Meurthe-et-Moselle
Ludovic Weber (Saint-Gobain PAM) : « Remplacer le haut-fourneau par un four électrique »
Meurthe-et-Moselle # Industrie

Ludovic Weber (Saint-Gobain PAM) : « Remplacer le haut-fourneau par un four électrique »

S'abonner

Auditionné dans le cadre de la mission d'information sur les « enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle », menée actuellement par le Sénat, le directeur général de Saint-Gobain PAM, Ludovic Weber, a dévoilé quelques éléments de réflexion autour de l'avenir du site de Saint-Gobain PAM.

Ludovic Weber est le directeur général de Saint-Gobain PAM — Photo : © Saint Gobain PAM

« En 1970, Pont-à-Mousson fusionne avec Saint-Gobain. Les deux entreprises étaient alors de même taille ; à ce jour toutefois, Pont-à-Mousson ne représente qu’une faible part de l’ensemble, mais Saint-Gobain y reste néanmoins très attachée. À ce sujet, elle veut demeurer un actionnaire important. » Auditionné dans le cadre de la mission d’information sur les « enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle », menée actuellement par le Sénat, le directeur général de Saint-Gobain PAM, Ludovic Weber, a dévoilé quelques éléments de réflexion autour de l’avenir du site de Saint-Gobain PAM.

Les marchés de l’entreprise ne sont plus porteurs en Europe, qui ne pèse plus que « 5 % du marché mondial » : « Dernièrement, les marchés européens se sont contractés de moitié à la suite de la crise de 2008 et de celle des dettes souveraines de 2012-2013. Pourtant, les besoins de construction de nouveaux réseaux et de renouvellement existent, mais les moyens publics se sont raréfiés », a détaillé Ludovic Weber, avant de souligner l’explosion des marchés asiatiques : « À ce jour, près d’un tuyau sur deux vendu dans le monde l’est en Chine et un sur quatre l’est en Inde ». Pour le directeur général, l’objectif est d’abord d’être compétitif en Europe par rapport aux Chinois et aux Indiens.

La « pire » technologie en termes d’émission carbone

Pour favoriser la compétitivité du site de Pont-à-Mousson, Ludovic Weber s’est prononcé, devant les sénateurs, pour « la mise en place d’un dispositif de taxation du carbone, lequel nous serait intrinsèquement favorable face à nos concurrents ». Concrètement, le dirigeant a précisé : « Nous sommes donc favorables à une taxation du carbone aux frontières pour rééquilibrer les importations de Chine et d’Inde. Sans cela, nous arrêterons le dernier haut-fourneau de Lorraine pour le remplacer par une technologie plus vertueuse, mais nous conserverions le site ».

Reconnaissant que le haut-fourneau est la « pire » technologie en termes d’émission carbone, le directeur général de Saint-Gobain PAM, Ludovic Weber, a précisé que « la solution serait un cubilot ou un four électrique, mais l’un et l’autre ne sont pour le moment pas compétitifs : le haut-fourneau consomme du minerai de fer, le cubilot consomme du coke et de la ferraille et le four électrique ne consomme que des ferrailles. Si l’on taxait le carbone, ces technologies deviendraient rentables. Si rien n’est fait dans dix ou quinze ans, il n’y aura plus de haut-fourneau à Pont-à-Mousson. Ou alors il faudrait une innovation majeure ».

Pour l’instant, et sans « innovation majeure », Ludovic Weber estime que la solution la plus « probable pour nous, c’est de remplacer le haut-fourneau par un cubilot ou un four électrique ». Cette dernière option nécessiterait entre « 30 et 40 millions d’investissement », et va se poser pour un des hauts-fourneaux du site de Saint-Gobain PAM qui doit être refait dans 7 ans. La rénovation complète des deux hauts-fourneaux du site, qui fonctionnent alternativement, coûterait environ « 10 millions d’euros pour une période de quinze ans », a précisé Ludovic Weber.

Être fort sur les marchés porteurs

Interrogé par les sénateurs sur la question de la reprise de l’activité par un groupe chinois, Ludovic Weber a affirmé : « Cette prise de participation du groupe chinois XinXing dans Pont-à-Mousson est une rumeur qui n’est pas fondée. La seule information exacte est que Saint-Gobain a commencé, mi-février, à discuter avec une dizaine d’acteurs, dont XinXing, pour réfléchir à un partenariat. Cette piste chinoise est donc l’une parmi d’autres ; les discussions sont très lentes et très loin d’être parvenues à leur terme ». Le directeur général a aussi affirmé que « le maintien de l’activité actuelle et du nombre d’emplois fait partie des objectifs prioritaires de cette recherche de partenariat. En l’occurrence, Pont-à-Mousson recrute ; nous ne modifierons pas cette tendance ».

Ludovic Weber a insisté sur la nécessité d’être fort là où les marchés sont porteurs : « Actuellement, l’Europe représente 5 % du marché - c’est là que nous sommes forts -, la Chine 50 %, l’Inde 25 %. Nous avons une usine en Chine, mais elle est toute petite. Autrement dit, nous nous privons d’un énorme marché alors que notre marque est connue et reconnue partout dans le monde ». Le site de Xuzhou, une petite ville sidérurgique chinoise où Saint-Gobain PAM exploitait un site, a en effet été fermé pour des raisons liées à l’environnement : « Un jour de pic de pollution aux particules fines, la ville a pris, sans consultation et sans préavis, une réglementation avec application immédiate. Les standards édictés étaient tellement exigeants - il s’agissait, en gros, de ne plus produire de poussière du tout - qu’ils étaient impossibles à respecter d’un point de vue technologique. Le lendemain de la publication de la nouvelle réglementation, les vingt-neuf autres hauts fourneaux de la ville ont été arrêtés ».

Affaiblie sur sa base compétitive à bas coût, la société est donc contrainte aujourd’hui de trouver une nouvelle solution pour produire dans cette zone. Un projet qui ne se heurte pas à des obstacles légaux : « La Chine se protège sur les secteurs qu’elle juge stratégiques ; notre secteur n’en fait pas partie. On peut donc acheter à 100 % une usine chinoise. Nous pourrions même, si nous étions compétitifs, exporter depuis Pont-à-Mousson vers la Chine. Il n’existe pas, en Chine, de mécanisme analogue au Buy American Act. Sur nos marchés, la Chine est plus ouverte que les États-Unis ».

Meurthe-et-Moselle # Industrie