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Pourquoi BMGS étouffe sous les masques chinois
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Pourquoi BMGS étouffe sous les masques chinois

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Fabricant de masques jetables installé en périphérie de Nancy, BMGS se heurte aux commandes massives passées en Chine, qui ont créé des sur-stocks partout en France. Les deux dirigeants, Nicolas Matusiak et Maxime Bracard, envisagent de se tourner vers l’international pour pérenniser l’outil industriel créé.

Les machines de BMGS peuvent fabriquer 4 millions de masques par mois. De quoi répondre aux besoins d'une agglomération de la taille de Nancy.
— Photo : © Jean-François Michel

Un mois après le lancement de la production d’un masque « Made in France » en périphérie de Nancy, les dirigeants de la société BMGS, Nicolas Matusiak et Maxime Bracard, dressent un constat amer : « Nos commandes sont passées de 300 000 masques par semaine à 0 ». Déterminés à conserver l’outil industriel de BMGS sur le territoire nancéien, les deux entrepreneurs comptent sur les commandes des entreprises et des collectivités pour tenir : « Si rien ne bouge, dans un mois, nous n’avons plus de cash », résume Maxime Bracard, qui a déjà été contraint de se séparer de six de ses douze salariés.

Si la CCI Grand Nancy Métropole vient de s’engager sur 100 000 masques supplémentaires sur deux mois, sachant que la société atteint l’équilibre à 300 000 masques par mois, les pistes les plus solides pour relancer l’activité de BMGS viennent de l’international : des contacts en Belgique, au Brésil et en Guinée Équatoriale pourraient déboucher sur des volumes très importants. « Quelque part, ça me fait mal au ventre », lâche Nicolas Matusiak. « On réussit à produire des masques en France et il faudrait aller les vendre à l’international… »

Deux machines rapatriées depuis la Chine

En septembre 2019, quand Nicolas Matusiak et Maxime Bracard lancent BMGS, une société de mise à disposition de matériel médical sous le nom de France Cardio, ils ne pouvaient pas s’attendre à se retrouver comme l’ensemble de l’économie mondiale face à l’épidémie de Covid-19 : à l’arrêt. « Mais plutôt que de rester à la maison à caresser le chat, on s’est dit qu’on allait essayer d’être utile », lance Nicolas Matusiak. Les deux associés ouvrent leurs carnets d’adresses pour constater qu’ils sont capables de rassembler la matière première, venant de Turquie et d’Espagne, nécessaire à la fabrication de ce qui apparaît lors du confinement comme une denrée rare : des masques.

BMGS pivote pour devenir un fabricant de masques jetables trois plis : les deux entrepreneurs lèvent 500 000 €, entraînent dans l’aventure le dirigeant lorrain, François Piot, qui entre au capital de façon minoritaire, et réussissent le tour de force de rapatrier de Chine via le Luxembourg, en plein confinement, deux machines nécessaires à la fabrication de masques : une opération à 160 000 €. Un coup de pouce de la CCI pour trouver un local, sur l’aéropôle du Grand Nancy, 30 jours pour remonter les machines et les régler, recruter une équipe de 12 personnes et la production est lancée fin mai.

Face aux stocks de masques chinois

BMGS se met en capacité de produire jusqu’à 2 millions de masques par mois, pour un tarif compétitif : « 0,25 centime l’unité », précise Nicolas Matusiak. Un tarif à comparer au 0,24 centime demandé pour un masque chinois, produit dont la qualité et les certifications sont parfois douteuses, quand les masques de BMGS ont été validés par la DGA. La CCI Grand Nancy Métropole, qui se fournissait jusqu’ici en Chine, passe commande pour alimenter son opération « Résilience Eco 54 », qui vise à fournir des masques et du gel aux professionnels du département.

Mais le déconfinement a enrayé la belle mécanique : « Nous n’avons plus de demandes pour des masques », lâche François Pélissier, le président de la CCI Grand Nancy Métropole, qui se retrouve aujourd’hui avec 200 000 € de masques en stocks sans pouvoir les écouler. Partout ailleurs, le constat est identique : il y a trop de masques. « La grande distribution est très intéressée par du masque fabriqué en France, mais ils veulent passer commande dans six mois, une fois qu’ils auront écoulé leurs stocks achetés en Chine », détaille Maxime Bracard.

Du côté des hôpitaux ou des Ephad, les commandes massives passées par le gouvernement, qui a communiqué sur des chiffres allant de 3 à 4 milliards de masques, ont créé des sur-stocks, bloquant l’entrée du masque produit par BMGS. « À court terme, nous n’avons plus le temps de rentrer dans les systèmes d’appels d’offres », estime Nicolas Mastusiak, affirmant que la solidarité des entreprises locales et des collectivités devrait permettre de passer quelques mois difficiles, avant d’enregistrer des commandes plus importantes.

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