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Bosch Rexroth DSI : « Nous avons retrouvé la rentabilité après des années de menace »
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Marc Baeumlin président de Bosch Rexroth DSI Bosch Rexroth DSI : « Nous avons retrouvé la rentabilité après des années de menace »

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Le siège social français du groupe allemand Bosch, composé de trois entités - Bosch Rexroth DSI (production de composants hydrauliques), Robert Bosch France (production d'éléments diesel) et Bosch Rexroth SAS (service commercial) -, arrive en tête des entreprises les plus rentables du Rhône en 2017. Zoom sur Bosch Rexroth DSI, inventeur en 1967 à Vénissieux des "joysticks", ces outils hydrauliques de déplacement, d’actionnement, de manipulation d'engin. Ou comment cette filiale est passée de 24 millions d'euros de pertes en 2016 à un peu plus de 3 millions d'euros de bénéfices un an après.

La réduction des coûts de structure et l’amélioration des produits grâce à la R&D sont deux des leviers mis en place par Marc Baeumlin, président de Bosch Rexroth DSI pour redresser l'industriel de Vénissieux — Photo : Bosch

Le Journal des Entreprises : Les résultats 2017 de DSI, la branche industrielle de Bosch Rexroth, traduisent sa "résilience" : après 24 millions d’euros de pertes en 2016, vous présentez un bénéfice de 3,4 millions d’euros en 2017.

Marc Baeumlin : Nous avons en effet retrouvé l’équilibre en 2017 avec 85 M€ de chiffre d’affaires, et nous serons à 110 M€ en 2018. Il y a deux ans, Bosch Rexroth a connu une restructuration mondiale, qui a concerné les 33 000 salariés de la division Rexroth dans le monde. Il y avait trop de sites, trop d’investissements, pas assez d’innovation. À Vénissieux, nous sommes passés de 370 à 310 salariés entre 2016 et 2018. Toute la chaîne de valeur a par ailleurs été préservée : R&D, application, production et vente.

La R&D joue-t-elle un rôle important dans la "remontada" de Bosch Rexroth DSI ?

M. B. : En France, on connaît le sujet du coût de la main-d’œuvre. Alors pour contrer cette charge, nous avons beaucoup misé sur l’innovation. Notre service R&D compte 45 personnes, avec 6 % du chiffre d’affaires y est investi. C’est l’amélioration considérable de nos produits qui nous a permis de redresser la barre. Nos innovations connaissent un vrai succès au point que nos clients, tels que les fabricants d'engins JCB ou Caterpillar, viennent chez nous pour mettre au point leurs machines. Celles-ci gagnent en sécurité grâce à la double-commande, en maniabilité avec un degré d’exécution plus rapide, ou encore, pour le conducteur d'engin, en confort d’assise et souplesse de conduite grâce à nos systèmes électrohydrauliques.

Le service rendu aux clients est-il un facteur d’accroissement de vos marges ?

M. B. : Nous avons amélioré les performances opérationnelles, tous les curseurs sont en hausse : des taux de livraison avec le respect des délais jusqu’au niveau de qualité de finition des produits. Et ceci sans augmenter les prix. L’activité industrielle du site de Bosch Rexroth Vénissieux demeure leader mondial, avec 25 % de parts de marché. Nous avons non seulement bénéficié de la hausse conjoncturelle de la demande, mais aussi gagné des parts de marché.

« Il faut sans cesse se remettre en cause pour maintenir des activités industrielles. »

Qui dit rentabilité dit réduction des coûts. Sur quels leviers vous êtes-vous appuyés ?

M. B. : J’ai entamé une procédure visant à réduire les coûts de structure, par l'adaptation de nos équipements. Notamment grâce à notre initiative baptisée « Usine et produits du futur », qui pratique de l’innovation "frugale". Des ingénieurs stagiaires ont par exemple mis au point en un temps record des lunettes de contrôle, qui digitalisent et permettent une traçabilité à 100 % de nos produits. Résultat : nous avons augmenté de 50 % la vitesse d’exécution d’une check list. Les équipes utilisent aussi une imprimante 3D pour une pièce à réparer, un prototype à tester…. Après dix-huit mois d’usage, on fait le calcul : 35 000 euros non-dépensés en achats de petites pièces, désormais fabriquées sur notre machine. Et un gain de temps notable.

Avez-vous repensé l'organisation des équipes ?

M. B. : Oui, de deux façons. À Vénissieux, nous avons revu l’organisation de nos fonctions support, en adaptant les métiers aux besoins et en les rapprochant de nos deux flux de valeur : distributeurs et interfaces homme-machine. Nous avons aussi transféré 20 % des volumes de production vers la Turquie, où la main d’œuvre coûte 5 à 6 fois moins cher qu’en France. Notre site de Bursa produit environ 60 % de nos distributeurs hydrauliques.

Quels enseignements retirez-vous de votre expérience au sein de Bosch ? Les plans sociaux successifs, la fin de la branche "diesel", l'arrivée d'un repreneur pour la partie photovoltaïque, son dépôt de bilan et aujourd'hui cette rentabilité retrouvée ?

M. B. : Ce que j’ai appris c’est qu’il faut sans cesse se remettre en cause pour maintenir des activités industrielles, oser penser différemment, et surtout pouvoir compter sur ses équipes. Bien entendu il y a eu des moments difficiles mais, à chaque fois que le collectif réussit à s’unir pour se projeter dans le changement, nous avons pu rebondir.


Bosch Vénissieux, « site pilote de l’industrie du futur » à Lyon

En octobre 2018, la direction du groupe Bosch a accepté de vendre 11 des 17 hectares de son usine de Vénissieux à la Société d'Équipement et d'Aménagement du Rhône et de Lyon. Objectif : ériger ici, sous l’impulsion de Lyon Métropole, un « site pilote de l’industrie du futur ». La promesse de vente devrait être signée en avril pour une concrétisation en octobre 2019. L’industriel allemand consent même à participer aux investissements nécessaires pour accueillir une vingtaine de start-up industrielles.

De son côté, la Serl, qui refuse pour le moment de s’exprimer sur cette opération, devrait investir des dizaines de millions d’euros dans ces 11 hectares, avec la volonté de doubler le volume de mètres carrés disponibles. Le référent de ce futur site industriel sera « La Ruche industrielle », cofondée par Caroline Félix, ex-chef de projet marketing chez Bosch. En lien avec l’accélérateur Waoup, cette société de services accompagnera les start-up au quotidien. La sélection de ces jeunes pousses, y compris hors Hexagone, est en cours, et les projections tablent sur une jauge de 800 à 1 000 salariés dans cinq ans. Le constructeur de véhicules autonomes Navya a déjà annoncé son intention de s’y installer.

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