Coronavirus : une relance partielle des chantiers de travaux publics pas sans conditions
# BTP

Coronavirus : une relance partielle des chantiers de travaux publics pas sans conditions

S'abonner

La première semaine de confinement a laissé le secteur des travaux publics dans le flou complet sur l’obligation ou non de poursuivre l’activité, entre déclarations contradictoires et mesures parfois imprécises. La situation s’est apaisée et la reprise partielle de certains chantiers pourrait être envisagée. Mais pour Laurent-Emmanuel Dieu, le président de la Fédération régionale des Travaux publics Pays de la Loire, elle ne pourra s'effectuer que si, entre autres conditions, le cadre sanitaire est clairement défini.

Pour Laurent-Emmanuel Dieu, le président de la fédération régionale, la première condition d'une reprise des chantiers est la garantie d'assurer la sécurité des salariés — Photo : FRTP

La semaine dernière, le secteur des travaux publics, comme celui du bâtiment, a été tiraillé entre l’obligation de confinement et les encouragements à poursuivre ses chantiers, avec la crainte de ne pas pouvoir assurer la sécurité sanitaire de ses salariés. Les échanges ont parfois été vifs entre les représentants professionnels et ceux de l’État ou du gouvernement. Ils sont maintenant plus sereins. Mais pour l’heure, la très grande majorité des chantiers est toujours à l’arrêt.

Sécurité des salariés et pérennité des entreprises

Laurent-Emmanuel Dieu, le président de la FRTP, la Fédération régionale des travaux publics et directeur général de l’entreprise TPPL (66 M€ de CA 2018, plus de 400 collaborateurs) à Mozé-sur-Louet, dans le Maine-et-Loire, qualifie volontiers cette crise de « forte, lourde, un phénomène violent auquel personne n’était préparé ». Une crise qui frappe le secteur des travaux publics comme l’ensemble de l’activité économique. Plutôt houleux la semaine passée, le dialogue entre le BTP et les pouvoirs publics est devenu plus constructif. « On avance mieux, constate Laurent-Emmanuel Dieu. Il y a eu beaucoup de contradictions dans les propos tenus. Ce que l’on souhaite maintenant, ce sont des décisions rapides, sur les plans sanitaires et économiques, avec un discours clair et commun à tous les niveaux. » Celui des collectivités y compris, clients importants des entreprises de travaux publics et pour qui certains chantiers sont à l’arrêt, comme celui du tramway à Angers, ou d’autres au ralenti, tel celui du déploiement de la fibre en Maine-et-Loire. « Des maîtres d’ouvrage nous disent de continuer, d’autres nous invitent à arrêter et d’autres encore ne nous disent rien », déplore Laurent-Emmanuel Dieu. Sur le plan national, un accord a été signé le 21 mars entre organisations professionnelles du BTP et gouvernement sur les principes qui permettront de poursuivre les chantiers, mais tout n’est pas encore résolu : « Il est impératif de protéger nos salariés, soutient Laurent-Emmanuel Dieu, mais aussi qu’on nous garantisse a minima la pérennité de nos entreprises. »

Des contraintes spécifiques

Pour protéger les salariés du BTP de la contamination du coronavirus, un guide de préconisations est en cours d’élaboration, qui donnera aux entreprises un cadre sanitaire à respecter. Pas facile dans un secteur où les métiers sont nombreux, les activités très diverses et la proximité importante. Dans les travaux publics, du déplacement jusqu’au chantier à plusieurs dans le même véhicule au matériel que l’on s’échange, en passant par le port de charges lourdes à plusieurs ou au travail côte à côte dans une tranchée, toutes les habitudes de travail doivent être revues. Sans compter le repas du midi, l’accès aux vestiaires, la manipulation d’engins en commun… « La déclinaison des mesures barrières adaptées à nos postes de travail est très compliquée, constate Laurent-Emmanuel Dieu, et nous n’avons pas de masques. Pour environ 2 millions de salariés, il faudrait au moins deux masques par jour ! Nous connaissons les risques de nos métiers et nous savons les gérer, mais ce risque-ci nous est totalement inconnu et nous n’y sommes pas préparés. » Le guide de bonnes pratiques devrait être rédigé cette semaine pour être transmis aux entreprises.

Définir les chantiers prioritaires

Lorsque ce guide garantissant la sécurité sanitaire sur les chantiers aura fixé un cadre pour éviter la contamination, la reprise du travail des travaux publics pourra être envisagée plus largement. Mais ce n’est toutefois pas le seul écueil auquel se heurte la profession : il faut que ce protocole soit satisfaisant pour tout le monde, et que l’accord signé entre professionnels et gouvernement soit accepté par les syndicats, avant que certains chantiers redémarrent. « Il nous faut savoir en premier lieu quels sont les chantiers vitaux et essentiels, ajoute Laurent-Emmanuel Dieu, mais aussi comment les maîtres d’ouvrage nous accompagnent et de quelle manière les services de l’État viennent en appui. Tout le monde étant confiné, les collectivités travaillent, pour certaines, en mode dégradé, comme les maîtres d’œuvre. » Idem pour les trésoreries générales qui assurent les paiements des travaux. La machine, grippée, paraît donc difficile à remettre en mouvement, et le temps presse, car les entreprises risquent bien de manquer rapidement de trésorerie. « Avec les paiements à 60 jours, le mois de mars ne sera pas le pire mais beaucoup risquent de ne plus avoir de rentrées en avril, constate Laurent Emmanuel Dieu. Dans nos métiers, le début de l’année est déjà traditionnellement synonyme de faible activité. » Et le président de la FRTP d’espérer la mise en place de mesures qui pourraient, selon lui, soutenir la profession, pendant et après la crise : une avance forfaitaire en cours de contrat, qui n’est versée habituellement qu’au démarrage du chantier à hauteur de 5 à 10 %, la défiscalisation des heures supplémentaires ou encore un aménagement des congés ou des horaires hebdomadaires…

Après dix jours quasiment à l’arrêt, la relance des chantiers de travaux publics ne s’effectuera donc, selon Laurent-Emmanuel Dieu, que partiellement, avec la garantie de ne pas mettre en danger la vie des salariés et avec un soutien des pouvoirs publics. Et le président de la FRTP des Pays de la Loire de résumer la situation actuelle par une métaphore de circonstance pour le secteur du BTP : « Aujourd’hui, on est devant un mur. Il nous faut aller de l’autre côté, mais on n’a pas d’échelle ! »

# BTP