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Saint-Gobain PAM : 140 millions d'euros d'investissement qui éclairent l'avenir
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Saint-Gobain PAM : 140 millions d'euros d'investissement qui éclairent l'avenir

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Bousculé à l'international, Saint-Gobain PAM commence à retrouver des couleurs sur les marchés européens. Le fabricant de fonte prévoit de retrouver le chemin de la rentabilité dès l'année prochaine, porté par un plan d'investissement massif de 140 millions d'euros. La prochaine étape : trouver le bon « partenaire » pour reprendre position à l'international.

La fabrication des tuyaux de 150 à 300 mm de diamètre a été arrêtée à Brebach, en Allemagne : toujours en cours de rapatriement à Pont-à-Mousson, cette charge supplémentaire devrait permettre de saturer les hauts-fourneaux. — Photo : © Jean-François Michel

Un actionnaire minoritaire ? Un nouveau propriétaire ? Tenu par des accords de confidentialité mais soucieux de montrer que le dossier avance, le directeur général de Saint-Gobain PAM, Ludovic Weber, choisit avec soin ses mots : « Concernant la recherche d’un partenaire, je peux vous dire que le processus est toujours en cours ». Lancé en février dernier, ce processus vise à trouver un partenaire industriel ou financier pour le fabricant français de canalisations en fonte ductile pour l’eau et l’assainissement. Celui-ci revendique une part de marché de 50% en Europe mais a dévissé ces dernières années à l’international, pour passer sous la barre des 10% de part de marché au niveau mondial. En avril 2019, la CFE-CGC avait évoqué l’ouverture du capital de Saint-Gobain PAM au chinois XinXing, déclenchant une tempête médiatique autour de la pérennité des derniers hauts-fourneaux lorrains encore en activité.

« Notre objectif, c’est de construire un projet pour pérenniser les emplois et d’aller plus loin dans le projet industriel », souligne Ludovic Weber. « Il y a de l’exigence, et ce n’est pas anormal de ne pas avoir encore abouti. Nous discutons avec plusieurs partenaires, européens et internationaux. A priori, cette alliance devrait aboutir en 2020 ». Quel sera le profil de ce partenaire ? Quel sera précisément son rôle ? Le dirigeant de Saint-Gobain PAM n’en dira pas plus, mais le message est clair : Saint-Gobain PAM n’est pas un site moribond, qui recherche désespérément un repreneur. Avec 12 sites dans le monde, 5 700 salariés dont 2 000 dans le Grand Est, répartis sur cinq sites industriels en Meurthe-et-Moselle et en Haute-Marne, le fabricant de fonte ductile pèse aujourd’hui 1,2 milliard de chiffre d’affaires, dont 800 millions sont réalisés sur la zone EMEA, pour « Europe Middle East & Africa ». L’entité française, après avoir touchée un point bas à 580 millions d’euros de chiffre d’affaires, voit aujourd’hui l’activité se redresser pour atteindre « plus de 600 millions d’euros », détaille Ludovic Weber. « En 2019, nos pertes seront comprises entre 1 et 2%, mais dès l’année prochaine, nous reviendrons dans le positif ».

Un marché des canalisations plus fluide

Un optimisme justifié à la fois par le « Plan d’avenir » lancé en 2017 et par le retour à un certain dynamisme sur les marchés de l’eau, pourtant divisés par deux en dix ans. En France, suite aux Assises de l’eau, « le gouvernement a préconisé de faire passer le taux de renouvellement des canalisations du réseau français de 0,6% à 1,2% », précise Christian Bouigeon, directeur général adjoint de Saint-Gobain PAM. Concrètement, en gardant le rythme de 0,6%, il faudrait plus de 160 ans pour remettre à neuf l’ensemble du réseau d’eau potable français. Aujourd’hui, le million de kilomètres de canalisation du réseau français laisse filer dans la nature 25% de l’eau qui y est injectée. A l’heure où l’opinion publique comme les décideurs politiques ont pris conscience de la raréfaction des ressources naturelles, le gouvernement a mis en place un ensemble d’outils financiers devant permettre aux collectivités de lancer des travaux sur les réseaux vieillissants : « Si le taux de renouvellement atteint effectivement les 1,2%, nous allons être très occupés », se félicite Christian Bouigeon.

