Ils ne sont pas loin l’un de l’autre, mais une rue les sépare. Alexandra Mathiolon reçoit dans un bureau flambant neuf dans le fief historique du groupe Serfim, chemin du Génie, à Vénissieux. Il suffit de jeter un œil par la fenêtre pour apercevoir celui de son père, Guy, PDG du groupe et ancien président de la CCI de Lyon. C’est lui qui, en mars 2018, a annoncé à ses cadres son retrait progressif et le nom de celle qui allait lui succéder. « Nous avions plusieurs options pour annoncer son départ et mon arrivée, confie Alexandra Mathiolon. Nous avons choisi la transparence ».
Guy Mathiolon a même livré le rétroplanning : la jeune femme fera ses armes pendant deux ans en tant que directrice générale adjointe de la branche énergie - sa spécialité et le cœur historique de Serfim. Puis deux autres années pour se familiariser avec le groupe. Et enfin un an, à peine, pour prendre le relais du PDG. « Elle en a le charisme et la volonté », assure le dirigeant de 64 ans, qui ne laisse planer aucun doute sur la confiance qu’il place en sa cadette, pour laquelle il joue aussi le rôle de « coach ».
Le Grand Paris en ligne de mire
Alexandra Mathiolon, habituée de pages glacées des magazines people lyonnais, a été standardiste – en job d’été - de Serfim. Cette fois, elle revient par la grande porte. Un peu trop grande peut-être ? Son père assure qu’elle en a les épaules. Il a chargé sa fille, qui vit à Paris, du pilotage de la filiale Bentin (Aulnay-sous-Bois / 25 M€ / 170 personnes). A la question de savoir si la jeune femme n’aurait pas gagné en légitimité en commençant par un poste plus opérationnel avec des équipes à manager en direct - son CV indique qu’elle n’a pas managé d’équipe comptant plus de dix personnes - Guy Mathiolon rétorque qu’elle « s’occupe d’une agence à Paris qui perd de l’argent ». « Elle est en contact avec les chefs d’agence, donc pas déconnectée du terrain », assure-t-il.
Parmi les missions d'Alexandra Mathiolon, la création de Serpollet Centre-Est, filiale énergie couvrant la zone Lyon/Paris et intégrant la Bourgogne. Plus la conduite des chantiers du Grand Paris, un marché à 50 millions d’euros de chiffres d’affaires qui occupe 300 salariés du groupe (dépollution, énergie et vidéosurveillance).
« Les équipes doivent apprendre à me connaître, ça va prendre du temps et c’est bien normal »
Acquérir sa légitimité
Par ailleurs Alexandra Mathiolon entend placer le groupe « de façon plus offensive » sur orbite internationale à travers le déploiement de deux projets ; Geoambient en Catalogne (dépollution) et la Tunisie (déchets). Administratrice de Calvim, elle va faire son entrée d’ici quelques semaines comme administratrice de Serfim, pour en prendre la présidence en 2023, tandis que son père Guy demeurera président du conseil de surveillance.
« Les travaux publics, ce n’est pas le secteur le plus simple », consent la jeune ingénieure, qui ne sous-estime pas non plus le poids d’un « contexte familial particulier ». « Raison pour laquelle je me concentre sur mes missions. Je dois faire mes preuves, c’est sûr. Les équipes doivent apprendre à me connaître, ça va prendre du temps et c’est bien normal » livre-t-elle, consciente des « difficultés ». Parmi lesquelles l’obligation de « faire doublement la preuve de mes compétences, de ma légitimité », livre cette ancienne basketteuse en club, amie de Marie-Sophie Obama (qui évolue à l'Asvel basket féminin). « Je n’ai que 28 ans mais j’ai envie de construire une réussite collective ». Les énergies renouvelables et le numérique sont des sujets qui la « différencient de (son) père » insiste celle qui, chez McKinsey, a suivi une formation sur « le bien inconscient », ou « comment les origines, le titre ou le sexe modifient le jugement que l’on porte sur vous », sourit-elle.
Alexandra Mathiolon, de consultante à dirigeante
La jeune femme de 28 ans, élevée au milieu de deux sœurs (l'une chirurgienne, l'autre responsable de communication), mariée depuis juillet 2018, dispose d’un solide bagage académique. Ingénieur diplômée de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, elle est aussi titulaire d'un double diplôme "énergies renouvelables et environnement" délivré à l’Imperial College de Londres. Elle rejoint Serfim après une première partie de carrière comme consultante et chef de projet pour le très sélectif cabinet américain McKinsey,. Basée à Londres, elle a rempli des missions à Singapour, San Francisco, en Inde, en Australie, à Montréal et dans différents pays d’Europe pour conseiller les entreprises vers des perspectives de croissance, les nouveaux marchés ou l’optimisation des coûts. Passée par EMLyon, elle a suivi la formation « Objectif administratrice » pilotée par Sidonie Mérieux et Anne-Sophie Fauvet.