Le tour de vis fiscal qui fait déraper les routiers
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Le tour de vis fiscal qui fait déraper les routiers

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L’annonce d’une réduction de 2 centimes par litre du remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole des poids lourds a laissé les routiers lorrains abasourdis. Avec des marges comprises entre 1 et 2 %, les transporteurs estiment que leurs entreprises sont aujourd’hui en danger.

« Le transport routier a fait d’énormes efforts pour réduire ses émissions de C02 », estime Frédéric Habonnel, coprésident de TLF pour la Lorraine — Photo : CC BY-SA 2.0

« Nous sommes déjà une profession en souffrance. Le gouvernement nous rajoute une pierre dans un sac à dos déjà lourdement chargé. » Pour Frédéric Habonnel, coprésident pour la Lorraine de TLF, l’Union des entreprises de transports et de logistique, le projet de réduction de 2 centimes par litre du remboursement de TICPE, dévoilé le 2 septembre par la ministre des Transports, Élisabeth Borne, devant l’Assemblée nationale, ne passera pas sans heurt chez les transporteurs.

Une baisse de remboursement synonyme de fin des marges

Depuis 2004, les transporteurs routiers bénéficient d’un mécanisme permettant un remboursement partiel de la taxe sur le gazole, la TICPE (pour taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), soit environ aujourd’hui 17 centimes par litre. « Cette réduction du remboursement de 2 centimes, si elle paraît faible, aura un impact très important sur nos entreprises », estime Eric Mignon, délégué régional pour la Lorraine de la FNTR, la Fédération nationale des transports routiers. « Un camion consomme en moyenne 35 litres au 100. Sur une année, cela représente environ 50 000 litres de gasoil. Aujourd’hui, dans les conditions concurrentielles que nous connaissons, un véhicule ne génère qu’une marge bénéficiaire de 1 200 à 1 300 € par an. Demain, avec cette mesure, nous ne ferons plus de marge. »

Le calcul aboutit au même résultat chez Frédéric Habonnel, qui précise que le carburant pèse environ 20 % dans la structure des coûts des transporteurs, pour des « marges qui oscillent entre 1 et 2 % selon le secteur d’activité ».

Vers la suppression de toutes les niches fiscales ?

L'un des arguments de la ministre des Transports pour justifier la mesure a fait bondir les transporteurs : l’écologie. « Les transports polluants doivent financer notre politique de mobilité », a déclaré Élisabeth Borne. « En ce moment, c’est l’argument qu’on nous ressort pour tout justifier », estime Frédéric Habonnel. D’après les données du CITEPA, l’opérateur d’État pour le ministère de l’Environnement, l’ensemble des transports routiers, voitures particulières comprises, représente 30 % des gaz à effet à serre, mais le transport routier de marchandises ne pèse que 5,7 % des émissions de CO2. « Le secteur a fait d’énormes efforts pour réduire ses émissions », insiste Frédéric Habonnel.

« Entre les difficultés de recrutement et la hausse de la fiscalité, nous ne pourrons bientôt plus lutter contre la concurrence. »

Pour Eric Mignon, la nouvelle créativité fiscale du gouvernement trouve ses racines dans le mouvement des Gilets jaunes : « Le gouvernement a distribué, au printemps, 14 milliards d’euros. Maintenant, il va bien falloir les trouver quelque part... » La mesure, qui devrait rapporter 200 millions d’euros selon les organisations patronales contre 140 millions d’euros d’après le gouvernement, devrait surtout « creuser encore le fossé avec les transporteurs venus des pays de l’Est », estime Frédéric Habonnel, qui rappelle que cette réduction de 2 centimes ne pèsera que sur les routiers français : « Entre les difficultés de recrutement qui nous empêchent de nous développer et la fiscalité qui augmente, nous ne pourrons bientôt plus lutter contre la concurrence. »

Chez les transporteurs, on attend le prochain coup, comme celui pris par le secteur du BTP, qui s’apprête à encaisser la suppression en trois ans du taux réduit de TICPE sur le gazole non-routier. « La politique menée est claire, estime Eric Mignon, c’est la suppression de toutes les niches fiscales. »

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