En Maine-et-Loire, Sarthe et Mayenne, le tourisme d’entreprise fait recette
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En Maine-et-Loire, Sarthe et Mayenne, le tourisme d’entreprise fait recette

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Chaque année en octobre, les journées de la visite d’entreprise sont l’occasion pour le monde économique d’ouvrir ses portes au grand public. Une démarche que certaines entreprises ont entamée depuis longtemps, devenant aussi acteurs du tourisme sur leur territoire.

Chaque année, de plus en plus d’entreprises s’ouvrent à la visite pour montrer leur savoir-faire comme la Société Choletaise de Fabrication, à Andrezé, en Maine-et-Loire — Photo : ©Sandrine Roudeix pour lNMA

Du 27 au 29 octobre 2022, plusieurs centaines d’entreprises ouvriront leurs portes au public dans les Pays de la Loire, à l’occasion des Journées régionales de la visite d’entreprise. Des découvertes qui séduisent de plus en plus le grand public et qui sont, pour les entreprises, l’occasion de valoriser leur savoir-faire, de développer leur marque employeur et éventuellement d’attirer de nouveaux talents. "Il faut avoir une histoire à raconter, indique Anne-Marie Vallée, animatrice depuis 2016 de Visitez nos entreprises en Pays de la Loire, l’association régionale qui organise ces journées et qui compte actuellement 65 adhérents, 70 % de TPE, 20 % de PME et 9 % d’ETI. Même si cette histoire est récente et que l’entreprise est présente sur un secteur concurrentiel ou qu’elle travaille en B to B, c’est toujours une fierté pour ses dirigeants et ses collaborateurs de présenter un savoir-faire qui lui est propre." En 2021, malgré les restrictions sanitaires et des jauges limitées, les Journées régionales ont accueilli 5 000 visiteurs dans près de 250 entreprises des Pays de la Loire.

300 créneaux de visite

De plus en plus d’entreprises franchissent le pas de l’ouverture au public, à l’occasion de ce week-end d’octobre ou à de plus nombreuses reprises dans l’année, certaines allant jusqu’à proposer des visites permanentes. Ainsi, environ 500 entreprises de la région accueillent des visiteurs au cours de l’année. Par leur propre initiative ou en s’intégrant dans une manifestation. "C’est quoi ton entreprise ?", organisé tout le mois d’octobre depuis dix ans par l’office de tourisme Osez Mauges, en Maine-et-Loire, a reçu 2 780 personnes en 2021. L’événement proposera cette année environ 300 créneaux de visites dans 84 entreprises.

Cette année, 84 entreprises s’ouvrent à la visite dans les Mauges, comme Alfi Technologies, au Pin-en-Mauges — Photo : D.Drouet

"Cela entre pleinement dans notre mission de valorisation du territoire, confie Karine Le Gendre, directrice d’Osez Mauges, et montre son dynamisme entrepreneurial dans des secteurs variés, comme le luxe ou la chaussure avec des savoir-faire très spécifiques. De plus en plus d’entreprises viennent vers nous pour participer et nous les accompagnons dans l’organisation de leur visite, avec une personne de notre équipe spécifiquement formée pour cela. Nous les encourageons aussi à s’ouvrir toute l’année et le réseau Visitez nos entreprises peut les y aider." Sept entreprises du territoire ont franchi ce pas, d’autres proposant aussi des découvertes aux écoles, pour susciter d’éventuelles vocations.

Montrer ce qu’est l’industrie

Après deux années 2020 et 2021 compliquées, la visite d’entreprise retrouve désormais le rythme de croisière d’avant-crise. D’autant plus dans une période où les sociétés ont besoin de visibilité. "Ouvrir ses portes est un formidable vecteur de communication, offrant l’opportunité de changer son image", plaide Anne-Marie Vallée. "Nous ouvrons l’entreprise lors des Journées régionales, indique Guillaume Taffin, dirigeant de Delta Neo à La Ferté-Bernard (13 M€ de CA 2020, 120 collaborateurs en Sarthe et 50 en Roumanie), pour faire comprendre au public majoritairement local ce que l’on fait mais aussi par engagement social, pour montrer ce qu’est l’industrie, et cela permet de cultiver la marque employeur." Delta Neo, spécialisée entre autres dans la découpe et le perçage de pièces pour de nombreux secteurs de l’industrie, accueille aussi plus ponctuellement des écoles, "mais nous ne pourrions pas ouvrir régulièrement, ajoute le dirigeant, car nous ne sommes pas structurés pour cela et que nous ne sommes pas réellement une entreprise qui se visite, avec un parcours difficile à adapter au milieu de nos machines."

