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Saint-Gobain PAM : colère autour de la subvention accordée par l’État à Electrosteel à Arles
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Saint-Gobain PAM : colère autour de la subvention accordée par l’État à Electrosteel à Arles

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En accordant une subvention de 4 millions d’euros au groupe indien Electrosteel pour s’installer à Arles (Bouches-du-Rhône), le gouvernement s’est attiré les foudres des syndicats d’un autre fabricant de canalisations : Saint-Gobain PAM à Pont-à-Mousson. Une aide publique fraîchement accueillie par la direction et vivement contestée par les élus locaux. Tous dénoncent une "concurrence déloyale".

Concernant les 4 millions d’euros d’aides publiques accordées à son concurrent indien Electrosteel, la direction de Saint-Gobain PAM "s’interroge sur la logique qui a conduit à cette décision" — Photo : Jean-François Michel

"Coup de poignard dans le dos", "trahison", "écœurement" et "concurrence déloyale". Début novembre, les tracts et les communiqués incendiaires à l’encontre du gouvernement se sont multipliés en Lorraine. Quasiment à l’unisson, syndicats, représentants patronaux et élus locaux sont sortis du bois pour prendre la défense du fabricant de canalisations en fonte ductile Saint-Gobain PAM à Pont-à-Mousson (CA : 600 M€ ; effectif : 5 700 dont 2 000 en France). Au cœur de cette indignation partagée : une subvention France Relance versée à un concurrent indien nommé Electrosteel Castings (CA : 700 M€ ; 4 500 salariés). Ce dernier a l’intention de construire d’ici à 2024 une unité de production de canalisations à Arles (Bouches-du-Rhône) et promet d’y créer 250 emplois directs. De quoi susciter la colère des salariés lorrains et l’interrogation de la direction de Saint-Gobain PAM, inquiets de voir arriver sur leur marché un autre fabricant de tuyaux en fonte.

Une subvention de 4 et non 40 millions d’euros

Déjà faut-il s’accorder sur le montant effectivement débloqué par l’exécutif. Plusieurs médias et syndicats évoquaient au début du mois le versement de 40 millions d’euros d’aides publiques. Or, selon Bercy, il s’agit du montant total de l’investissement, France Relance intervenant à hauteur de 10 % soit 4 millions d’euros. Contrairement, là encore, aux 2,9 millions d’euros évoqués par le ministre de l’Économie lui-même le 16 novembre à l’Assemblée nationale.

Concurrence déloyale

À l’annonce de cette subvention, la direction de Saint-Gobain PAM s’est montrée plus que dubitative. "Nous nous interrogeons sur la logique qui a conduit à cette décision", a-t-elle déclaré au Journal des Entreprises le 8 novembre 2021 avant de dénoncer une situation "dissymétrique" entre les deux groupes puisque, selon elle, le marché indien "reste fermé aux acteurs industriels européens fabricants de canalisation", comme Saint-Gobain PAM. "Nous avions déjà alerté les acteurs économiques et publics sur cette question de réciprocité d’accès aux marchés." La direction rappelle également que la société Electrosteel avait été condamnée il y a cinq ans pour dumping. "La Commission européenne avait alors estimé que la concurrence de cet acteur indien se faisait de façon déloyale et avait instauré en 2016 des mesures antidumping à son encontre."

En plus de craindre l’arrivée d’un nouvel acteur sur son marché, Saint-Gobain PAM tient à souligner que ce dernier est surchargé : "L’Europe présente déjà une surcapacité industrielle et ne nécessite pas de nouveau producteur sur son sol. Ainsi, la création d’emplois d’un côté pourrait poser la question des destructions d’emplois de l’autre. Nous comprenons donc l’émoi suscité chez nos partenaires sociaux."

Des préoccupations largement relayées par les syndicats mais aussi par l’UIMM Lorraine qui, dans une lettre ouverte adressée le 9 novembre 2021 aux ministres Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, s’oppose frontalement au projet arlésien. "Ce serait un coup de poignard dans le dos de la Lorraine et des Lorrains, lâche la fédération patronale. Ce serait aussi un contresens économique suicidaire et un reniement de la stratégie industrielle portée par l’État ces derniers mois."

"Cheval de Troie"

Pour appuyer le message, le député de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier a choisi d’interpeller, le 16 novembre 2021 dans l’hémicycle, le ministre de l’Économie en comparant la future usine des Bouches-du-Rhône à un "cheval de Troie". En réponse, Bruno Le Maire s’est dit "très surpris de cette polémique" avant de mettre l’argument de l’emploi sur la table. "Electrosteel hésitait entre la France et d’autres sites européens. Qu’est-ce qu’on préfère ? Qu’il s’installe dans un autre pays ou qu’on continue à importer les canalisations d’Inde ? Nous avons fait le choix de soutenir cette implantation à Arles créant 190 emplois (250 selon Electrosteel, NDLR) sur des canalisations qui ne sont pas les mêmes que celles de Pont-à-Mousson et qui ne leur font pas concurrence."

Selon le cabinet de la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher, la polémique autour de cette subvention accordée à Electrosteel est "en partie infondée" — Photo : Jean-François Michel

Sur ce point, le ministère de l’Industrie se veut plus nuancé : "Il y a effectivement un recoupement partiel des produits, explique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Le four électrique prévu à Arles fabriquera les mêmes types de gammes que ceux que nous finançons à Pont-à-Mousson (2,5 millions d’euros d’aides pour un projet à 10 millions d’euros, NDLR). En revanche, seul le haut-fourneau de Saint-Gobain PAM est capable de fabriquer des tuyaux mesurant jusqu’à deux mètres de diamètre." Toujours selon le ministère, le four électrique arlésien (60 000 à 80 000 tonnes par an) n’aura pas les mêmes capacités de production que son concurrent mussipontain (120 000 tonnes par an). Surtout, le fabricant indien prévoirait de n’en produire que 30 000 tonnes à destination du marché français. Le reste serait exporté hors de l’Union européenne, "des marchés sur lesquels Saint-Gobain PAM n’a pas les mêmes positionnements."

Appel à l’apaisement

D’autant que ces 30 000 tonnes viendraient se substituer aux 20 000 tonnes actuellement importées par Electrosteel en France. "L’incrément ne sera que de 10 000 tonnes, minimise le cabinet. Et ce, sur un marché français qui en pèse 175 000 tonnes." Enfin, le ministère s’étonne de voir les défenseurs de Saint-Gobain PAM brandir l’argument de l’engorgement du marché : "Si on considère qu’il y a surcapacité, il faut se demander pourquoi ce même groupe développe en même temps un nouveau four de 120 000 tonnes, avant même qu’on ait pris la moindre décision pour Electrosteel." Assurant se tenir à la disposition de la direction lorraine pour "accompagner tous les projets visant à assurer le développement du site", le cabinet appelle toutes les parties prenantes "à l’apaisement" : "Même si nous comprenons l’affect qu’il peut y avoir autour de ce site historique de l’activité sidérurgique, notre conviction est qu’il y a de la place en France pour ces deux acteurs et pour créer de l’emploi dans cette filière."

De son côté, la direction d’Electrosteel atteste ne pas vouloir "alimenter la polémique" mais rappelle dans un communiqué publié ce 19 novembre que le projet d’Arles "répond à des besoins en renouvellement d’infrastructures hydrauliques en France, en Europe et en Afrique qui dépassent les capacités actuelles de la production françaises."

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