Comment la filière viticole passe à l'offensive
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Comment la filière viticole passe à l'offensive

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Alors que le Beaujolais, deuxième vignoble régional, fête ce mois-ci son célèbre (et immuable) vin « Nouveau », un vent de changement souffle au milieu des ceps. Face à la déconsommation globale et à la poussée des vins « bio », viticulteurs et négociants du territoire cherchent en effet à (ré)adapter leur offre.

Dans le seul Beaujolais, près de 3 000 exploitations vivent de la vigne. Dans la Vallée du Rhône, on en dénombre presque 6 000 — Photo : InterRhône

Le cru 2018 sera de « très bonne qualité ». Parole de vigneron… Et pas n’importe lequel. Pour Philippe Guigal, à la tête d’une des plus grandes maisons de la Vallée du Rhône, « cette récolte devrait produire un excellent millésime ». Et rattraper celle de 2017, marquée par une baisse des volumes de près de 20 % sur l’ensemble des vignobles locaux.

Cette année, le monde viticole peut donc souffler… Sans pour autant s’endormir. Car l’empreinte économique de la filière – qui génère au plan régional plus d’un demi-milliard d’euros de CA – est énorme. Son impact sur l’emploi, considérable. Dans le seul Beaujolais, près de 3 000 exploitations vivent ainsi de la vigne. Dans la Vallée du Rhône (plus important vignoble du territoire, avec une production de 2,5 millions d’hectolitres), on en dénombre presque 6 000… De l’Auvergne à la Savoie, le vin emploie indirectement plus de 30 000 personnes à l’année, selon la chambre d’agriculture régionale. « C’est un pilier de notre économie locale », confirme Philippe Guigal. Mais un pilier fragile.

Chute du rouge

Localement, on s’inquiète en particulier de la chute programmée de la consommation française, évaluée à 5 % d’ici à 2020 et concentrée sur les vins rouges, selon une récente étude Vinexpo/IWSR (International Wine and Spirit Research). « Quand vous produisez 80 % de rouge et réalisez 65 % de votre chiffre d’affaires dans l’Hexagone, comme c’est le cas en Vallée du Rhône, ce genre d’étude est à prendre très au sérieux », reconnaît Eric Rosaz, directeur d’Inter Rhône, qui regroupe l’ensemble de la filière du couloir rhodanien. D’où « la nécessité de changer », appuie-t-il. De s’adapter à cette nouvelle donne, mais aussi à la montée en gamme (et en volume) du segment « bio ». Dans le Rhône par exemple, 8 à 10 % de la production est proposée en biodynamie ou sous le label « AB ». Insuffisant, estime-t-on. Mais les attaques de mildiou – ce parasite qui régulièrement « grignote » les vignes – et les promesses de rendements plus faibles qu’en conventionnel freinent les conversions...

Booster l’export

C’est donc dans ce contexte « difficile », de l’avis de nombreux vignerons du Beaujolais, que viticulteurs et négociants régionaux cherchent à faire bouger les lignes. À valoriser les AOC locales, dans la Loire notamment. À booster l’export également, alors que la concurrence des vins chiliens, australiens ou encore chinois, n’a jamais été aussi forte. À l’étranger, plusieurs « ambassadeurs » (ils sont deux aux Etats-Unis pour le compte de la Vallée du Rhône) défendent déjà les vins du territoire. Ils pourraient se multiplier.

À Inter Rhône, un plan stratégique est par ailleurs à l’étude avec à la clé un « Plan Blanc » qui vise à valoriser en volume les principaux cépages concernés de la vallée (viognier, roussanne, marsanne, clairette). Lesquels ne pèsent que 7 % de la production globale. « Nous sommes en capacité de faire des grands vins de garde en blanc, à l’instar de l’appellation Condrieu », veut croire Eric Rosaz. Autre axe stratégique : la mise en place (en cours) d’outils communs permettant de mieux connaitre le parcours du vin après sa vente.

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