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Eric Jacquet (Jacquet Metal Service) : « Il faut faciliter la transmission pour sauver les ETI familiales »
Interview Lyon # Distribution # International

Eric Jacquet PDG de Jacquet Metal Service Eric Jacquet (Jacquet Metal Service) : « Il faut faciliter la transmission pour sauver les ETI familiales »

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A la tête du groupe lyonnais Jacquet Metal Service, l'une des plus belles ETI d'Auvergne-Rhône-Alpes spécialisée dans la distribution d’aciers spéciaux (CA 2018 prévisionnel : 1,85 milliard d’euros, 3 300 salariés), Eric Jacquet plaide pour un allègement des droits de succession des entreprises tricolores. Profitant d’une conjoncture favorable, il pourrait accroître le périmètre du groupe, grâce à des acquisitions et en élargissant la gamme des aciers spéciaux proposés.

Pour le PDG de Jacquet Metal Service, « il faut faciliter la transmission d'entreprises en France, il en va de la survie de nos ETI familiales dont beaucoup se font racheter par des acteurs étrangers. » — Photo : Eric Jacquet

Le Journal des Entreprises : Qu’est-ce qui, selon vous, freine la croissance des ETI françaises ?

Eric Jacquet : Je ne considère pas la France comme un pays plus compliqué qu’un autre pour une ETI de services. Nous savons tous que les charges sociales y sont plus élevées qu’ailleurs. C’est un handicap pour ceux qui exportent des produits "made in France". Ce qui n’est pas notre cas. Jacquet Metal Service est un acteur mondial qui génère 90 % de son chiffre d’affaires hors de l’Hexagone.

Près d’un tiers des effectifs de votre entreprise est toutefois concentré à Lyon. N’avez-vous jamais été tenté, pour justement échapper à cette fiscalité sociale, de délocaliser ces équipes ?

E. J. : Au contraire, je suis "cocorico" à fond ! Je veux absolument conserver cette empreinte française. Nous avons, ici, des savoir-faire et des compétences uniques. Mais nous restons, comme nos concurrents, confrontés à un problème de main-d’œuvre important. Nous sommes une ETI en embauche permanente et il nous est très difficile de trouver les bons profils.

« Je ne vois pas meilleur investissement pour l’avenir de nos ETI que la formation. »

Si j’étais aux commandes politiques, je mettrais le paquet sur la formation. C’est un sujet dont on parle beaucoup, mais force est de constater que les dispositifs actuels ne fournissent pas de résultats suffisants. Or, je ne vois pas meilleur investissement pour l’avenir de nos ETI que la formation.

Autre frein pour de nombreux dirigeants d’ETI : les droits de succession, qu’ils jugent trop élevés. Partagez-vous ce constat ?

E. J. : Absolument. Il existe bien des dispositifs de transmission, mais qui sont très difficiles à mettre en œuvre dans le cadre d’entreprises cotées. Il m’est ainsi impossible de léguer plus de 49,9 % de mes parts à mes enfants. Il faut faciliter la transmission. Il en va de la survie de nos ETI familiales, dont beaucoup se font racheter par des acteurs étrangers. C’est un sujet très important. Il est impératif de garder les entreprises en France !

Après le discours d’Emmanuel Macron sur le pouvoir d'achat des Français en décembre, vous avez décidé d’accorder une prime de 500 euros à vos salariés. Pourquoi ce geste ?

E. J. : J’ai trouvé le président de la République convaincant et le bilan d’activité du groupe a permis ce geste exceptionnel. Nous avons donc versé cette prime en décembre. Depuis, le gouvernement a fixé des critères d’exonération de charges pour les salariés les plus modestes. Mais j’estime que cette prime doit être la même pour tous. Nous avons donc décidé de payer les charges liées à cette prime pour tous nos collaborateurs.

Cela montre aussi la bonne santé financière de l’entreprise, qui devrait afficher en 2018 un chiffre d'affaires record à 1,85 milliard d’euros (contre 1,74 milliard d’euros en 2017). Comment expliquez-vous cette poussée, alors que le cours des aciers spéciaux est globalement à la baisse ?

E. J. : La baisse du cours n’affecte pas notre activité, car la demande en aciers spéciaux reste forte partout. Nous avons un catalogue de 70 000 clients répartis dans 70 pays. C’est cela qui compte. Cette poussée sur le chiffre d’affaires enregistrée en 2018 s’est faite en développement, à périmètre constant. Cela prouve aussi que nous avons su "digérer" nos différentes acquisitions (dont celles du suisse Schmolz + Bickenbach, spécialisé dans la distribution de métaux, en 2015, NDLR).

Le titre du groupe a toutefois dévissé de près de 40 % en Bourse en 2018. Cela ampute-t-il vos projets de développement ?

E. J. : Plusieurs facteurs expliquent ces fluctuations sur le titre : l’impact du bras de fer commercial entre les États-Unis et la Chine sur les valeurs moyennes (dont la nôtre) et les projections à la baisse sur le marché des aciers. Mais cela ne nous effraie pas. Les fondamentaux de Jacquet Metal Service sont solides : sa dette baisse et ses résultats sont en nette croissance.

Les cours des aciers des spéciaux sont globalement à la baisse. Ce contexte pourrait-il vous inciter à racheter des acteurs du secteur ?

E. J. : Oui, j’ai envie de faire de l’acquisition. Nous sommes en train de discuter avec un certain nombre d’entreprises. Mais il faut évidemment que ces opérations de croissance externe correspondent aux bons segments, ce qui est compliqué.

Pourriez-vous racheter un acteur non-européen, ce qui serait un première pour Jacquet Metal Service ?

E. J. : Oui, mais uniquement en Amérique du nord. En Asie par exemple, où nous enregistrons un développement très fort, je ne me vois pas racheter une entreprise locale. Ces marchés sont trop complexes, je préfère m’y installer en propre.

Nous allons d’ailleurs renforcer notre présence en Chine au premier trimestre 2019, en ouvrant une troisième plateforme de stockage et de distribution dans la région de Pékin, après celles de Shanghai et de Chengdu. Puis, nous devrions inaugurer un autre centre du même type en Corée du Sud et regardons comment nous implanter en Indonésie et en Malaisie.

Quels sont les autres axes de développement possibles pour l’entreprise ?

E. J. : Nous sommes leader mondial sur le marché de l’acier inoxydable avec un catalogue d’une trentaine de produits de ce type. Je souhaiterais ouvrir notre gamme à d’autres aciers, l’aluminium notamment. Nous pouvons également trouver des axes de développement dans les aciers, sous forme de tubes. J‘ai l’ambition de créer un pôle dédié aux tubes en inox et en carbone. Nous réfléchissons aussi à l’acier à outils.

Vous distribuez des aciers spéciaux que vous ne produisez pas. Sur quoi repose la rentabilité du groupe ?

E. J. : Sur notre capacité à livrer nos clients dans les meilleurs délais. Pour gagner en rentabilité et renforcer nos positions, nous devons aussi être capables de servir plus de clients. Voilà pourquoi il est important de renforcer notre réseau de plateformes (170 à ce jour, déployées dans 17 pays). Nous sommes des négociants, non des métallurgistes. Nous achetons chaque année plus d’un million de tonnes d’aciers spéciaux. Cela suppose aussi une excellente gestion de notre stock, qui s’élève à 600 millions d’euros. C’est notre capital.

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