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À Roanne, Michelin engage son virage vers le haut de gamme
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À Roanne, Michelin engage son virage vers le haut de gamme

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Alors qu’il avait frôlé en 2014 une sévère restructuration, le site roannais du groupe Michelin a fait peau neuve. Et s’est converti à la production de pneus à très haute performance. Reportage.

Photo : Michelin

Une visite sous très haute surveillance. Ni caméras, ni appareils photos. « Si une image de nos nouvelles lignes de production sort dans les médias, je saute ! », avertit sans rire Eric Percie du Sert, directeur de l’usine Michelin de Roanne (920 salariés ETP, dont 800 en CDI). Extrême vigilance donc sur ce site du groupe auvergnat qui avait frôlé en 2014 une sévère restructuration avant de bénéficier in extremis d’un vaste plan d’investissements de 80 millions d’euros (dont 60 millions ont été investis à ce jour). Grâce à un dialogue social soutenu dans le cadre d'une démarche participative inédite chez Michelin ayant impliqué les organisations syndicales et plus de 70 salariés, le site roannais avait su sortir d’une crise annoncée.

Une brique technologique secrète

« Nous revenons de loin. Nous n’étions tout simplement plus compétitifs. Sans ce plan, validé par l’ensemble des salariés, nous allions dans le mur », reconnait le dirigeant avant d’ouvrir les portes de cette usine de 54 000 m², presque entièrement retapée et aujourd’hui dédiée pour moitié à la production de pneus à très haute performance. De précieuses « enveloppes », selon le vocable maison, au centre de toutes les attentions. Car ces pneus – qui équipent en série les principaux modèles des marques Porsche, BMW et Tesla notamment – sont fabriqués selon un procédé « révolutionnaire », baptisé C3M (pour Carcasse monofil moulage mécanique). Une rareté.

Dans la galaxie Michelin, seuls 3 sites au monde (Clermont-Ferrand, Prime aux Etats-Unis et désormais Roanne) sont en effet équipés de ce système capable de produire des « enveloppes » haut de gamme à la demande. Une brique technologique dont le process de fabrication n’est connu que des seuls salariés qui programment les machines C3M. Un culte du secret « indispensable », insiste Eric Percie du Sert, alors que le marché mondial du pneu est plus que jamais porté par « l’innovation technologique ».

Les petites séries visées

Sur le site de Roanne, quelque 32 machines C3M (dont la dernière a été installée en septembre dernier) ont été réunies dans un hall spécifique, aménagé après plusieurs mois de travaux. Autonomes, ces unités de production sont alimentées en fils métalliques, lesquels sont projetés dans différentes bandes de gommes qui entrent dans la fabrication d’un pneu et disposent d’un four à induction pour la cuisson finale. En bout de chaîne et par machine, sort toutes les 5 à 10 minutes une « enveloppe » de 19, 20 ou 21 pouces adaptée aux berlines de luxes.

« Nous n’étions tout simplement plus compétitifs. Sans le nouveau plan d’investissement, validé par l’ensemble des salariés, nous allions dans le mur »

« Ce sont des machines tout en un qui permettent à la fois de fabriquer rapidement des pneus haute performance et d’être programmées pour des petites séries », explique le directeur. Au cœur du plan de relance de ce site créé en 1974, cette unité C3M – pour laquelle 467 salariés internes ont été formés (pour un total de 100 000 heures) – vise un marché du haut de gamme en croissance mondiale de 6 % / an. « L’ensemble de notre production à Roanne est de 5 500 enveloppes par jour. Pour servir ce marché premium, la partie produite en C3M (chiffres non communiqués, ndlr) devrait progressivement augmenter », estime Eric Percie du Sert. Reste toutefois à atteindre les performances économiques fixées lors du déploiement de ce plan de relance. « Sur ce point, nous avons encore des progrès à faire. Nous avons un « coût façon » incompressible, qui pourra être amorti à mesure que nous monterons en production », veut-il croire.

Un site reparti pour « au moins 20 ans »

Au terme d’une longue restructuration, le site roannais de la marque au Bibendum semble ainsi avoir sauvé sa tête. Définitivement ? Jean-Dominique Sénard, patron du groupe, donnait en janvier dernier encore au moins « 20 ans de vie » à cette usine qui tourne aujourd’hui 24h/24. « L’usine de Roanne était probablement condamnée mais nous avons trouvé sur place avec les équipes et les syndicats un accord social innovant », s’était-il félicité.

De quoi motiver les troupes locales, lesquelles sont depuis, selon des indicateurs internes, « les plus engagées des salariés Michelin en France ». Parallèlement, un plan d’embauches annuel d’une soixantaine de contrats CDI a été lancé. « Nous avons assisté en trois ans à la renaissance d’un site industriel », se réjouit Eric Percie du Sert. Suffisamment rare pour en « être fier »…

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