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Nathalie Vaxelaire (Trane) : «Donnons confiance aux femmes »
Interview Vosges # Industrie

Nathalie Vaxelaire présidente de la société Trane Nathalie Vaxelaire (Trane) : «Donnons confiance aux femmes »

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Présidente de la société Trane (750 salariés, 40 M€ de CA) dans les Vosges, le leader européen des systèmes de conditionnement d'air, vice-présidente de l’UIMM Lorraine, Nathalie Vaxelaire va présenter, avec les autres membres du Conseil de la mixité et de l’égalité professionnelle, un plan d’action au Premier ministre, afin de tenter de mettre fin à une situation qui apparaît aujourd’hui comme un non-sens : il y a très peu de femmes dans le milieu industriel.

Présidente de la société Trane (CA : 40 M€ ; effectif : 750) dans les Vosges, vice-présidente de l’UIMM Lorraine, Nathalie Vaxelaire vient d'être nommée au Conseil de la mixité et de l’égalité professionnelle de l'industrie — Photo : © Trane

Vous venez d’être nommée au Conseil de la mixité et de l’égalité professionnelle de l’industrie, avec pour mission de présenter au Premier Ministre un plan d’actions concrètes sur ce sujet. Quelles idées voulez-vous porter au sein de ce conseil ?

Nathalie Vaxelaire : Quand on m’a proposé de faire partie de ce conseil, je me suis dit que c’était une opportunité. Une opportunité de partager ce qui avait été déjà fait dans l’entreprise, avec plus ou moins de succès, et de voir comment on pouvait avancer sur la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Je ne suis pas naïve, je sais que nous avons un gros travail devant nous. Mais si on ne commence pas à un moment donné, on ne va pas progresser. Mon état d’esprit, c’est de partager, de voir ce qui existe, de voir ce qu’on pourrait faire. Petit à petit, nous devons réussir à ouvrir les opportunités et permettre aux jeunes filles d’avoir envie d’embrasser des carrières dans l’industrie.

Donc faire des petits pas pour avancer ?

N.V. : Je ne pense pas qu’il y ait une idée qui permette de renverser la table, sinon, je pense qu’on l’aurait déjà mise en place. L’idée, c’est de travailler en amont. Dans l’entreprise, on s’est associé à un projet qui s’appelle « Capital filles » (Initiative lancée en 2012 par la société Orange en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, NDLR) qui permet à des femmes qui travaillent en entreprise, de coacher des lycéennes volontaires. Pourquoi ? Pour les aider lors de cette année importante qui est celle du bac. Leur donner l’opportunité d’avoir une vision différente, leur permettre d’avoir un coaching sur leur CV, d’avoir un encouragement, parce que parfois, c’est juste ça qui manque. Parfois, c’est aussi ouvrir nos entreprises pour leur permettre de voir avant de se décider. C’est important de savoir qu’il y a des femmes qui font carrière, qu’il y a des possibilités dans tous les domaines et pas seulement dans des filières de support ou dans les services. Dans notre entreprise, nous avons une femme qui est responsable d’une unité autonome de production, des femmes responsables des ressources humaines. Dans l’entreprise, nous avons été dix femmes à vouloir être marraine dans le cadre de cette opération.

Avec cette opération, vous pensez d’abord à l’intérêt de votre entreprise ou vous travaillez pour la cause de l’égalité ?

N.V. : Personnellement, j’ai emmené ma filleule visiter un laboratoire d’analyse biologique, ce qui n'a rien à voir avec ce que nous faisons chez Trane. Le réseau de marraines de « Capital filles » permet de répondre aux attentes de toutes les jeunes filles. Et je pense aussi qu’il est important de donner confiance aux jeunes femmes. Naturellement, une jeune fille a autant de compétences qu’un garçon, mais elles sont peut-être plus timides ou n’osent pas prendre de risques. Il y a un côté dans le tempérament qui n’est pas le même. On offre une promotion à un homme, il va la prendre. On offre une promotion à une femme, elle va réfléchir en se demandant si elle a vraiment les compétences pour le poste. C’est factuel et c’est pour ça que l’idée du coach, de la marraine, est importante. C’est pour passer une étape : ensuite, elles s’épanouiront tout naturellement.