Une nouvelle image

À Fontaine-Daniel, en Mayenne, Toiles de Mayenne a, quant à elle, inscrit la visite dans sa stratégie, lorsque fin 2018 Jérôme Couasnon a repris avec une dizaine d’associés l’entreprise qui réalise du tissage de l’édition sur mesure et des objets de décoration textile. Créée en 1806, la société (85 collaborateurs) avait besoin de renouveler son image. "C’est un axe de communication efficace, explique Clotilde Boutrolle, associée et directrice de la création et de la marque. Changer l’image de Toiles de Mayenne était l’un des points identifiés. L’entreprise possédait une clientèle vieillissante. Nous avons travaillé les couleurs, redécoré les boutiques, il y avait un travail créatif qu’il s’agissait de faire connaître. Nous avons actionné l’utilisation des réseaux sociaux, notamment Instagram, qui a permis de toucher un public plus jeune, de trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires : notre cible. Les visites sont venues assez vite. Toiles de Mayenne bénéficie d’une confiance du public et d’un fort capital sympathie. Pour les Mayennais, c’est un patrimoine qui leur appartient, mais à tel point qu’ils passent à côté des évolutions. Pour certains, comme c’est à côté de chez soi, on n’a "pas besoin" d’aller voir. En réalité, l’entreprise intéresse en local, et les visites ont été très bien reçues."

Toiles de Mayenne a conçu un véritable parcours avec le soutien de l’office de tourisme local — Photo : Toiles de Mayenne

Répartie sur trois sites, l’entreprise a travaillé avec l’office de tourisme local pour professionnaliser l’accueil et concevoir un parcours, l’office se chargeant de la découverte du village et trois chefs d’atelier de Toiles de Mayenne accueillant le public dans les locaux à tour de rôle. À raison de deux à trois groupes de 15 à 20 personnes chaque moins, les visites ont du succès. Le village pittoresque de Fontaine-Daniel, bâti autour de son entreprise emblématique, est désormais une destination prisée. "Avant, notre locomotive était l’activité fluviale, confie Florence Daviau, de l’office de tourisme du Pays de Haute-Mayenne. Aujourd’hui, c’est Toiles de Mayenne. Fontaine-Daniel compte deux restaurants pour 170 habitants, les visites se terminent souvent là-bas, et il vaut mieux réserver." Pour l’entreprise, accueillir le public permet également de donner une nouvelle image, au-delà de présenter son savoir-faire. "Les gens deviennent des ambassadeurs, ajoute Clotilde Boutrolle. On avait besoin de réveiller cette marque, c’était une belle endormie qui avait perdu des couleurs. Pour nous, il s’agit de faire savoir que les choses changent, tout en restant dans une continuité historique."

Marque employeur

À Andrezé, en Maine-et-Loire, la Société Choletaise de Fabrication confectionne des rubans et des cordons pour le secteur du luxe. Labellisée Entreprise du patrimoine vivant, elle s’ouvre au public 7 à 8 fois par an. "La motivation est double, confie Olivier Verrièle, dirigeant de SCF (plus de 50 collaborateurs, 4 M€ de CA prévu en 2022) et nous ne le faisons pas par obligation. Nous avons d’une part le devoir de faire connaître et de préserver notre savoir-faire, et c’est également un atout pour notre marque employeur, en interne pour nos collaborateurs et en externe pour recruter."

Olivier Verrièle, président de la Société Choletaise de Fabrication — Photo : SCF (Société Choletaise de Fabrication)

L’entreprise dispose d’un parc de machines anciennes, en plus de son équipement plus moderne, et elle est l’une des rares à travailler dans son secteur très spécifique. "Les visites ne nuisent pas du tout à la productivité, poursuit Olivier Verrièle et cela motive beaucoup les collaborateurs. C’est l’équipe commerciale qui assure les visites, nous allons réaliser un chemin de circulation encore plus visible et mettre en place une boutique en sortie avec des produits de designers." Sans aller vers une ouverture à l’année, SCF veut encore gagner en visibilité et a pour projet d’ouvrir un tiers-lieu, en relation avec sa marque Made in Bobine qui fait la part belle aux jeunes créateurs.

Professionnalisation

En Sarthe, la biscuiterie La Sablésienne (près de 5 M€ de CA toutes activités confondues dont 15 à 20 % à l’export dans une vingtaine de pays, plus de 30 collaborateurs) a franchi le pas d’un accueil permanent du public, avec son musée ouvert en 2019. "Nous avons été parmi les premiers adhérents de Visitez nos entreprises en Pays de la Loire, précise Amélie Loret, dirigeante de La Sablésienne. Très tôt, nous avons accueilli des touristes et des scolaires pour montrer notre savoir-faire traditionnel. Une personne est formée à la visite et des collaborateurs, comme le maître-pâtissier, y participent aussi."

