Meurthe-et-Moselle
Prêt à Partir : « Ce sont les assureurs qui vont créer le marché pour le véhicule autonome »
Interview Meurthe-et-Moselle # Transport

François Piot propriétaire du groupe Prêt à Partir Prêt à Partir : « Ce sont les assureurs qui vont créer le marché pour le véhicule autonome »

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L’entreprise familiale Prêt à Partir, dirigée à Gondreville (Meurthe-et-Moselle) par François Piot, vient de racheter l’intégralité du capital de deux filiales de la RATP Dev, opérant dans le transport interurbain de voyageurs. Une étape majeure pour le spécialiste du transport et des voyages, qui affiche désormais un chiffre d’affaires de 100 M€.

François Piot, PDG de Prêt à Partir, voudrait réaliser un test avec des véhicules autonomes dans son entreprise — Photo : © Jean-François Michel

Le Journal des Entreprises : Vous n’aviez pas réalisé d’opération de croissance externe depuis 15 ans. Pourquoi avoir saisi l’opportunité de racheter ces deux filiales de la RATP Dev ?

François Piot : La dernière opération de croissance externe significative dans le transport remonte en effet à 2002, avec l'acquisition d'une entreprise qui travaille dans l'Yonne et dans l'Aube. Ensuite, il y a eu quelques petites affaires, en particulier la reprise d'Autobus Langrois, au tribunal de commerce, il y a quatre ans. C'est vrai que cette opération avec RATP Dev, est pour nous unique en termes de taille : 175 véhicules et 12 M€ de chiffre d’affaires. Avec cette acquisition, nous ferons 43 M€ dans le transport de voyageurs. On a vraiment franchi une marche. L'an dernier, on a clôturé à 28 M€. Une opération de cette taille, on n'en a jamais fait. En revanche, depuis 2010, notre croissance s'est faite essentiellement par croissance organique, par gain de marchés. On est passé de 280 à 600 véhicules en l'espace de 8 ans.

Vous complétez ainsi votre couverture géographique ?

F. P. : Ca nous donne surtout une implantation nouvelle dans l'Allier, ce qui est intéressant car c’est une porte d'entrée sur la région Auvergne-Rhône-Alpes. Dans notre métier, on a eu un événement important, il y a un an, avec l'application de la loi NOTRe (loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ndlr) : nos clients se sont violemment concentrés. Auparavant, les collectivités locales compétentes pour l'organisation du transport public, nos clients, c'étaient les départements. C'est devenu les Régions et les Régions elles-même ont fusionné. Aujourd'hui, nous n'avons plus que deux clients : la région Grand Est et la région Bourgogne-Franche-Comté, qui représentent 90 % de l'activité.

« Depuis un an, nos clients se sont violemment concentrés. Aujourd'hui, nous n'en avons plus que deux, qui représentent 90 % de notre activité. »

Comment se positionne votre groupe par rapport à la concurrence ?

F. P. : On a une position de PME intermédiaire, coincée entre des groupes qui font plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires : Kéolis, Transdev, RATP Dev. Et de l'autre côté de la lorgnette, on a des PME voire des TPE, des boîtes qui ont 5 ou 10 cars et qui répondent aussi aux marchés publics avec de plus en plus de difficultés. Sur la région Grand Est, il y a 80 entreprises de transport. C’est beaucoup moins que par le passé et c'est beaucoup plus que dans l'avenir. Je pense que d'ici 5 ans il n’y aura plus qu'une petite vingtaine d’entreprises.

La concentration dans le secteur va s’accélérer ?

F. P. : Des PME vont disparaître comme prestataire de la région Grand Est. Elles pourront toujours exister pour faire du tourisme ou d'autres activités, mais je pense qu'elles ne seront plus en mesure de répondre. Il y a des contraintes réglementaires, technologiques, des contraintes d'accessibilité, de renouvellement de parc.

Vous vivez les normes, notamment sur les motorisations, comme une contrainte ?

