Ils sont 34 à apprendre les métiers du BTP aux quatre coins du département des Vosges sur les chantiers du bailleur Vosgelis (CA 2021 : 67 M€ dont 55 M€ de loyers bruts, 215 salariés). Le premier Office public de l’habitat (OPH) de Lorraine, créé en 1919, a lancé en octobre 2021 un vaste plan de rénovation de ses logements. Et parmi les ouvriers se glissent des locataires à la recherche d’un emploi. Un programme d’insertion unique dans la région.
Formation et insertion
Vosgelis, disposant d’un parc de 16 500 logements répartis dans 112 communes, a décidé à l’automne 2021 d’en rénover 361 supplémentaires sur deux ans : 177 à Saint-Dié-des-Vosges, 110 à Golbey, 64 à Gérardmer et 10 à Neufchâteau. Le montant de l’investissement atteint 22 millions d’euros (ou plutôt 26 millions d’euros de prix de revient en raison de l’inflation actuelle sur les matières premières). Et le plan de relance y contribue à hauteur de 4,3 millions d’euros. "Ce financement sur deux ans vient en plus des investissements habituels, précise le directeur général de Vosgelis Fabrice Barbe. Au total, ce sont 43 millions d’euros qui seront investis en 2022 contre 25 ou 30 millions habituellement."
Avec un accent mis sur l’isolation extérieure des bâtiments et l’amélioration du cadre de vie des habitants : "Nous prévoyons l’installation d’ascenseurs supplémentaires car nous logeons de nombreuses personnes âgées, et l’installation de balcons et de coursives car, nous l’avons vu pendant les confinements, un accès à l’extérieur reste très important. Le tout, sans augmentation de loyers."
Pour remonter aux origines du projet de l’OPH, qui loge près de 28 000 personnes dans les Vosges (8 % de la population départementale), il faut remonter au 9 octobre 2020 lors d’une réunion en préfecture. Il y découvre la possibilité d’obtenir des subventions pour ses futurs chantiers de rénovation. Suivent des entretiens avec l’entreprise spinalienne d’insertion Reval Prest et le CFA du BTP d’Arches qui s’engage à monter des formations sur-mesure. L’ambition est affichée : intégrer des clauses d’insertion dans les contrats signés avec les entreprises du bâtiment sollicitées. "Dès les premiers rendez-vous avec la fédération, les différents réseaux, les collectivités locales et les services de l’état, on nous a dit que c’était impossible et que cela ne se passait pas comme ça, se souvient Fabrice Barbe. Je leur ai répondu que nous allions le faire quand même, malgré les contraintes et les difficultés. C’était un vrai pari. Et au final, tout le monde nous a suivis."
Pallier le manque de main-d’œuvre
Des affiches sont placardées dans les cages d’escalier et des flyers sont distribués aux locataires pour les informer de la possibilité de se former sur les chantiers de Vosgelis. Plus de 180 répondent à l’appel et 34 se retrouvent engagés à l’automne 2021 (de nombreux candidats ayant été recrutés entre-temps par des entreprises du BTP pressées de trouver de la main-d’œuvre). Parmi eux, une majorité d’habitants de Vosgelis mais pas seulement ,puisque certains locataires d’Épinal Habitat sont également de l’aventure. "Beaucoup d’entre eux sont très éloignés de l’emploi et quasiment sans contact avec Pôle Emploi", confie Fabrice Barbe. Tous sont désormais intégrés dans un programme d’insertion en partenariat avec le CFA du BTP d’Arches. Ce dernier a dû concevoir des formations sur-mesure et surtout in situ pour pallier les problématiques de mobilité rencontrées par la plupart des locataires volontaires. C’est pourquoi le CFA s’est installé dans les locaux de l’Afpa de Golbey. À Gérardmer, un plateau technique est mis à disposition par la mairie et à Saint-Dié, c’est le lycée professionnel de Raon-l’Étape qui les accueille. Ils participent également à des stages en entreprise tout au long de leur formation avant de décrocher un contrat de professionnalisation.
"Un jour, je les ai tous convoqués au siège social de Vosgelis à Épinal, raconte le directeur général. J’ai également invité les entreprises retenues pour les chantiers et je leur ai partagé les deux bonnes nouvelles. D’une part, nous avons décidé de vous attribuer les lots et d’autre part, voici votre main-d’œuvre !" Une initiative qui pourrait donner des idées à d’autres ? "Je viens effectivement de prêcher la bonne parole en préfecture de Meurthe-et-Moselle, répond Fabrice Barbe. Il ne nous reste qu’à leur prouver que c’est possible."
