Sarthe
"Avec Végépaille, nous allons produire des millions de pailles à boire en seigle"
Interview Sarthe # Agriculture # Création d'entreprise

Cassandra Bourmault présidente de la SAS Bourmault. "Avec Végépaille, nous allons produire des millions de pailles à boire en seigle"

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Basée dans la Sarthe, Végépaille est une start-up familiale créée par une jeune agricultrice, Cassandra Bourmault. Elle produit des pailles biodégradables à partir de seigle, pour remplacer les pailles en plastique désormais interdites. Végépaille ambitionne de produire 48 millions de pailles par an d’ici six ans. Les premiers lots de pailles vont être livrés au mois de mars à une clientèle de restaurants et de boutiques.

Cassandra Bourmault, cofondatrice et présidente de Végépaille — Photo : Végépaille

Comment est né Végépaille ?

Je me suis installée comme agricultrice dans la Sarthe, à Luché-Pringé en 2017, à 22 ans. Mes parents sont également agriculteurs à Mansigné (commune voisine, NDLR). L’idée de produire des pailles biodégradables est venue fin 2019. Par un concours de circonstances, nous avons su qu’un grossiste en pailles à boire était à la recherche d’agriculteurs pour lui fournir des brins de seigle. Cela nous a intéressés, on a approfondi. Ce grossiste voulait transformer le seigle en pailles à boire biodégradables, mais il n’existait pas de procédé automatisé. Des Esat en produisent, mais jusqu’à 200 000 au maximum. Le grossiste en voulait plusieurs millions ! Depuis 2021, il est interdit de vendre des pailles en plastique. Depuis 2022, il est aussi interdit de les utiliser.

Vous avez donc créé votre entreprise ?

Oui, on est associé avec mes parents et mon frère. On a créé la SAS Bourmault fin 2020. On a étudié le potentiel et les alternatives au plastique : qu’elles soient en sucre, ou en papier, toutes les pailles biodégradables ont un défaut. Souvent, elles se décomposent. On a testé les pailles de seigle auprès de professionnels de la restauration, ils en ont été satisfaits. Elles résistent jusqu’à 90 °C. Au vu de la demande, on envisage de produire 48 millions de pailles d’ici cinq à six ans, avec 36 salariés.

Nous avons dû innover pour créer une machine adaptée. Nous avons fait appel à une entreprise de la Somme, Ascodero, pour concevoir et construire cette machine. Le prototype a été réalisé en 2020, mais les soucis d’approvisionnement en pièces nous ont fait décaler le démarrage de près d’un an.

Et là, où en êtes-vous ?

La machine a été livrée en décembre 2021, dans un container de douze pieds (3,65 mètres). Nous sommes encore dans les réglages, mais nous allons pouvoir livrer nos premières pailles en ce mois de mars. Elles seront commercialisées auprès des restaurants et des épiceries. Nos pailles coûtent environ 15 centimes, même si le prix est variable selon les volumes. Nous ne fournissons pas le grossiste, puisque nous ne nous sommes pas entendus sur le prix, mais d’autres marchés s’ouvrent : la grande distribution et les établissements médicaux, en plus des restaurants et des épiceries. En vitesse de croisière, la machine peut produire huit millions de pailles par an. Pour 2022, on espère atteindre 85 % de ce volume. Si on en vend la moitié, ça donnera un chiffre d’affaires de 480 000 euros.

Comment s’articule cette activité de fabrication de pailles avec vos activités agricoles ?

Nous produisons le seigle sur nos terres. Compte tenu des incertitudes sur le rendement (liées à la météo, aux maladies, etc.), nous voyons large et dédions 50 hectares au seigle. La récolte revient à nos exploitations, Végépaille intervient pour la production et la commercialisation des pailles. C’est une mini-usine.

Vous avez monté une usine sur votre ferme ?

Nous avons choisi de minimiser les investissements en bâtiments. Nous avons laissé la machine dans son container, que nous avons aménagé. Et nous avons monté nous-mêmes des locaux en panneaux sandwich : on y assure le nettoyage des pailles, le conditionnement et l’expédition. On a recruté six personnes. À terme, il y aura six machines, avec six opérateurs, donc 36 personnes. Les emballages de 50, 100 ou 200 unités sont réalisés par Posson Packaging, un industriel sarthois basé à Louailles.

Avez-vous été aidés ?

Oui, ce projet représente un investissement de 700 000 euros. On ne voulait pas faire appel à des investisseurs parce qu’on ne voulait pas que quelqu’un bloque nos décisions. Nous avons réalisé une petite levée de fonds auprès de proches. Nous avons obtenu plusieurs prix ou soutiens : d’Initiative Sarthe, du Département, de la communauté de communes, on a eu une bourse French Tech de la Bpifrance, un prix Végépolys 2020, un prix de l’Initiative du Crédit Agricole, et un prêt d’honneur Créavenir du Crédit Mutuel. Fin 2021, on a reçu le premier prix dans la catégorie Impact, du Start Innovation Business Award du CIC Ouest.

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