qu’à installer une antenne sur leur toit pour recevoir une connexion pouvant aller jusqu’à 100 Mbps. Une PME des Mauges a ainsi choisi une option avec un système de parabole. Montant de l’équipement et de l’installation : 50 000 € dont 9 000 € à sa charge, le reste financé par les pouvoirs publics et l’aménageur numérique Melisa. D’autres encore passent par des solutions Wimax (moins rapides), système fonctionnant également via des ondes hertziennes, avec des antennes reliées à un émetteur. Certains optent même pour le réseau satellite (jusqu’à 20 Mbps descendant). En cas de situation compliquée, Anjou Numérique, et le délégataire de service public Melisa aident les entreprises à identifier leurs besoins et les solutions possibles. Même guichet du côté du Mans, avec le syndicat mixte Sarthe Numérique. Pour certaines PME, trouver une solution relève de l’urgence, au vu des besoins croissants en applications numériques. « Aujourd’hui toutes les entreprises ont un site Internet, passent parfois tout leur système sur le cloud, ont un CRM pour leurs commerciaux qui s’y connectent non-stop. Je le vois au quotidien : la masse des données augmente de 30 % par an pour chaque entreprise », observe le patron s’HeapSys Vincent Florin.