Lingenheld met le cap sur la transition écologique
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Lingenheld met le cap sur la transition écologique

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Passer de 195 à 300 millions d’euros de chiffre d’affaires en huit ans. Telle est l’ambition affichée par le groupe mosellan Lingenheld dans son cap 2030. La société familiale spécialisée dans les travaux publics, l’environnement, les travaux spéciaux et l’immobilier multiplie les projets de développement sur l’ensemble de ses métiers, étend son périmètre et recrute à tours de bras.

Déjà présent en Moselle et dans le Bas-Rhin, le groupe Lingenheld étend ses activités à l’ensemble du Grand Est en s’installant près de Reims — Photo : Lingenheld

Malgré la tempête économique internationale du moment, Lingenheld tient son nouveau cap. Le groupe mosellan, installé sur les hauteurs de Dabo et reconnu pour son expertise dans les travaux publics, poursuit son développement tambour battant. Il se fixe d’ailleurs des objectifs ambitieux : passer de 195 à 300 millions d’euros de chiffre d’affaires et dépasser les 700 collaborateurs d’ici huit ans, contre 570 actuellement. Ce cap 2030, présenté aux salariés en avril 2022, est le fruit de six mois de travail au sein du comité exécutif où siègent une douzaine de cadres dirigeants représentant la totalité des services du groupe. Pour intégrer ces 130 nouveaux salariés, trouver ces 105 millions d’euros d’activité supplémentaire et ainsi concrétiser cette poussée de croissance inédite dans l’histoire de l’entreprise familiale, le président Franck Lingenheld a choisi d’investir dans tous ses métiers : de l’immobilier aux travaux spéciaux en passant par l’environnement. Sans oublier ce qui fait l’histoire et le cœur d’activité de la société : les travaux publics. "C’est un métier qui représente 395 personnes et pèse près de 100 millions d’euros d’activité, soit la moitié de notre chiffre d’affaires global, calcule-t-il. Il s’agit maintenant de consolider nos positions et de développer de nouveaux secteurs géographiques". L’agglomération de Nancy et surtout celle de Reims en ligne de mire. Lingenheld prévoit, en effet, de s’installer dans la Marne, département du Grand Est où l’entreprise n’était pas encore présente.

Cinquième génération

Déjà propriétaire d’un terrain de sept hectares à Prunay, à une dizaine de kilomètres de la cathédrale rémoise, l’ETI lorgne "un territoire riche en opportunités" et ce, pour l’ensemble de son périmètre d’activité. "Il existe une très belle dynamique autour de Reims, assure son président. Au sud avec la gare Champagne-Ardenne TGV, des bureaux d’affaires et de l’immobilier dynamique. Au nord avec la zone logistique et les maisons de champagne. Ça construit à tout-va." Sans oublier les importantes réserves foncières et les nombreuses friches à réhabiliter. "Là encore, nos métiers sont totalement adaptés pour intervenir sur ces futurs chantiers", se réjouit le chef d’entreprise. En attendant, c’est sur son activité Environnement que le groupe mosellan compte marquer ses premiers points. En effet, la structure rémoise vient d’être créée sous le nom de Lingenheld Environnement Champagne. Pilotée par la fille de Franck Lingenheld, désormais représentante de la cinquième génération, l’entité marnaise démarrera d’ici trois ans une nouvelle unité de méthanisation. "Méthanisation sèche avec intrants industriels, précise le père de famille. Nous comptons faire à Reims ce que nous allons faire à Strasbourg en partenariat avec Suez : valoriser l’ensemble des biodéchets de l’agglomération via notre méthaniseur." Franck Lingenheld mise également sur sa nouvelle situation géographique pour déployer son activité de traitement des terres polluées : "Il n’existe pas d’installation dédiée à Reims. Et nous avons la chance d’être à portée de tirs de Paris. Les possibilités de traitement sur la capitale étant quasi nulles en raison du manque de place, nous espérons capter, depuis Reims, une partie du marché." Rien que sur ces nouvelles activités champardennaises consacrées à l’environnement, le dirigeant de Dabo compte engranger dès 2025 entre 20 et 25 millions de chiffre d’affaires supplémentaires.

