Jérémy Arnaud (Terroir Manager) : « Une mutation profonde dans le secteur du vin d’ici dix ans »
Interview # Culture

Jérémy Arnaud fondateur de Terroir Manager Jérémy Arnaud (Terroir Manager) : « Une mutation profonde dans le secteur du vin d’ici dix ans »

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Jérémy Arnaud, fondateur de Terroir Manager, intervient depuis deux ans en Beaujolais pour insuffler un esprit d’entreprise auprès des vignerons. Il livre sa vision d’un secteur en profonde mutation.

Photo : Terroir Manager

Le Journal des Entreprises : Vous avez, à l’été 2017, rencontré 62 vignerons en Beaujolais, un vignoble en crise depuis 20 ans. À quels obstacles sont-ils confrontés ?

Jérémy Arnaud : Ils témoignent pour la plupart de difficultés pour définir le style de produit qui répondrait aux besoins de diversification, se déclarent « perdus » dans un système commercial (négoce, ventes directes, ventes aux grandes surfaces) dont ils perçoivent les limites mais sans avoir les moyens, les connaissances, la culture et le réseau pour dépasser ce plafond de verre. Et sont, pour la plupart, conscients de l’intérêt du digital mais ignorent comment l’aborder.

Les vignerons en Beaujolais ont pourtant un potentiel à jouer mais qui n’est pas optimisé. Par exemple, le rapport qualité/prix n’est pas cohérent, le prix trop bas, avec un cap des 10 € le col rarement franchi, ce qui contribue à dévaloriser la production.

Comment observez-vous la mutation de ce secteur ?

J.A. : On devrait, dans les 10-15 ans, assister à l’apparition de « néo-vignerons » : héritiers ou non, ceux qui se lancent dans la vigne ne veulent pas juste faire du vin, mais faire du bon, du grand vin, avec une éthique de production, la volonté d’entrer dans le bio. Et s’il existe un patrimoine bâti, leur enjeu est d’utiliser le plus possible le potentiel esthétique. Ils combinent rationalité économique et potentiel « émotionnel ». Tout en envisageant leur avenir comme des entrepreneurs : de façon rationnelle, en estimant les coûts, la rentabilité, la profitabilité, leur niveau de rémunération en fonction des marges…

Devant de telles exigences et ambitions, qui seront ces nouveaux entrepreneurs du vin ?

J.A. : À l’image des châteaux autour de Lyon, fondés par de grands industriels lyonnais, ceux qui réinvestissent dans ce secteur sont de nouveau des industriels, des dirigeants passés par un autre secteur que celui du vin, tels celui du Château de Pizay. Ils apportent des changements profonds qui modifient le travail de la vigne : la robotisation, l’utilisation d’images satellite… La compétition entre ces néo-vignerons à forte valeur ajoutée se jouera sur la part d’émotion et de rêve, la valeur affective qu’il donneront au produit.

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