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Sébastien Duchowicz (Vitrines de Nancy) : « Les commerçants ne pourront pas compenser leurs pertes »
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Sébastien Duchowicz président des Vitrines de Nancy Sébastien Duchowicz (Vitrines de Nancy) : « Les commerçants ne pourront pas compenser leurs pertes »

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Président de l’association des Vitrines de Nancy, qui rassemble les commerçants de la Cité ducale, Sébastien Duchowicz juge « incohérentes » les annonces du gouvernement : sacrifiés sur l’autel de la sécurité sanitaire, les petits commerçant pourront pourtant accueillir dès le 28 novembre plus de clients qu’après le premier confinement. Suffisant pour rattraper les semaines de fermeture ? Sébastien Duchowicz n’y croit pas.

Ouvrir les dimanches de décembre, « c'est la règle », rappelle Sébastien Duchowicz, le président des Vitrines de Nancy — Photo : © Archives - Le Journal des entreprises

La réouverture des commerces « non essentiels », programmée le 28 novembre, vous satisfait-elle ?

Sébastien Duchowicz : Les conditions dans lesquelles les commerces vont rouvrir ne seront pas les plus favorables pour drainer des clients et du chiffre d’affaires. Nous sommes encore en confinement, les clients vont être obligés d’avoir des attestations, sur un temps limité, sur un nombre de kilomètres réduit également. Nous allons nous priver d’un bassin de population et donc de clients sur les 15 premiers jours de décembre.

Comment allez-vous appliquer la règle des 8 m2 par client ?

Sébastien Duchowicz : Lors du premier déconfinement, on nous a imposé 4 m2 par personne, avec un calcul qui se faisait sur la surface globale, en retirant les meubles et les espaces de dégagement. Une personne comptait pour un client. Là, on prend la surface globale, on n’enlève pas les meubles, on divise par huit, ça vous donne le nombre de personnes. Mais si vous arrivez avec toute votre famille, ça compte pour une personne. Donc, la jauge sera plus importante que si on était sur une personne pour 4 m2. En plus, les équipes de vente ne sont pas comprises dans la jauge. C’est incohérent. Dans mon cas, après le premier confinement, je pouvais accueillir 15 personnes, y compris l’équipe de vente. À l’heure actuelle, je peux accueillir 13 clients, sans l’équipe de vente et si un client arrive avec toute sa famille, il compte pour une seule personne. Donc, à la fin, on sera plus nombreux dans la boutique que lors des premières restrictions. Au final, c’est le bon sens qui va l’emporter. Dans mon commerce, j’ai abaissé la jauge à 10 personnes, et il faut respecter les distances d’un mètre entre les personnes.

Le protocole est dévoilé un jeudi pour une ouverture le samedi. Etes-vous prêts ?

Sébastien Duchowicz : Si le gouvernement n’anticipe pas, les commerçants, eux, ont anticipé. Les commerçants préparent leurs boutiques depuis quasiment la fin de la semaine dernière. Nous pensions pouvoir rouvrir dès vendredi. L’impression que ça laisse, c’est que derrière un bureau, un gars a décidé de rouvrir le 28. On sait très bien que l’affluence va être très importante un samedi. Pour la sécurité sanitaire, il aurait mieux valu ouvrir jeudi ou vendredi, prendre un rythme de croisière, affiner le protocole sanitaire et être en place pour lundi. Là, c’est le rush dans la dernière ligne droite vers Noël.

Ce rush attendu dans les magasins permettra-t-il de combler les pertes ?

Sébastien Duchowicz : C’est impossible. Autant sur le premier confinement, on pouvait espérer combler les manques. Là, les mois d’octobre, novembre et décembre, sont des mois où les chiffres d’affaires sont tellement importants, que si vous loupez cette période, vous ne pouvez plus espérer faire du plus. Quel que soit le domaine d’activité, les commerçants ne pourront pas compenser les pertes du mois de novembre.

Quelle sera votre stratégie ?