L’ETI mosellane dispose depuis l’an dernier d’une centrale d’enrobage sur son site d’Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin) lui permettant de recycler jusqu’à 90 % d’anciens enrobés — Photo : Lingenheld

Innovations

Sans compter le surcroît d’activité réalisé par ses deux autres plateformes de valorisation des déchets situées dans le Bas-Rhin et en Moselle. En plus du recyclage des matériaux de démolition (issus des activités TP), les deux unités y traitent désormais du bois, des déchets verts et des déchets industriels banals (DIB) ou encore des mâchefers d’usines d’incinération. Ces derniers représentant une part de plus en plus grande dans l’activité de Lingenheld. De quoi dépasser rapidement les 32 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés actuellement sur l’ensemble de son pôle Environnement. Une dynamique accélérée par une série d’innovations régionales à l’image de cette technique de dépollution par échauffement de la terre appelée "désorption thermique" et développée sur son site alsacien d’Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin). Site qui présente déjà un démonstrateur et une unité de méthanisation par voie sèche faisant l’objet d’un brevet (10 millions d’euros d’investissement en 2019), une usine de traitement de mâchefers (5 millions d’euros en 2018) et une unité de production d’enrobés (6 millions d’euros en 2021) permettant de recycler jusqu’à 90 % d’anciens enrobés. "Quand le prix du bitume a plus que doublé sur les trois derniers mois et quand nous détenons un outil de récupération d’anciens bitumes comme celui-là, nous restons compétitifs et nous nous retrouvons confortés dans nos choix", glisse Franck Lingenheld. Une série d’innovations industrielles amenées à se structurer via la création récente d’un laboratoire d’idées et le recrutement, au printemps 2022, d’un responsable R & D. "Ce type de laboratoire existait déjà sur la partie technique et matériaux, rappelle-t-il. Mais il nous fallait une structure spécifique et un nouveau pilote pour collecter l’ensemble des idées de nos collaborateurs."

Un contrat sur 20 ans

En Lorraine, le groupe compte aussi sur une station de lavage de terres polluées à Louvigny (Moselle), "la première de ce type en France au moment de sa mise en service, il y a deux ans", précise le président. Un investissement de 4 millions d’euros soutenu à hauteur de 15 % par la Région Grand Est et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Toujours en Lorraine, Lingenheld peut se targuer d’avoir remporté un contrat d’envergure avec le chimiste Solvay à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle). Engagé dans un programme de transition énergétique à 225 millions d’euros, le fabricant de carbonate de soude utilisera dès 2024 plus de 350 000 tonnes de Combustibles solides de récupération pour tourner définitivement la page du charbon. Fourni en CSR par Veolia, Solvay s’est tourné vers Lingenheld pour traiter et valoriser 60 000 tonnes de mâchefers issus de leur incinération sur un contrat de 20 ans. "Nous allons devoir les récupérer, les amener sur nos sites, les traiter et ensuite leur trouver les débouchés, anticipe le président de l’entreprise mosellane. À savoir que nous avons la capacité, grâce à nos dernières installations, d’en dégager des métaux et des matières précieuses de la taille du millimètre."

Le potentiel du Luxembourg

Une expertise en matière de valorisation des déchets et de dépollution mise en avant, là aussi, par les équipes du pôle Travaux spéciaux (désamiantage, déconstruction, démolition) et ses 31 millions d’euros de chiffre d’affaires. "Nous avons une réelle expertise sur les sites contraints et, via nos quatre métiers, nous pouvons nous positionner comme interlocuteur unique auprès de nos clients et maîtres d’ouvrage, assure Franck Lingenheld. Nous avons la capacité réelle d’augmenter nos volumes sur ces activités." Avec une attention particulière portée sur l’entité luxembourgeoise du groupe dédiée aux fondations profondes et aux parois berlinoises : "Nous avons un gros potentiel de développement au Grand-Duché et nous visons, rien que sur ce marché, une croissance de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires."