Une bonne nouvelle sur le marché domestique de Saint-Gobain PAM, à laquelle devra se conjuguer d’autres signaux positifs à l’export. « Il faut savoir qu’il nous est très compliqué d’entrer sur des marchés comme les Etats-Unis ou l’Inde », souligne Ludovic Weber. « Aujourd’hui, l’Europe commence à se défendre en demandant plus de réciprocité dans l'accès aux marchés. Ce qui permet de revenir tout simplement à une compétition d’égal à égal. » En veillant à ce que les entreprises européennes puissent accéder aux marchés où est établie la concurrence, le législateur européen envoie un signal très positif à des groupes comme Saint-Gobain PAM. « Nous ne serons jamais les moins chers, il faut être clair. C’est lié à notre environnement, le droit protège et c’est très bien ainsi », affirme Christian Bouigeon. « Sur les marchés italiens, par exemple, on observe que les élus se sont emparés de cette question et font passer des clauses qui rétablissent une compétition juste avec nos concurrents internationaux. »

Souhaité depuis 2017 par le grand patron du groupe Saint-Gobain, propriétaire de Saint-Gobain PAM, Pierre-André de Chalendar, le retour à la compétitivité commence aujourd’hui à se matérialiser. Le premier volet, qui n’a pas déclenché de mouvement dans les rangs des salariés de Saint-Gobain PAM, a consisté en un plan de départ volontaire de 400 salariés, facilité par une pyramide des âges favorable. Autres décisions, l’arrêt définitif de la cokerie de Dieulouard, cette unité d’agglomération de minerai de fer qui alimentait le haut-fourneau du site de Pont-à-Mousson, ainsi que le rapatriement de la production de tuyaux réalisée jusqu’ici à Brebach, en Allemagne, synonyme de suppression de 170 postes outre-Rhin, mais de 80 embauches en France. « Nous avons commencé par soigner la structure de nos coûts fixes, maintenant, on va pouvoir s’attaquer au variable », précise Ludovic Weber.

Dans l'usine de Pont-à-Mousson, le plan d'investissement de 140 M€ se traduit déjà concrètement. Pour un montant de 20 millions d’euros, le groupe a monté une ligne de production entièrement automatisée, destinée à finaliser les revêtements extérieurs et intérieur des tuyaux en fonte ductile d’un diamètre compris entre 150 et 300 mm de diamètre, soit parmi les plus petites tailles proposées au catalogue. « L’ensemble de la ligne sera totalement opérationnel fin 2020 », précise Christophe Regnault, directeur industriel des activités de Saint-Gobain PAM dans le monde. « Grâce à la robotisation, nous avons pu faire des gains de productivité sur la fabrication du ciment qui enduit l’intérieur des tuyaux » : -30% en matière, et jusqu’à -90% sur la consommation d'eau.

Les embauches reprennent

Autre investissement, pour un montant de 5 millions d’euros, une unité de conditionnement des tuyaux de moyen diamètre, soit de 350 à 1 000 mm. Démarré en septembre, cet atelier de 750 m² abrite un robot qui empile tout seul des tuyaux, avec une précision chirurgicale : « Auparavant, il fallait mobiliser des caristes, ainsi que du personnel qui glissait des gros bois sous les tuyaux pour les empêcher de bouger pendant le transport », précise Christophe Regnault. Un peu plus loin dans l’usine, c’est un robot à 3 millions d’euros qui fabrique les moules perdus en sable destinés au moulage de l’extrémité des tuyaux. « Il est opérationnel depuis 1 ans, et chargé depuis 3 voire 4 mois », précise le directeur industriel des activités de Saint-Gobain PAM.

Pour 1 million d’euros, le groupe a aussi rénové totalement la salle de contrôle des hauts-fourneaux, où arrivent sur des écrans les 1 000 paramètres à surveiller pour produire la fonte. Au final, l’usine Saint-Gobain PAM affiche un nouveau visage : « Sur le plan d’investissement de 140 millions d’euros, il nous en reste encore 30 à réaliser », précise Christophe Regnault. « Nous avons donc réalisé les trois quarts des investissements, et la moitié d’entre-eux sont aujourd’hui totalement opérationnel ». Un bouleversement des process qui se traduit aussi dans l’évolution des profils recherchés : « Nous avons recruté 80 personnes en 2018 et nous allons en recruter 130 pour 2019 », précise Sébastien Rivage, le directeur des ressources humaines de Saint-Gobain PAM. « Et l’attractivité du site est un vrai sujet, puisque nous avons du mal à attirer des électromécaniciens ou des automaticiens : certains personnels prêts à être recruté ont préféré s’en aller », déplore le directeur général adjoint. Misant sur l’apprentissage, avec 6% d’alternants dans l’effectif, l'industriel veut aussi changer d’image en communiquant sur le retour d’une activité porteuse.

« Maintenant, nos résultats s’améliorent vite », se félicite Ludovic Weber. « Pour le prochain exercice, nous avons budgété d’être positif sur l’Europe et la France. » Reste que l’entreprise pourrait aussi se trouver dans le viseur du législateur sur la question des émissions de CO2 : pour le directeur général de Saint-Gobain PAM, qui plaide la difficulté à se projeter à 20 ans dans un cadre réglementaire mouvant, « il n’est pas possible que l’Europe pénalise notre production ». Un chantier pour le futur partenaire ?

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