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Loop Industries : "En Europe, il y a beaucoup de traction dans le marché du plastique recyclé"
Interview Moselle # Industrie # Implantation

Daniel Solomita PDG de Loop Industries "En Europe, il y a beaucoup de traction dans le marché du plastique recyclé"

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Avec ces deux partenaires industriels, les groupes Suez et SK Global Chemical, le canadien Loop Industries, dont la capitalisation boursière dépasse les 100 millions de dollars, va implanter une usine de recyclage du PET à 450 millions d’euros sur la plateforme Chemesis de Carling Saint-Avold, en Moselle.

Daniel Solomita a fondé Loop Industries au Canada en 2014 — Photo : Tom Berthelot

Pourquoi votre entreprise Loop Industries et ses partenaires Suez et SKGC ont-ils retenu la plateforme Chemesis de Carling Saint-Avold (Moselle) pour implanter une usine de recyclage de plastique polyéthylène téréphtalate (PET) ?

Nous avons regardé différents sites à travers l’Europe. Finalement, nous avons travaillé avec le gouvernement français, qui a beaucoup soutenu notre projet pour obtenir l’implantation de l’usine en France. Nous avons regardé les différents sites en France et nous avons trouvé que Chemesis nous amenait une excellente plateforme. Depuis cette région, nous avons accès à des déchets de plastiques du nord de l’Europe, de l’Allemagne, de la France. Notre partenaire coréen SK Global Chemical a déjà une installation sur Chemesis. En Europe, il y a beaucoup de "traction" dans le marché (intérêt du marché pour un produit, NDLR), du fait notamment des lois visant à intégrer plus de matières recyclées dans les emballages. À Chemesis, la capacité de production sera de 70 000 tonnes par an. La mise en service est programmée pour 2027.

Allez-vous bénéficier de subventions publiques ?

Tous les chiffres ne sont pas encore définitifs. Mais oui, il va y avoir de l’investissement de la part de la France et de l’Europe. Nous travaillons avec les différents partenaires sur le montage financier. Ce sont des installations pétrochimiques, alors il y a beaucoup de sécurité et les coûts sont assez élevés. Les tuyaux, par exemple, sont en acier inoxydable et, avec l’inflation, le coût de ces matériaux a monté. Mais le coût numéro un, c’est la construction du site.

L’usine canadienne de Loop Industries affiche une capacité de production de 1 000 tonnes par an — Photo : Loop industries

Que vous apportent vos partenaires, les groupes français Suez et coréen SK Global Chemical ?

Nos trois entreprises se complètent très bien. Suez assure la gestion des matières premières, des flux de déchets, Loop la technologie, les clients, et SKGC amène son savoir-faire dans la construction des usines et les opérations d’une usine pétrochimique.

Qu’apporte votre procédé au marché du recyclage ?

Le recyclage ne marche pas aujourd’hui parce qu’il y a beaucoup de matières différentes dans les emballages. Il y a par exemple quatre produits différents dans une bouteille d’eau : le bouchon, qui est un type de plastique, une étiquette, qui est un autre type de matériel, une colle derrière l’étiquette, qui est une autre matière et, enfin, la bouteille en PET. La technologie Loop est capable de surpasser le mélange de matières pour traiter des plastiques qui ne sont pas à 100 % en PET.

Concrètement, qu’est-ce qui distingue votre procédé chimique d’un recyclage traditionnel ?

Ce que nous produisons, c’est du plastique PET qui va dans l’emballage. Nous avons des clients français comme Danone ou L’Occitane qui utilisent déjà nos résines dans leurs bouteilles. Ce qui nous différencie, c’est de fournir exactement la même qualité que les fabricants de PET aujourd’hui. Notre procédé permet de retrouver une qualité du produit identique à la qualité vierge, car les marques avec lesquelles nous travaillons tiennent beaucoup à la qualité du plastique. Nous pouvons traiter le pire déchet de plastique pour en faire la meilleure qualité.

Vous revendiquez de pouvoir recycler du PET à l’infini : comment cela fonctionne-t-il ?

Loop produit du DMT (diméthyl-téréphtalate), qui est une poudre blanche, et du MEG (mono-éthylène glycol), qui est un liquide huileux sans aucune couleur. Ces deux produits sont les composants de base du plastique PET ou des fibres de polyester pour les vêtements, les tapis… Notre procédé permet de prendre les déchets de plastique, de couper les liaisons qui rassemblent les deux monomères ensemble et on produit ces deux produits pétrochimiques. Ensuite, on les purifie et on les recombine pour faire un produit final pour nos clients. Nous sommes capables de faire ça à l’infini, sans dégradation de qualité.

Où en êtes-vous dans le développement de ce procédé appelé "Infinite Loop" ?

Depuis nos débuts en 2014, nous avons investi 150 millions de dollars américains dans l'entreprise. Nous avons commencé à l'échelle du laboratoire, puis du pilote, puis d'un démonstrateur, pour arriver à l'usine. Aujourd'hui, nous avons une excellente technologie. L’enjeu est donc d’avoir de grosses installations de production un peu partout dans le monde. Avec notre partenaire SK Global Chemical, qui détient 10 % du capital, nous avons des plans d’expansion très agressifs en Asie, avec la première usine à Ulsan, en Corée du Sud, dont la construction devrait commencer en septembre. Et nous regardons déjà pour une deuxième usine, au Japon. Au Canada, nous avons déjà une usine, avec une capacité de production de 1 000 tonnes par an, qui tourne depuis trois ans. Nous faisons notre expansion en Europe et en Corée du Sud.

Moselle # Industrie # Banque # Plasturgie # Services # Implantation # Investissement