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Marc Bauden : « Le groupe PSA a donné à Trémery son ticket pour l'avenir »
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Marc Bauden directeur du pôle industriel Trémery/Metz Marc Bauden : « Le groupe PSA a donné à Trémery son ticket pour l'avenir »

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A l'heure où l'industrie automobile est en phase de transition énergétique, le groupe PSA mise sur son usine de Trémery (Moselle) pour mettre en place l'électrification de sa gamme. Marc Bauden, directeur du pôle industriel Trémery/Metz revient sur les enjeux qui découlent de la stratégie du constructeur.

Marc Bauden (à gauche) et le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire se réjouissent que le site de Trémery soit le seul du groupe PSA au monde, à pouvoir produire toutes les motorisations. — Photo : © Jonathan Nenich

Le groupe PSA a investi 10,5 millions d’euros sur son site de production de moteurs de Trémery afin de lancer l’électrification de sa gamme. Une stratégie qui se traduit par la mise en service d’une nouvelle ligne. Que va-t-elle apporter au groupe ?

Marc Bauden : Embrayée en 2014, la stratégie d’électrification de la flotte de véhicules du groupe PSA se matérialise. Et c’est à Trémery que cela se passe. Nous avons démarré cette ligne de production E-GMP il y a quelques mois. 10 000 moteurs électriques en sont déjà sortis. Imaginée de façon flexible, la ligne produira 120 000 moteurs en 2020, ce qui nous conduira déjà à saturation. Dans l’enveloppe des 10,5 M€, sont inclus des travaux prévus en août pour accélérer la ligne en l’allongeant de 50 % et passer le capacitaire de 120 000 à 180 000, qui sera notre rythme de croisière en 2021. C’est une première étape. Il faut garder à l’esprit que le volume reste limité. En 2025, au maximum de sa capacité, le volet électrique concernera 400 postes, a priori issus de transferts de poste. À titre de comparaison, nous avons sorti 1 800 000 moteurs thermiques l’année dernière et 2 500 employés travaillent à Trémery.

La production de 900 000 moteurs à destination de véhicules électrifiés correspond à la deuxième étape prévue par le groupe, qui implique notamment une joint-venture avec le japonais Nidec…

M. B. : Pour l’instant, nous assemblons un produit conçu par notre fournisseur Continental et un seul type de moteur, qui équipe les véhicules 100 % électriques du groupe : Peugeot e-208 et e-2008, l’Opel Corsa-e et la DS3 Crossback-e-tense. La seconde étape commencera en 2022, quand la coentreprise Nidec PSA e-motors sera opérationnelle. Le capacitaire installé sera de 900 000 moteurs et comprendra l’assemblage et l’usinage. La joint-venture disposera des locaux de Trémery comme lieu d’implantation et sera en capacité de fabriquer elle-même les principaux composants du moteur comme le rotor, le stator et équipements électriques. Aujourd’hui, cela m’arrive de Chine et d’Inde. À partir de cette date, les moteurs équiperont les véhicules 100 % électriques, mais aussi les véhicules hybrides. Notre stratégie est d’offrir le choix aux consommateurs entre du thermique et de l’électrifié (hybride ou 100 % électrique).

Pourquoi le groupe a-t-il retenu le site de Trémery ?

M. B. : 47 000 000 de moteurs ont été produits ici. Nous sommes la plus grosse usine de fabrication de moteurs du groupe et cumulons 40 ans de savoir-faire. Or des métiers vont continuer à fonctionner avec l’électrique : automaticien, roboticien, spécialiste de l’assemblage. De plus, PSA voulu maintenir un ancrage en France. Trémery est aussi à proximité des unités terminales (usines d’assemblage des voitures, NDLR) de Mulhouse et Sochaux. Le groupe a offert à Trémery son ticket pour l’avenir. Depuis cette année nous avons le catalogue le plus large avec diesel, essence et électrification. Cela fait de nous un site unique au monde : le seul à être en capacité de produire toutes les motorisations du groupe.

L’électrification de la gamme est-elle une réponse au durcissement des normes européennes à partir de l’année prochaine ?