Quel bilan tirez-vous de la première année ?

N.V. : L’opération a été lancée au mois d’octobre dernier. À la rentrée, je pense que nous aurons encore plus de marraines. C’est un projet qui a été relayé au niveau des Vosges par le Medef et, dans le département, nous sommes plus d’une vingtaine de marraines. C’est très actif. Nous avons travaillé avec deux lycées dans les Vosges mais on va s’étendre.

Avez-vous traduit votre engagement pour l’égalité au sein de votre entreprise ?

N.V. : Au sein du groupe Trane, nous avons un programme qui permet aux jeunes femmes d’acquérir les compétences et développer leur leadership, afin de pouvoir devenir des leaders de groupes, des patronnes. Pourquoi ? Encore une fois, elles ont besoin d’être rassurées par rapport aux compétences. On pense à tort qu’il est plus facile pour une femme de lier sa carrière professionnelle et sa vie de mère quand elle travaille dans les services. Mais je pense qu’il y a tellement de postes et d’opportunités dans l’industrie que c’est aussi possible. À un moment donné, si une femme est dans un rôle opérationnel et veut prendre un peu de temps pour ses enfants pendant deux ans, on peut tout à fait envisager un rôle dans un service support pendant cette période. De toute façon, dans l’entreprise, on a intérêt à ce que les personnes voient tous les niveaux et aient différents postes, pour comprendre la globalité de l’entreprise. Donc ce n’est pas un frein. Passer du temps dans les services support, ça permet de comprendre ce qui se passe aux achats, à la logistique, etc. C’est moins prenant que d’être patron d’une ligne de produits, mais ça permet aussi d’acquérir de nouvelles compétences tout en étant plus disponibles. Dans l’industrie, on peut évoluer, on peut avoir une carrière et passer sur des rôles opérationnels sans difficultés. Il ne faut pas avoir peur.

Est-ce le rôle du législateur de fixer des quotas ou des objectifs dans ce domaine ?

N.V. : C’est bien de fixer des règles et des objectifs mais il faut qu’ils soient atteignables. Et pour cela, il faut travailler sur le problème de fond. Je pense que l’entreprise n’est pas contre l’emploi des femmes, ça n’a jamais été le problème. Mais c’est la difficulté de convaincre des femmes de venir embrasser des carrières dans l’industrie qui pose un problème. Aujourd’hui, la difficulté, c’est que même si je voulais embaucher des femmes à 50-50, ce n’est pas possible. On ne va pas contraindre les entreprises à respecter des indicateurs si, à la base, il n’y a pas de vivier. Regardez dans les écoles d’ingénieurs, il y a maximum 20 % de jeunes filles. Et encore…

Quel est le pourcentage de femmes embauchées chez Trane ?

N.V. : Sur les deux sites vosgiens, nous sommes à peu près à 30 %. Nous avons plus de femmes dans les services support. Il y a beaucoup de postes, notamment sur l’international, qui sont plutôt féminins. Mais nous voulons développer l'emploi féminin dans l’opérationnel, et cette étape est moins facile parce que le vivier est moins dense. Nous avons déjà du mal à attirer des jeunes ingénieurs dans les Vosges, alors des femmes, c’est encore plus difficile. L’État, au travers des décrets, nous fixe des objectifs : « Vous allez être mesuré comme cela ». D’accord, mais l’entreprise seule ne peut pas résoudre le problème. Au final, c’est un changement de culture qu’il faut commencer et on ne change pas de culture en deux jours. Mais ce changement est un préalable nécessaire pour atteindre nos objectifs. Sinon, nous serons tous confrontés à des pénalités, juste parce que le vivier n’est pas à la hauteur de nos besoins.

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