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Onze employeurs de Faulquemont s'engagent pour la bienveillance au travail
Moselle # BTP # Ressources humaines

Onze employeurs de Faulquemont s'engagent pour la bienveillance au travail

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Après plus d’un an de réunions de travail, d’enregistrements et d’analyses de données, le projet Workindness peut voir le jour. Cette démarche lancée par un doctorant mosellan vise à promouvoir la bienveillance au travail. À la clé : une charte signée par onze employeurs de Faulquemont et des sessions de formation sur-mesure.

Le doctorant Steve Ordener et les responsables du Groupement d’employeurs de Moselle Est Nadia Brochot (directrice) et Denis Lorchat (président) ont officiellement présenté la charte "Workindness" aux onze employeurs signataires le 2 décembre 2021 — Photo : Lucas Valdenaire

Ils sont onze à avoir signé une charte dédiée au "Workindness", c’est-à-dire la bienveillance au travail. Et tous sont installés à Faulquemont. Parmi les signataires figurent des entreprises de la grande distribution à la sous-traitance automobile, en passant par le BTP et les équipements de chauffage : Allgaier, Aalberts surface technologies, Eagle industry, Lorraine profilés, Super U, Esthima, Noelys, Viessmann et T2M. Le groupement d’employeurs de Moselle Est (Geme), à l’initiative du projet, et le District urbain de Faulquemont aux 5 000 emplois, ont également paraphé le texte. Ce dernier, sous forme d’un petit fascicule de dix pages, a mis plus d’un an à voir le jour.

En septembre 2020, le doctorant en management à ICN Business School Steve Ordener présentait dans les locaux du Geme son projet de recherche-action, unique en France, consacré à la lutte contre le mal-être en entreprise. Une étude scientifique, sous l’égide d’une Chaire Unesco, et une question : comment la bienveillance au travail peut servir la performance durable des entreprises ?

Pour y répondre, le Lorrain s’est entretenu avec les dirigeants et responsables des ressources humaines engagés dans le projet. En sont ressorties trois heures d’enregistrement et 27 pages de retranscriptions présentées en juin à la Revue internationale de psychologie et de comportement organisationnel (Ripco). À la clé, une publication scientifique dans plusieurs langues et cette charte intitulée "Workindness : d’un idéal théorique à une réalité viable de la bienveillance en entreprise."

Concilier bienveillance et performance

En la signant, les neuf employeurs du territoire s’engagent concrètement à "promouvoir le concept de Workindness et les comportements positifs au travail", "former et accompagner leurs équipes", "mettre en place un système de veille et d’amélioration continue", et "contribuer à la création d’une marque employeur au niveau territorial". Ainsi, il incombe aux signataires d’adopter une "posture positive" en fonction du contexte et des situations rencontrées en entreprise. "Autrement dit, faire l’inverse de ce qu’on a l’habitude de faire en France, souligne Steve Ordener. Ici, l’objectif n’est pas de travailler sur les faiblesses mais de s’appuyer sur les forces des équipes. C’est un des moyens pour leur redonner l’envie de travailler et pour humaniser les relations entre collègues. Bien sûr, on ne va pas fermer les yeux sur les faiblesses mais on va simplement les laisser décroître."

Doctorant à ICN Business School, Steve Ordener avait présenté son projet de recherche-action "Workindness" aux entreprises du District urbain de Faulquemont à l’automne 2020 — Photo : Lucas Valdenaire

Et d’ajouter qu’il ne sert à rien d’instaurer des indicateurs sur le sujet : "La bienveillance reste une culture, une graine à planter et à protéger. Cela prend du temps." Pour autant, elle ne doit surtout pas être décorrélée des notions de compétitivité. "Une entreprise doit avoir le courage de dire qu’elle n’est pas une colonie de vacances et qu’il y a une nécessité de performance, conclut le doctorant mosellan. Mais une performance durable et pérenne."

"Parfois, on est pris dans le quotidien des réunions, des projets, de l’urgence et c’est parfois compliqué. Mais cette formation va nous aider à prendre de la hauteur."

Un constat partagé par la responsable des ressources humaines de la société Allgaier à Faulquemont (CA 2020 : 42 M€ ; 200 salariés). Dédiée à l’emboutissage, l’assemblage et la peinture de pièces automobiles, la société fait partie des neuf parties prenantes. "Bienveillance et productivité sont tout à fait conciliables, déclare Sandrine Hilgert. Maintenant, il faut trouver les outils pour y parvenir. Et ce projet va nous y aider." Car, en plus de cette charte, des sessions de formation sont prévues dès le premier semestre 2022. Ces dernières, construites en fonction des besoins et des demandes de chaque entreprise faulquinoise, seront dispensées aux managers, aux comités de direction et à tous les collaborateurs intéressés. "Cette charte, même s’il est très important de l’afficher dans nos locaux et de montrer aux collaborateurs que la boîte se bouge, elle ne se suffit pas à elle-même, prévient la responsable RH. La formation va nous permettre d’aller dans le concret et surtout, d’avoir des retours d’expérience." En effet, les signataires se réuniront régulièrement tout au long de l’année pour dresser plusieurs bilans d’étape et partager leurs avancées.

Prise de risque et remise en question

En plus d’être financier (les formations sont prises en charge par les entreprises), l’investissement peut paraître chronophage. "Je pense que le bien-être a toujours fait partie de la vie des entreprises mais il est vrai que ça demande du temps et de l’investissement, reconnaît Sandrine Hilgert. Il est certain que les entreprises ne priorisent pas là-dessus. Parfois, on est pris dans le quotidien des réunions, des projets, de l’urgence et c’est parfois compliqué. Mais cette formation va nous aider à prendre de la hauteur. Et nous apprendre, par exemple, à faire attention à ce qu’on dit, comment on le dit, et avec qui, en fonction de chaque situation."

Au-delà d’une simple signature, le projet Workindness représente une véritable prise de risque pour la plupart des employeurs partenaires. "C’est évidemment un très gros enjeu de dire que nous sommes une entreprise bienveillante, confie la responsable RH d’Allgaier. Cela veut dire qu’au quotidien, dans toutes nos décisions et toutes nos actions, on pourra nous rétorquer qu’on affiche une charte mais que nous n’y sommes pas du tout. C’est aussi une vraie remise en question de la part du manager. Prendre du recul sur ce qu’on fait, ce n’est vraiment pas évident. Le but de la formation, c’est ça aussi." Une remise en question et un recul nécessaires, surtout quand on travaille dans une entreprise industrielle où les tâches ne sont pas des plus aisées. "C’est vrai que les postes sont difficiles pour les ouvriers, lâche Sandrine Hilgert. Des postes qui nécessitent beaucoup de manipulations et qui présentent des charges lourdes. Et si, en plus, les relations managériales ne sont pas bonnes, le travail devient encore plus pénible. C’est pour ça qu’il est de notre devoir de contribuer à une meilleure ambiance avec des échanges apaisés et davantage de postures positives."

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