Amélie Loret, dirigeante de La Sablésienne — Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

Avec plusieurs milliers de visiteurs chaque année, le musée offre une réelle vitrine à La Sablésienne. Et même si les produits de l’entreprise sont en vente sur le site, l’objectif n’est pas commercial. "C’est complémentaire à notre activité, ajoute Amélie Loret, mais ce n’est pas primordial. Cela permet d’illustrer ce que l’on fait avec une approche pédagogique. Nous ne communiquons pas beaucoup sur le musée et les visites mais nous accueillons plusieurs milliers de visiteurs et nous espérons doubler leur nombre d’ici quelques années."

À La Sablésienne, le public est essentiellement local, venant des Pays de la Loire et des départements limitrophes, comme pour la plupart des entreprises du territoire qui s’ouvrent au public. Dans la région, les scolaires représentent en effet 17 % des visiteurs, et les touristes ligériens comptent pour plus de 75 % des visiteurs. " En premier lieu, abonde Karine Le Gendre, C’est quoi ton entreprise ? attire des habitants des Mauges. La visite d’entreprise est avant tout un tourisme de proximité, mais nous avons aussi des visiteurs d’Angers, de Nantes, de Cholet ou de Vendée. "

Cointreau, pionnier du tourisme industriel

Le 10 juillet 2020, le Carré Cointreau a rouvert son musée totalement réaménagé à Saint-Barthélemy-d'Anjou, sur le site industriel que le liquoriste a investi en 1972. Depuis son installation en périphérie d'Angers, l'entreprise s'ouvre au public.

L'accueil des visiteurs remonte aux origines de la distillerie Cointreau il y a plus de 100 ans — Photo : Cointreau

" Nous avons fait le choix assumé de passer de 35 000 visiteurs par an il y a encore quelques années à environ 15 000 désormais, précise Corinne Lava, directrice de l'espace Cointreau, et nous n'allons plus chercher les groupes. L'objectif est d'avoir un public plus exigeant, qui va être un réel ambassadeur de la marque. " À 60 %, il est issu de la région Pays de la Loire, mais le site accueille aussi des touristes de toute la France et de l'étranger, en particulier des professionnels de la restauration.

Ouvert toute l'année, le site, professionnalisé depuis 1987, comporte un musée qui présente l'histoire de la marque créée il y a plus de 100 ans par Édouard Cointreau, permet la découverte de la distillation et de l'embouteillage et propose des ateliers de confection de cocktails. Une tradition de la visite qui remonte au début du XXe siècle : " La marque le proposait déjà avec le slogan " Touristes, ne quittez pas Angers sans avoir visité la distillerie " , ajoute Corinne Lava. Jusque dans les années cinquante, l'objectif était aussi commercial mais ce n'est plus le cas. "La vente à la boutique ne représente en effet qu'une toute petite part du chiffre d'affaires de Cointreau (86 M€ en 2021, 1,2 Md€ de CA pour le groupe Rémy Cointreau, auquel Cointreau appartient). L'entreprise, qui compte parmi les membres fondateurs de l'association Visitez nos Entreprises, reçoit également dans le Carré Cointreau de nombreux séminaires ou congrès.

L’agroalimentaire, premier secteur de visite

Comme Cointreau ou La Sablésienne, le groupe Lactalis, à Laval, a lui aussi créé son espace de visite : La Cité du Lait, ouverte en 1999, s’étend sur 4 000 m2 avec une équipe de 11 personnes et recevait chaque année avant le Covid entre 15 000 et 18 000 visiteurs. "Pour l’employabilité, c’est intéressant, confie Damien Soulice, le responsable de la Cité du Lait et par ailleurs trésorier de Visitez nos Entreprises. Un visiteur peut y découvrir la variété des métiers, les différentes implantations, y compris internationales."

À laval, la Cité du Lait de Lactalis a ouvert en 1999 — Photo : Lactalis

Les visites permettent de découvrir l’histoire du groupe, des objets, les méthodes de fabrication mais aussi la production, avec également une boutique proposant toute la gamme de produits. "Nous sommes conscients que nous sommes un visage du groupe, poursuit Damien Soulice. Répondre aux questions fait partie du job des animatrices. C’est pourquoi nous sommes liés au service communication du groupe, pour savoir ce qui se passe, être au courant de l’actualité." Au-delà du musée, le groupe ouvre également plusieurs sites en permanence, à Livarot (Calvados) et à Roquefort (Aveyron). En Pays de la Loire, pour les Journées régionales 2021, les unités de production mayennaises de Laval, Charchigné et Bouvron avaient affiché complet.

Pas étonnant quand on sait, en Mayenne, l’importance du groupe lavallois, et plus généralement parce que le secteur agroalimentaire est particulièrement sollicité par le public. Il est aussi le plus représenté au sein de l’association Visitez nos entreprises en Pays de la Loire, avec 40 % des adhérents, devant l’industrie (26 %), la viticulture (25 %) et l’artisanat (10 %).

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