F. P. : La question est de savoir ce qu'on fait des véhicules Euro 3, Euro 4 et Euro 5, qui sont toujours en circulation. Si personne n'en veut, il faudra bien les mettre à la poubelle. Aujourd'hui, notre parc est à 75 % composé d'Euro 5 et Euro 6. Un car a une durée de vie de 5 ans comptablement et économiquement. Tous les ans il y a des achats, mais les années se suivent et ne se ressemblent pas. Le bon car, c'est celui qu’on n’a pas besoin d'acheter. Cette année a été particulière, car nous avons gagné beaucoup de marchés. Dans les 12 derniers mois, j'ai acheté 120 véhicules, pour un montant de près de 20 M€.

« Techniquement, tout est prêt pour l'arrivée de l'autocar autonome »

Quel est le prochain défi auquel votre métier devra faire face ?

F. P. : La transition dont personne ne parle et qu'on va prendre de plein fouet, c'est le véhicule autonome. On a dans nos métiers, comme dans la marchandise, des difficultés de recrutement colossales. Nos conducteurs sont à temps partiel, très mal payés, car payés en fonction du nombre d'heures qu'ils font. Ces gens-là, dès qu'ils peuvent trouver un autre métier ailleurs, ils n'hésitent pas. Le véhicule autonome va arriver, c'est le sens de l'histoire. Les véhicules légers, ça fait 7 ans qu'ils roulent à San Francisco. La France vient de réglementer les VL pour 2020, c'est dans un an et demi. Techniquement, pour l'autocar, tout est prêt.

Les accidents impliquant des véhicules autonomes, très médiatisés, pourraient remettre en cause tout cela ?

F. P. : Des accidents, il y en aura toujours. Le nombre d'accidents en autocar par an, en France, c'est de l'ordre de la dizaine. C'est dramatique, mais par rapport à la voiture, ce n'est rien. Ce sont essentiellement des piétons qui passent sous les roues du car, des gens qui traversent avec le casque sur les oreilles. Est-ce qu'il faut avoir un accident de temps en temps avec le véhicule autonome ou tolérer d'en avoir 20 à 30 fois plus avec des véhicules conduits par des humains ? Ce que je pense, c'est que d'ici quelques années, ce sont les assureurs qui vont créer le marché pour le véhicule autonome. Vous pourrez garder votre véhicule traditionnel mais votre prime d'assurance au lieu d'être de 100, elle sera de 1000.

Vous seriez prêt à lancer un test dans votre entreprise ?

F. P. : Aujourd'hui, je dis oui pour un test. Et dans l'urbain vous avez des initiatives qui sont prises un peu partout. En ce moment à Verdun, chez Transdev, il y a un véhicule autonome. Pour l'instant, les parcours sont bien ciblés, le véhicule est en site propre, donc il ne peut pas entrer en collision, sauf avec des piétons. La ligne 14 du métro parisien est autonome, le métro de Lille est autonome et il n'y plus de pilote dans les avions. Donc oui, il faut y aller.

« Qu'est-ce que je ferai de mes conducteurs, quand on n'aura plus que des véhicules autonomes sur les routes ? »

Mais il faut tout de même se pencher sur l'acceptation par le passager du véhicule autonome. Et puis il y a le volet social. Qu'est-ce que je ferai de mes conducteurs, quand on n'aura plus que des véhicules autonomes ? Certains groupes concurrents estiment que le conducteur va devenir un accompagnateur... Mais c'est du rêve. Le véhicule autonome va se démocratiser, mais si demain c'est pour laisser le conducteur dans le véhicule et avoir les mêmes coûts, ça ne sert à rien.

Vous avez 42 start-up en portefeuille dans votre groupe : est-ce la marque de votre appétence pour la technologie ?

F. P. : Aujourd'hui, c'est un vrai métier chez nous. Globalement, on est quasiment à 3 millions d'euros investis dans une quarantaine de startups. Avec l'immobilier, on est à 7 M€. On a ouvert à Paris en 2016, la deuxième pépinière de Paris ouvre cette année, au mois d'août. Pour moi, ce métier, c'est un ballon d'oxygène et une source d'inspiration permanente. On essaie maintenant de passer à la vitesse supérieure en créant des ponts entre mes structures traditionnelles, voyage et transport, et les start-up. C’est par exemple une start-up qui a développé toute la partie billettique et information voyageur qui équipe nos véhicules.

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