Sébastien Duchowicz : Nous avons fermé alors qu’on commençait à recevoir la collection automne-hiver. Toute la collection automne-hiver est donc arrivée dans les boutiques, dans le prêt à porter comme dans l’équipement de la maison, tous les produits de saison. Donc les stocks sont blindés, et la priorité, c’est de déstocker un maximum de marchandises pour ne pas avoir un stock qui va nous coûter cher sur une année et qu’on ne pourra pas repasser à taux plein sur l’hiver suivant. Le but, c’est de rouvrir et de faire de la promotion. On ne va plus travailler sur la marge de nos produits mais sur la quantité de produits qu’on va pouvoir vendre, c’est ce qui va être le plus important.

Vos clients vont-ils retrouver le chemin des commerces ?

Sébastien Duchowicz : Je suis confiant là-dessus. On a vu la dynamique qui s’est mise en place après le premier confinement. La problématique, maintenant, c’est que les bars et restaurants sont fermés jusqu’au 20 janvier. La dynamique d’achat plaisir ne va pas pouvoir se mettre en place. Mais je suis sûr que nos clients vont revenir et que la clientèle de centre-ville recherche toujours la proximité dans les boutiques.

Ne craignez-vous pas les effets du « Black Friday » ?

Sébastien Duchowicz : Si les plateformes lancent le Black Friday dès samedi, les commerçants feront pareil dans leur point de vente. Nous ferons de la promotion dès samedi et nous n’attendrons pas forcément le week-end prochain. Le Black Friday, ça n’a rien à voir avec les soldes, où tout est très cadré : quand les grosses plateformes et les grandes enseignes veulent lancer un Black Friday, elles y vont. Donc, pour le petit commerçant, c’est pareil : il pourra s’engouffrer dans la brèche.

L’ouverture élargie, n’est-ce pas une bonne nouvelle pour vos affaires ?

Sébastien Duchowicz : C’est un effet d’annonce ridicule. Chaque ville a la possibilité d’ouvrir, avec l’accord de la préfecture, 12 dimanches par an. En règle générale, si on prend le cas de Nancy, par exemple, nous aurions pu ouvrir depuis le 22 novembre et tous les dimanches jusqu’au 24 décembre. Et après, on rouvrira pour le premier week-end des soldes. Ça, c’est établi, c’est la règle. Donc, quand on nous annonce qu’on pourra ouvrir le dimanche, pour nous, c’est déjà le cas. Ce que nous allons faire le dimanche, ne sera pas faire un "plus" par rapport à ce qu’on a fait l’année dernière, puisqu’on était déjà ouvert à la même période. Sur l’amplitude horaire, trouvez-moi le client lambda qui va venir à 21 heures, en plein mois de décembre, faire des courses alors que les restaurants et les bars sont fermés. Cette année, il n’y aura pas cette dynamique festive qui nous porte habituellement.

Faut-il s’attendre à de nombreuses liquidations dans le commerce ?

Sébastien Duchowicz : La crise sanitaire est arrivée sur une période où c’était déjà compliqué pour les commerçants. Les manifestations des Gilets jaunes, puis celles pour la retraite… le climat était relativement morose, sur un commerce qui se faisait en dent de scie, et qui générait donc des difficultés à se faire de la trésorerie. Le problème d’une entreprise qui ferme, c’est que derrière il n’y a plus de trésorerie. Après le premier confinement, on a limité la casse. À Nancy, par exemple, il n’y a pas eu de fermeture directement due au premier confinement. Il y a eu des fermetures quand la situation était déjà compliquée, ou qui était déjà prévue. En revanche, après le deuxième confinement, il va y avoir de la très grosse casse. Quand on est établi sur la place, qu’il n’y a plus de prêt, que le personnel est en chômage partiel, ça peut aller. Mais quand on est nouveau, qu’il faut payer le prêt et que les charges continuent de tomber… Ce ne sont pas les 10 000 € donnés par le gouvernement qui vont sauver la mise.

Les commerçants ont-ils intérêt à se tourner vers leurs propriétaires pour qu’ils examinent leur loyer ?

Sébastien Duchowicz : La Métropole et la Ville de Nancy ont mis en place une visioconférence avec les gros bailleurs de la ville pour les sensibiliser aux difficultés et essayer de trouver des solutions : des remises, des annulations de loyer, des formules à l’amiable, pour que tout le monde participe à l’effort. Et suite à cela, il y aura une concertation avec la Région, la Métropole et l’État pour qu’il y ait des actions de prises en charge de la part du commerçant qui n’aura pas été exonéré par le bailleur.

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