M. B. : La réglementation européenne évolue pour devenir plus sévère sur les émissions de CO2 (depuis janvier 2020, les véhicules particuliers neufs vendus dans l’Union européenne devront se limiter, sous peine d’amende pour le constructeur, à une émission de CO2 de 95 g/km, NDLR). Pour un motoriste, les solutions se restreignent. Soit il se positionne sur les moteurs Diesel, soit sur l’électrification. Depuis le dieselgate (ou affaire Volkswagen, NDLR), le marché n’a cessé de baisser. En 2012, 74 % des immatriculations étaient Diesel, aujourd’hui 40 %. Bien qu’il soit plutôt stable en 2019, la tendance de fond du marché du diesel est à la décroissance. Soit le constructeur automobile est prêt à payer l’amende de 95€ par grammes en trop, ce qui fait extrêmement mal, soit il achète des crédits CO2 à des entreprises en excès, comme Fiat qui en a racheté à Tesla. Il faut avoir conscience que ce sont des transactions à plusieurs milliards d’euros. Ou alors il respecte la règle du jeu. C’est cette solution que PSA a choisie, également dans un souci de respect de l’environnement. L’offensive électrique va être considérable. À partir de cette année, pas un seul modèle ne sera mis sur le marché sans une version électrifiée, hybride ou 100 % électrique. À horizon 2025, 100 % de la gamme sera électrifiée.

Vous estimez donc que l’électrique va finir par rafler le marché de l’automobile ?

M. B. : Nous ne savons pas quand ça va basculer, ni dans quelles proportions mais ça risque d’arriver. Trémery, dans le dispositif industriel du groupe PSA a une chance extraordinaire que d’avoir l’ensemble des produits. En supposant que le marché reste stable, il faudra toujours des moteurs. Ce sera un jeu de vases communicants. Si le diesel baisse, ce n’est pas l’essence, trop mal placée en termes de rejet de CO2 qui prendra le relais. Automatiquement ce sera l’électrique.

Comment les sous-traitants vont-ils accueillir ce changement de production ?

M. B. : Ils sont nombreux à être dépendants du diesel. Bien identifiés, ils sont suivis par la Plateforme automobile (PFA) dirigée par Luc Chatel qui discute avec le gouvernement de la reconversion de ces entreprises. Il faut anticiper, accompagner la transition et accepter de se transformer. C’est la clé et c’est ce que nous faisons à Trémery. Les sous-traitants, nous les embarquons comme nous le ferions pour tout nouveau projet. Nos fournisseurs habituels sont consultés et peuvent faire partie de la course s’ils restent compétitifs. La règle du jeu est la même. À eux de s’adapter.

Alors que le projet d’une usine de batterie électrique est en projet en France et Allemagne, le groupe PSA pourrait en être le premier client ?

M. B. : Le groupe PSA considère que c’est un projet stratégique pour lui et pour l’Europe, qui doit disposer de capacités de production de batteries afin de pouvoir concurrencer les approvisionnements de Chine et de Corée du Sud. Les batteries représentent deux tiers du prix de revient de la chaîne de traction complète (qui comprend le moteur, la boîte de transmission et la batterie, NDLR). Nous sommes trop dépendants alors que nous devrions avoir la main dessus. Pour cela, il faut s’associer puisque c’est une technologie que le constructeur automobile n’a pas. Les investissements se comptent en milliards d’euros. Capitalistiquement, c’est extrêmement lourd. Si nous disposions de cette usine de batteries, PSA lui achèterait les batteries.

Le site de Metz, qui produit des boîtes de vitesses, a-t-il également vocation à accompagner le groupe dans l’électrification des véhicules ?

M. B. : Le site de Metz a une vraie carte à jouer. En 2022 nous allons lancer une joint-venture : Punch Powertrain – PSA e-transmission pour produire des boîtes de vitesses électriques pour véhicules hybrides MHEV (hybridation simple). Cela correspondra à 600 000 boîtes par an et 400 emplois à horizon 2025 pour répondre à la chaîne de traction hybride. Il y a trois ans, en Europe, la star du marché était un moteur diesel 1,6L à boîte manuelle. La star en 2025, pourrait bien être un moteur essence 1,2L turbo avec boîte de vitesses électrique pour respecter les normes de CO2. Plus abordable que le 100 % électrique, nous y croyons très fort. C’est un produit exceptionnel pour le site de Metz.

Comment a été reçu le projet de fusion entre PSA et le groupe Fiat-Chrysler ?

M. B. : C’est justement encore au stade de projet donc restons patients. Un travail de détails va s’engager pour obtenir des autorisations pour la non-concurrence, le monopole… Ce n’est probablement que dans un an que le projet, s’il aboutit, deviendra réalité. Dans l’immédiat, Fiat reste un concurrent. Rien ne change. Les organisations syndicales ont voté massivement pour ce projet de rapprochement. Le site de Metz-Trémery est également favorable, à condition que soient maintenues les implantations et les emplois en France.

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