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Salomon, tout schuss sur la course sur route
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Salomon, tout schuss sur la course sur route

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Le spécialiste finlandais du matériel de sport Amer Sports, dont le siège Europe est à Villefontaine (Isère), entend rejoindre le club des géants du footwear. Sa filiale Salomon, installée à Annecy et dédiée aux sports de pleine nature, lance une chaussure qui doit lui permettre de poser un premier pied dans le "road running".

— Photo : C.SJOSTROM

Qu’est-ce qui sépare une chaussure de course « sur route » d’une chaussure de « trail » ? « A point of difference ». Cela ressemble à un nom de code, mais il s’agit de la méthode "maison" adoptée par Salomon pour changer de catégorie. Leader sur le sport outdoor devant Patagonia ou Merrell, le haut savoyard veut rejoindre la cohorte des « géants », les Nike (CA : 30,8 Mds€), Adidas (19,9 Mds€), Under Armour (4,4 Mds€), Asics (3,2 Mds€), et The North Face (2,2 Mds€). Avec 861 M€ de chiffre d’affaires en 2017, l’outsider Salomon pointe en sixième position.

Valeur ajoutée

Le trail, terrain de jeu de Salomon, est un marché trop petit pour se hisser sur le podium. Au niveau mondial, il ne pèse que 2 milliards d'euros, quand celui du "road running", la course sur route, atteint 13 milliards. Pour avancer plus vite sur ce revêtement encore inexploré, Salomon est allé chercher en Australie (et chez Asics) le professeur Simon Barthold, un spécialiste de la biomécanique du pied. Sa mission : accélérer la transformation de la marque et en faire une spécialiste reconnue du running sur route. C’est lui qui permet d’atteindre ce fameux point of difference.

Frédéric Crétinon, presque trente ans d’ancienneté chez Salomon, directeur de la R&D pour le département « chaussure », explique la méthode. « On se met qualitativement au niveau de nos challengers, et on cherche une particularité ». Pour les chaussures de route, le groupe s’est attaqué à la vibration. « C’est une valeur ajoutée qui permet de courir plus longtemps », promet Nicolas Hovais, directeur du laboratoire de biomécanique de la marque, qui connaît sur le bout des doigts les réactions des 28 os, 30 tendons et 31 muscles du pied.

300 000 euros de brevets par an

Autre impératif pour remonter au classement, selon Eric Pansier, vice-président de la marque Salomon : « rester n° 1 dans notre spécialité, le trail ». Il serait plutôt risqué de lâcher la proie pour l’ombre : un coureur de trail dépense jusqu’à 900 euros pour s’équiper contre 300 euros pour un coureur sur route.

« On croyait naïvement qu’en étant bon en trail, on le serait aussi en chaussures sur route. On a mis quatre ans à comprendre que non ! »

Pour gagner une réputation sur le road running, Salomon travaille « avec beaucoup de modestie » depuis quatre ans. « On croyait naïvement qu’en étant bon en trail, on le serait aussi en chaussures sur route. On a mis quatre ans à comprendre que non ! Les gestes, la mentalité, l’environnement, tout est différent », confie le directeur R&D. Le brevet a été déposé. Il s’ajoute à ceux, presque hebdomadaires, déposés à l’INPI, représentant 300 000 euros par an en moyenne pour le seul département « footwear ». Le résultat : une chaussure « 100 % routière » baptisée Sonic, commercialisée depuis le printemps. Elle a été conçue dans l’usine de prototype de 150 salariés, où sont testés les produits Salomon (résistance à la chaleur, aux rayons UV, étanchéité, confort thermique...) mais aussi ceux des concurrents.

En réalité, cette nouvelle chaussure incarne un virage plus radical, sobrement nommé « Plan 2019-2022 ». Et c’est toute l’entreprise qui se transforme pour se tourner vers le footwear. Car si les skis pèsent 35 % du chiffre d'affaires, la part des ventes de chaussures a elle progressé de +10 % par an en moyenne depuis 2014, jusqu’à représenter 490 M€ de chiffre d’affaires en 2017. Salomon va même jusqu’à concevoir des chaussures pour le monde de la mode, comme ces deux ou trois modèles vendus sur le site de mode ultra pointu Ssense.com.

Séduire les jeunes

« C’est simple, Salomon n’avait pas connu une telle transformation depuis 15 ans », assure Frédéric Crétinon. L’homme participe à la transformation d’une entreprise, jusque-là par organisée par métier, qui se structure désormais par projet. « On valorise les expertises, on ajoute de la valeur », commente-t-il. A plus long terme, Salomon, qui vient d’ouvrir sa première boutique à Paris, est confronté à un autre défi : entretenir le plaisir du sport.

Pour l’heure, son cœur de cible est une femme de 43 ans. Mais demain, comment convaincre des hordes de « gamers », plus prompt à saisir des manettes qu’à chausser leurs baskets ? Ces « jeunes consommateurs qui grandissent devant leurs écrans », comme les décrit Eric Pansier, seront, veut-il croire « de plus en plus nombreux à trouver refuge en montagne ». « On note d’ailleurs, souligne-t-il, une tendance à vouloir s’éloigner des ondes, à partir loin du wifi », dit-il. Son pari : convaincre par le jeu. D’où le slogan « Time to play » lancé en novembre 2016, l’équivalent du « Just do it » de Nike…

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