Qui veut la peau de la méthanisation ?
# Production et distribution d'énergie # Politique économique

Qui veut la peau de la méthanisation ?

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Le projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie, présenté par le gouvernement le 25 janvier dernier, pourrait stopper l'élan d'une filière émergente, la méthanisation : dans le Grand Est, pas moins de 118 projets ont été lancés, pour produire l'équivalent de la consommation de 230 000 logements.

L'unité de méthanisation de la Fère-Champenoise, dans la Marne, va transformer des effluents agricoles en 13 millions de KwH de biométhane, soit la consommation de 1 100 logements — Photo : © GRTgaz

« On ne comprend pas ce qui se passe. Il s’agit d’une énergie économe en CO2, non-délocalisable. Mais le gain de performance demandé correspond à une baisse des coûts de 30 % en 5 ans. C’est irréalisable… » C’est un délégué Nord-Est de GRTgaz, Thierry Daniel, très décontenancé, qui a commenté les chiffres de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, le PPE, présenté par le gouvernement le 25 janvier dernier.

Concrètement, le PPE baisse l’objectif de production de biogaz à horizon 2028 de 10 à 6 % de la consommation totale de gaz en France. Le prix du rachat du biométhane passerait dans le même temps de 95 € à 60 € par MWh. Autre obstacle imaginé par le gouvernement : le recours aux appels d’offres pour déclencher les projets.

118 projets de biométhane dans le Grand Est

« Le Grand Est est la première région de France sur la dynamique des projets », souligne Thierry Daniel. Avec les 118 projets déjà lancés, à comparer aux 13 sites actuellement opérationnels, la région pourrait produire 2 731 GWh, soit l’équivalent de la consommation de 230 000 logements. Si on considère l’ensemble du territoire, 661 projets sont lancés, pour une capacité de 14 000 GWh, soit la consommation de 1,2 million de logements. « En 2018, les capacités d’injection de biométhane dans le réseau ont déjà doublé dans le Grand Est, pour atteindre 174 GWh, soit la consommation de 15 000 logements », précise le délégué Nord-Est de GRTgaz. La région n'est pas à la seule à s'indigner du projet gouvernemental : le PPE suscite également l'incompréhension de la filière dans les Hauts-de-France.

Les projets mis en danger par le PPE sont plutôt les unités de méthanisation situées en milieu rural, à l’image de celui de la Fère-Champenoise, dans la Marne. C’est en plein milieu des champs que trois dômes ont été bâtis pour accueillir des effluents agricoles et les transformer en 13 millions de KwH de biométhane, soit la consommation de 1 100 logements. Selon les porteurs du projet, un « atout de poids réside dans l’utilisation du digestat, le résidu du processus, pour amender les sols et alimenter les plants, à la place des produits chimiques et autre engrais de synthèse ».

« La principale contrainte est budgétaire »

Production de gaz, économie circulaire, CO2 en diminution : le tableau semble idéal. Qu’est-ce qui a pu amener le gouvernement à tempérer les ambitions d’une filière émergente ? Si certains évoquent des lobbys liés à l’énergie, bien mieux organisés que ceux du gaz, d’autres pointent du doigt les nuisances liées au processus. À proximité des installations, les riverains parlent d’odeur, source de gêne, mais aussi symptôme d’un problème : les fuites. Si personne n’est aujourd’hui capable de dire quelle est l’ampleur exacte du phénomène, évalué à 0 % pour les plus optimistes et 10 % pour les plus inquiets, les scientifiques savent que le méthane a un potentiel de réchauffement du climat 25 fois supérieur à celui du CO2. Le process de méthanisation génère aussi d'autres gaz, comme le sulfure d'hydrogène ou l'ammoniac, loin d'être sans danger.

C'est au mois de juin que la version définitive du PPE sera adoptée. « Il me semble que la principale contrainte est budgétaire », estime Thierry Daniel. En effet même avec une trajectoire vers les 6 % en 2028 à un tarif de rachat qui tendrait vers les 60 € du MWh, le coût lié au soutien de la filière sur la période est estimé à près de 8 milliards d'euros.

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