Démantèlement, désamiantage, déconstruction et viabilisation de friches : le pôle Travaux spéciaux de Lingenheld pèse plus de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte 125 salariés — Photo : Lingenheld

Mais pour atteindre ce cap des 300 millions, le président n’oublie pas la dynamique de son quatrième pôle consacré à l’immobilier (aménagement, promotion et construction) regroupant une trentaine de collaborateurs. "Nous voulons doubler notre volume d’activité sur cette activité qui représente déjà près de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, prévient Franck Lingenheld. Mais c’est un travail de longue haleine. Nous avons réussi à nous positionner sur des fonciers largement en amont et nous avons de la visibilité sur cinq ans. Alors que la plupart des acteurs du secteur ont aujourd’hui beaucoup de mal à en trouver". Résultat d’une politique systématique de réinvestissement des bénéfices. "C’est la caractéristique d’un groupe familial, poursuit-il. Tous nos résultats sont capitalisés. Soit ils restent dans l’outil de production, soit ils vont dans du foncier pour sécuriser l’avenir. Ce n’est pas pour autant que nous arrêtons de prospecter. Il ne faudrait pas se retrouver le bec dans l’eau dans cinq ans."

Investissements numériques

Cette énergie mobilisée sur l’ensemble des métiers du groupe de Dabo ne se limite pas au développement de l’activité mais irradie aussi en interne. Des investissements conséquents sont notamment annoncés dans une optique, là encore, de transition écologique. Pour réduire l’utilisation d’énergies fossiles (3 millions de litres de carburants consommés par l’activité TP chaque année), une transformation du parc (600 véhicules) est en cours avec l’arrivée de plusieurs voitures hybrides et électriques. La création de synergies entre les méthaniseurs Lingenheld et d’éventuels camions roulant au gaz est aussi à l’étude. "Nous imaginons également des solutions interentreprises comme le montage d’une station de GNV sur notre site d’Oberschaeffolsheim", ajoute le président mosellan. Sans oublier l’immense chantier des matériaux utilisés par les travaux publics : "Nous consommons peut-être 40 % de matériaux naturels et nous devons réduire cette proportion pour arriver, un jour, à zéro. Et notre nouvelle usine d’enrobés recyclés va y contribuer".

Le pôle historique de Lingenheld dédié aux travaux publics compte près de 350 salariés, soit près des deux tiers des effectifs du groupe — Photo : Lingenheld

Transition écologique et numérique puisque Lingenheld a déjà lancé un vaste programme de dématérialisation. "Avec leurs bons de livraison, d’enrobés, de fournitures, les TP restent dans une culture très attachée au support papier, reconnaît le chef d’entreprise. Mais nous sommes en train de numériser toute la chaîne : de l’émission du produit à son traitement comptable en passant par son transfert". Pour cela, les chefs de chantier ont été équipés de tablettes. De là à dématérialiser l’ensemble des plans et de la vie de chantier ? "Nous y pensons, répond Franck Lingenheld. Cela fait d’ailleurs l’objet d’une refonte complète de notre ERP et d’un investissement d’1,5 million d’euros." Lingenheld est même en train de passer une vitesse supplémentaire en matière de numérique, puisque l’ETI lorraine installe des systèmes de guidage au sein de ses engins et travaille avec les logiciels de gestion de chantier du mosellan BluePad. Elle sollicite aussi les maquettes 3D et autres dispositifs de réalité virtuelle signés ViRtual Création à Schiltigheim (Bas-Rhin) pour ses formations sécurité et même ses examens de recrutements qui s’annoncent toujours plus nombreux.

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