Pour tenir la route, la filière automobile de la Grande Région veut jouer la carte du transfrontalier
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Pour tenir la route, la filière automobile de la Grande Région veut jouer la carte du transfrontalier

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Quelques jours après le vote des députés européens approuvant la fin à la vente de véhicules thermiques neufs après 2035, l’ensemble de la filière automobile, à l’échelle de la Grande Région, se retrouvait à Metz, pour le forum Tomorrow in Motion.

Le site Stellantis de Trémery, en Moselle, assemble les premiers groupes motopropulseurs électriques. Un moteur qui s’inscrit dans la stratégie d’électrification des modèles de véhicules du groupe — Photo : Stellantis

Pour Marc Bauden, vice-président du groupe automobile Stellantis et directeur du pôle industriel de Trémery-Metz, l’annonce "reste un choc". Le 8 juin 2022, le Parlement européen a validé le texte sur la révision des normes de performance des voitures et camionnettes neuves proposé par la Commission européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'UE. S'il est approuvé en juillet par les États membres, il pourrait acter dès 2035 la fin de la commercialisation des véhicules thermiques (essence, diesel et hybrides) neufs sur le sol européen. "Désormais, nous avons un horizon clair", pose Marc Bauden.

Un sujet sur lequel les acteurs de la filière automobile de la "Grande Région" (espace de coopération regroupant des territoires partenaires allemands, belges, français et le Luxembourg) ont pu échanger lors du premier forum Tomorrow in Motion, organisé à Metz les 14 et 15 juin. Deux jours, quatre conférences plénières et huit tables rondes organisés par le Pôle véhicule du futur et la CCI Grand Est, en forme de point d’orgue au projet de Pôle automobile européen lancé en 2018 pour un budget de 2,6 millions d’euros, dont 1,1 million d’euros apporté par le Fonds européen de développement régional.

Des investissements sur les batteries concentrés en Allemagne

"Pendant ces quatre années, les entreprises ont appris à se connaître, puis à travailler ensemble, malgré la barrière de la langue", détaille Vincent Carel, responsable pour la Lorraine du Pôle véhicule du futur et cheville ouvrière du Pôle automobile européen. Un projet qui résonne comme une belle opportunité pour les industriels : à l’échelle de la Grande Région, la filière automobile compte 2 000 entreprises, 450 000 emplois et produit 2 millions de véhicules chaque année. Dans cet ensemble aux contours mal connus, si les constructeurs et les sous-traitants du Grand Est ne sont pas restés les bras croisés face à la fin programmée du moteur thermique, les industriels allemands ont déjà embrayé sur le véhicule électrique, en bénéficiant à plein du rayonnement et du savoir-faire de leur filière automobile.

Le constructeur allemand Mercedes Benz vient notamment d'entrer au capital de la coentreprise ACC (Automotive Cells Company), à parts égales avec les groupes français Stellantis et Total (via sa filiale Saft). ACC va investir un total de 7 milliards d’euros dans trois usines de batteries dans le Nord de la France, en Italie et en Allemagne. Un composant stratégique sur lequel un autre acteur, le chinois Svolt Energy Technology, va investir 2 milliards d’euros en Allemagne. C’est à Überherrn et Heusweiler, à quelques kilomètres de la frontière avec la Moselle, que le fabricant chinois va poser ses deux premières usines. "Nous avons déjà prévu les usines 3, 4 et 5", dévoilait Andreas Weiglein, le vice-président allemand de Svolt Energy Technology.

Inquiétudes des sous-traitants

Dans le Grand Est, pas d’usine de batteries mais un constructeur automobile, Stellantis, qui négocie un "virage puissant vers l’électrique", comme l’avait indiqué le patron du groupe, Carlos Tavares, lors de sa visite sur le site de Trémery-Metz en décembre 2021. "100 % de notre offre sera électrifiée dès 2030", a rappelé Marc Bauden lors du forum Tomorrow in Motion. Début 2022, Emotors, la coentreprise formée par le japonais Nidec et Stellantis, a mis en production une deuxième ligne à Trémery, pour un investissement global de 220 millions d’euros.

Des chiffres qui donnent la mesure de la transformation lancée par l’industrie automobile pour s’adapter aux nouvelles règles du jeu. Pour Marc Friedrich, le président de la Fonderie Lorraine (CA 2019 : 70 M€ ; 380 salariés), basée à Grosbliederstroff en Moselle, certaines entreprises "ne survivront pas. Il y aura de la casse", affirme le dirigeant de la coentreprise des groupes allemands Voit Automotive GmbH et ZF Friedrichshafen AG, fabricant de composants internes pour boîtes de vitesses, ponts arrières et carters de moteurs. "Nous réalisons déjà 25 % de notre chiffre d’affaires pour des pièces liées au moteur électrique", détaille le dirigeant lorrain, coincé entre des "marges toutes petites", le coût de l’aluminium qui explose et des volumes qui se réduisent, conséquence de la volonté des constructeurs de réinternaliser la fabrication de certaines pièces.

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