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Porté par la demande, Cristal Laser s’apprête à changer de dimension
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Porté par la demande, Cristal Laser s’apprête à changer de dimension

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Le seul producteur européen de cristaux optiques pour l’industrie du laser, Cristal Laser, installé à Messein, va lancer un plan de développement à 10 millions d’euros pour suivre la croissance de l’activité : programmes de R & D, nouveaux équipements et extension des locaux, la PME lorraine veut anticiper l’avenir.

Le dirigeant de Cristal Laser, Dominique Lupinski, dépense chaque année plus d’un million d’euros dans des programmes de R & D — Photo : Jean-François Michel

Depuis la crise du Covid-19, le niveau d’activité de Cristal Laser a bondi de 3 millions d’euros à plus de 5,2 millions d’euros sur le dernier exercice. Dominique Lupinski, le PDG de la PME lorraine installée à Messein, à quelques kilomètres de Nancy, aujourd’hui seul producteur européen de cristaux optiques de synthèse pour l’industrie du laser, utilisés sur les marchés de la Défense, du médical, de l’industrie des semi-conducteurs ou encore du spatial, veut pourtant rester prudent et ne pas céder à l’euphorie, malgré la perspective d’atteindre plus de 6 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le prochain exercice.

"La tendance est très bonne", confirme le dirigeant, qui entame 2023 avec un carnet de commandes de plus de 3 millions d’euros et se paie même le luxe de refuser des clients : "Il y a quelques années en arrière, nous avons vu partir des prospects vers la Chine ou les États-Unis. Aujourd’hui, nous servons en priorité les clients fidèles".

Vaste plan de développement

Portés par une demande sans précédent, les deux fondateurs de Cristal Laser, Dominique Lupinski et Philippe Villeval, toujours propriétaires de 100 % du capital de la PME, s’apprêtent à engager l’entreprise dans un vaste plan de développement. "Depuis le lancement de l’entreprise, en 1990, nous avons investi un total de 13 millions d’euros dans les équipements", précise Dominique Lupinski. "Si nous additionnons tous les programmes actuels de R & D, les nouveaux équipements à venir et l’extension du bâtiment, cela représente un investissement total de plus de 10 millions d’euros sur les trois prochaines années."

Actuellement, les 28 salariés de la PME travaillent dans un bâtiment de 2 500 m², abritant un total de 80 fours permettant de porter des composés chimiques à des températures avoisinant les 1 000°C pour synthétiser des cristaux. "Il nous faut deux salles en plus, dans une extension de 800 m², qui abriteront 20 fours supplémentaires", détaille Philippe Villeval, qui occupe le poste de responsable de la croissance cristalline de Cristal Laser. Plus de fours, pour produire plus : la croissance cristalline, qui se fait dans les fours, nécessite de 10 à 12 semaines. Ensuite, à partir d’un gros bloc de cristal, l’équipe façonne les petites pièces permettant d’obtenir la longueur d’onde voulue : verte dans le domaine médical ou industriel mais aussi rouge pour les usages militaires.

"Nous allons rapatrier le traitement de surface de nos cristaux"

Les salariés de Cristal Laser suivent l’ensemble des étapes nécessaires à la réalisation des cristaux demandés par les clients — Photo : Préfecture SICOM

"Le talon d’Achille de l’entreprise, c’est le traitement de surface de nos cristaux", dévoile Dominique Lupinski. Un traitement réalisé aux États-Unis, qui prolonge les délais de 6 semaines à deux mois pour livrer les clients. "Les relations avec les États-Unis sont compliquées, car ils récupèrent toutes nos données avant de travailler : nature de la commande, clients…", se désole le PDG de Cristal Laser. Les relations n’étant pas forcément plus simples avec les gros faiseurs européens, Dominique Lupinski a décidé de "rapatrier le traitement de surface" de ses cristaux à Messein : les premières discussions, sur la faisabilité du projet, seront d’abord menées avec la Direction générale de l’armement. "Ce projet implique une nouvelle extension du bâtiment à 3 millions d’euros, une salle blanche à 300 000 €, puis entre 2 et 3 millions d’euros de matériel", additionne Dominique Lupinski.

Pas de fonds au capital

Pièce stratégique dans la souveraineté technologique française et européenne, Cristal Laser, qui exporte 80 % de sa production dans 40 pays, devrait trouver une écoute attentive au plus haut niveau de l’État. En déplacement début janvier dans les locaux de Cristal Laser, Sylvie Retailleau, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi que Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, ont pu se rendre compte par eux-mêmes des enjeux liés au savoir-faire de l’équipe de Cristal Laser. Fidèle à sa stratégie et jaloux de l’indépendance de son entreprise, Dominique Lupinski refuse de faire entrer un fonds, privé ou public, au capital pour trouver de l’argent frais et financer rapidement son plan de développement.

Les deux fondateurs de Cristal Laser, Dominique Lupinski et Philippe Villeval, sont particulièrement attentifs à l’indépendance de leur PME — Photo : Jean-François Michel

"Jusqu’à présent, nous avons toujours réinjecté les bénéfices dans l’entreprise pour financer les investissements. Car au bout de cinq ans, quand les investisseurs sortent du capital, il y a un gros risque pour l’indépendance de l’entreprise", affirme Dominique Lupinski, qui rappelle que "la patience" est une des vertus clés pour piloter une entreprise comme Cristal Laser. "Globalement, le développement d’un nouveau cristal, c’est 15 ans. Nous avons des cristaux en développement depuis plus de 10 ans qui n’ont pas encore rapporté un euro de chiffre d’affaires", rappelle le dirigeant, qui consacre chaque année plus d’un million d’euros à des programmes de R & D.

Des cristaux sur Mars

Affrontant trois concurrents au niveau mondial, basés en Chine, en Israël et une entreprise américaine réalisant plus de 7 milliards de dollars de chiffre d’affaires, Dominique Lupinski sait que son entreprise est face à un tournant. "Nous avons vu des Allemands, dans l’industrie des semi-conducteurs, passer de 0 à 700 000 € de chiffre d’affaires chez nous, suite à des difficultés de livraison depuis la Chine", explique le dirigeant, qui évoque le développement rapide de la technologie liée au séquençage de l’ADN, depuis la crise du Covid-19, technologie mettant en œuvre deux lasers, vert et rouge, mais aussi les perspectives offertes par l’utilisation des lasers dans le traitement des cancers, des déchets radioactifs ou encore de la production d’énergie, avec la fusion nucléaire. "On peut rêver, mais il faut s’y préparer", affirment Dominique Lupinski et Philippe Villeval.

Car avant de conquérir les marchés mondiaux, la PME lorraine doit déjà recruter : 10 postes sont actuellement ouverts. "Le fait d'équiper avec nos cristaux les lasers des deux Rovers envoyés sur Mars, Curiosity et Perseverance, nous a beaucoup aidés pour faire connaître l’entreprise et ses valeurs", affirme le PDG de Cristal Laser.

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