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Coronavirus: Chez Manulatex, la protection sanitaire passe par les gestes et par les mots
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Coronavirus: Chez Manulatex, la protection sanitaire passe par les gestes et par les mots

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Alors que le milieu hospitalier lui commande des équipements de protection habituellement réservés à l'agriculture, le dirigeant de Manulatex a dû juguler la peur de ses salariés pour que cette PME du Maine-et-Loire puisse continuer à tourner. Avec des actes, mais aussi avec des mots.

Manulatex a pris des mesures sanitaires et augmente sa capacité de production de tabliers qu'elle destine actuellement au secteur de la santé. — Photo : Manulatex

Après un début d'année 2020 en progression de plus de 25%, l'entreprise Manulatex, à Champtocé-sur-Loire. spécialisée dans la conception et la fabrication d’équipements de protection individuelle pour les secteurs agroalimentaire et agricole, enregistre un recul de son activité depuis le début de ce mois d’avril. Mais la filiale du groupe sarthois Bobet n’a pas stoppé pour autant sa production, en mettant en place des mesures strictes et en misant sur le dialogue. Elle répond même à de nouvelles commandes pour le secteur de la santé, où elle n’était pas du tout présente : un de ses tabliers développé à l’origine pour l’agriculture est aujourd’hui utilisé aussi en milieu hospitalier.

Une cellule de crise mise en place

Chez Manulatex, le rythme de production, comme dans la majorité des entreprises, a baissé depuis un mois. Inexorable, selon son directeur général Philippe Jaunault : « Les mesures sont exigeantes, voire pénibles, mais il faut bien s’y faire. Malgré l’inquiétude, le personnel répond présent, et le fait que l’on travaille pour les hôpitaux a même suscité un regain d’enthousiasme, en donnant un sens nouveau au travail. » Pourtant, les premiers jours de crise ont été quelque peu compliqués dans l’entreprise. Dès le 9 mars, pressentant des mesures de confinement, le dirigeant avait mis en place une cellule de crise et informé le CSE. Des masques étaient ressortis des placards de l’entreprise, l’utilisation déjà régulière du gel hydroalcoolique était renforcée et des consignes avaient été affichées. « Le vendredi 13, témoigne Philippe Jaunault après la première intervention d’Emmanuel Macron, j’ai réuni l’ensemble du personnel. Mais après l’annonce du confinement, le 16 mars, l’inquiétude était importante, avec une ambiance un peu tendue. Les jours suivants, une dizaine de personnes étaient quotidiennement absentes, en maladie pour suspicion de coronavirus, puis elles revenaient ensuite. La peur était réelle. »

Ni trop rassurer, ni trop inquiéter

Pour juguler cette peur, l’entreprise de 94 personnes avait déjà pris parallèlement des mesures radicales : anticipation de la mise en télétravail d’une dizaine de collaborateurs, distanciation des postes de travail, marquage au sol, étalement des horaires pour éviter les entrées et sorties groupées, désinfection toutes les deux heures des poignées de portes, des boutons électriques de la photocopieuse, une table par personne au réfectoire…

Un mode de fonctionnement nouveau allié au dialogue pour faire descendre la pression. « L’ambiance s’est détendue au fil des jours, ajoute Philippe Jaunault, qui est intervenu une seconde fois depuis le début du confinement devant l’ensemble des salariés. J’ai été totalement transparent dès le départ, en leur disant que je ne leur cacherai rien de ce que je sais. Mais il est parfois difficile de trouver un juste milieu sans trop inquiéter, ni trop rassurer, pour éviter le relâchement vis-à-vis des règles mises en place. Il faut surtout avoir un discours clair, ce qui permet de garder la confiance des équipes. »

A chaque fois, le dirigeant a écrit son intervention au préalable, et l’a transmise par e-mail à chacun des salariés, toujours dans un souci de transparence. Il note aussi l’évolution de la situation au jour le jour. Il a même rapidement répondu à un contrôle à distance de l’inspection du travail qui souhaitait connaître les mesures de sécurité, en renvoyant des photos de l’entreprise en fonctionnement…

Des tabliers pour le personnel soignant

Sans connaître d’interruption, l’activité de Manulatex s’est donc poursuivie, à un rythme certes moins soutenu que lors du premier trimestre. Mais l’une de ses productions a toutefois été renforcée : l’entreprise avait conçu il y a une dizaine d’années un vêtement pour protéger les agriculteurs lors de leurs traitements de produits phytosanitaires, dont elle fabrique environ 100 000 exemplaires par an. Baptisé, S-Protec®Plus®Plus, le tablier, souple et imperméable, a été recensé parmi les produits pouvant être utilisés dans les hôpitaux. « Nous en fabriquons actuellement 4 000 par semaine, précise Philippe Jaunault, et nous en avons livré plus de 20 000 exemplaires à l’AP-HP et en Allemagne. Nous avons des demandes d’autres hôpitaux français et allons mettre en place une seconde ligne de fabrication et une organisation en 2X8 pour être en capacité de doubler la production. » Jusqu’alors, l’entreprise n’avait jamais travaillé pour le secteur de la santé, lequel s’intéresse également à un autre de ses produits : un tablier monobloc lavable et réutilisable en cours de validation au CHU d’Angers.

Pour répondre à cette demande, l’entreprise angevine a transféré du personnel de son activité de produits en cotte de mailles à celle de tabliers. En ce mois d’avril, elle devrait atteindre 80 % de ce qu’elle réalisait en ce début d’année, après une augmentation de plus de 25,32% au premier trimestre par rapport à 2019. Une hausse portée par la sortie d’une nouvelle gamme de gants en cotte de mailles et l’obtention de nouveaux marchés. Manulatex, qui a réalisé 9 millions d'euros de chiffre d’affaires l'an passé, dont 60% à l’export, a ainsi commencé à investir l’Allemagne, où elle était alors peu présente. Les pays avec lesquels elle travaille habituellement, dont les États-Unis, l’Espagne et l’Italie, continuent de lui passer commande. Son carnet de commandes est actuellement plein jusqu’à la mi-mai.

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