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Le papetier Lucart investit 80 millions d'euros dans les Vosges
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Le papetier Lucart investit 80 millions d'euros dans les Vosges

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En lançant un vaste chantier sur son site de Laval-sur-Vologne (Vosges), le papetier italien Lucart veut se donner les moyens de s’imposer sur les papiers d’hygiène issus du recyclage. Nouveau centre logistique, nouvelle machine à papier, nouvelles lignes de transformation : l’industriel va investir 80 millions d’euros.

L’usine Lucart de Laval-sur-Vologne produit chaque année 60 000 tonnes de bobines mères qui viennent alimenter neuf lignes de transformation — Photo : Lucart

En programmant 80 millions d’investissement d’ici à 2024, le président de Lucart France, Alessandro Pasquini, estime être dans "la continuité" de ce qui a été fait depuis le rachat à Novacare de l’usine de Laval-sur-Vologne. "Nous ne changeons pas de business model, nous restons toujours focalisés sur le papier recyclé et nous continuons à faire des produits dédiés au marché professionnel dans lequel nous sommes en position forte en Europe et en France."

Propriétaire depuis 2008 du site vosgien, le groupe papetier italien Lucart, qui pèse 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 1 600 personnes, affiche à l’échelle de l’Europe une capacité totale de production de 395 000 tonnes de papier d’hygiène, ces papiers utilisés au quotidien comme le papier toilette ou les rouleaux d’essuyage. Après une dernière opération de croissance externe bouclée en 2021 au Royaume-Uni, avec le rachat de Essential Supply Products, le groupe italien s’appuie sur dix usines de production en Europe : cinq en Italie, deux en Espagne, une en Hongrie, une au Royaume-Uni et une en France, à Laval-sur-Vologne dans les Vosges.

En l’espace de dix ans, le chiffre d’affaires du site français a quasiment doublé, pour atteindre 94 millions d’euros en 2020, avec un effectif de 315 personnes. "Nous avons fait un beau parcours mais nous arrivons aujourd’hui à bout de souffle en termes de capacité. Il y a vraiment nécessité de faire ce "step" important pour conforter notre position de leader sur les produits écologiques sur le marché", détaille le dirigeant de Lucart France.

L’intérêt du consommateur

Ces produits écologiques qu’évoque Alessandro Pasquini, ce sont tous les produits fabriqués avec des "vieux papiers", comprendre des magazines, des journaux ou encore des prospectus jetés puis recyclés, soit 75 % de la matière première utilisée à Laval-sur-Vologne, mais aussi les produits issus du recyclage des briques TetraPak, qui pèsent déjà pour 20 % de la matière utilisée. "Sur ce type de produits, nous avons un positionnement historique et nous avons une crédibilité sur le marché pour pouvoir proposer ces solutions", affirme Alessandra Pasquini. L’usine française du papetier italien récupère chaque année depuis 2003 entre 15 et 20 000 tonnes de briques alimentaires pour en extraire la fibre de cellulose qui sera réutilisée pour faire de la pâte à papier.

La confiance du groupe dans ces produits écologiques est renforcée par l’intérêt grandissant des consommateurs pour le bio et le recyclé : "Certains produits qui étaient auparavant dédiés aux chaînes de distribution spécialisée dans le bio, sont en train de devenir des produits de consommation courante, disponible en grande surface", confirme le président de Lucart France.

Durement touché par la crise liée à l’épidémie de Covid-19, l’ensemble du secteur français du papier carton a perdu 12,7 % de son chiffre d’affaires en 2020 pour atterrir à 4,7 milliards d’euros, d’après les données publiées par la Copacel, la Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses. Mais dans le détail, certains secteurs ont fait mieux que résister : les papiers d’hygiène ont ainsi terminé l’année en croissance, passant d’un chiffre d’affaires réalisé en France de 817 millions d’euros à 832 millions d’euros. Une hausse qui s’explique par le démarrage d’un nouveau site de production en France, mais aussi par un changement de mentalité des consommateurs : "Le marché a bien redémarré", confirme Alessandro Pasquini. "La demande est assez forte sur tous les produits liés à l’hygiène. C’est un des acquis de la pandémie, nos sociétés conserveront une sensibilité accrue sur l’hygiène, la propreté. Et cela restera pour quelques années encore".

Dans le secteur du papier-carton, le groupe Lucart coche donc toutes les bonnes cases pour continuer sa trajectoire de croissance : papiers d’hygiène et produits recyclés. Sur le site de Laval-sur-Vologne, les efforts menés pour moderniser l’outil de production et répondre aux besoins du marché ont permis de doter le site de neuf lignes de transformation, affichant une capacité totale de 80 000 tonnes, quand les deux machines à papier du site peuvent sortir aujourd’hui 60 000 tonnes de bobines mères, ces rouleaux de papier de plusieurs tonnes qui seront ensuite déroulés puis transformés en produits finis. "Aujourd’hui, le site de Laval a une capacité de transformation qui est supérieure à la capacité de production de bobines mères. Le site s’approvisionne donc auprès des autres usines du groupe, depuis l’Espagne ou l’Italie", précise Alessandro Pasquini.

Au cœur du chantier, la nouvelle machine à papier

Le chantier de transformation du site va commencer par l’installation d’un nouveau centre logistique de 25 000 m2, pour un investissement compris entre "20 et 30 millions d’euros", lâche Alessandro Pasquini, qui discute actuellement avec le propriétaire d’un terrain idéalement situé, à proximité des axes de circulation, mais se refuse à dévoiler précisément l’endroit. "Nous vendons sur catalogue et nous avons besoin de stocker en fonction des commandes de nos clients", précise Alessandra Pasquini. "Avec la croissance réalisée dans les dernières années, l’outil de production a pris la place du stockage. Donc aujourd’hui, nous stockons déjà à l’extérieur du site de Laval une bonne partie de nos produits finis." Ce centre logistique doit être opérationnel en 2023 et nécessitera la création de 15 emplois : "Nous allons consolider l’ensemble des flux et des produits finis sur un seul site de stockage. Demain, toute la production qui sortira de notre atelier de transformation va être livrée dans ce nouvel entrepôt, et à partir de celui-ci, sera dispatchée auprès des clients."

Une fois la place dédiée à la logistique dégagée sur le site de Laval, la reconfiguration des lignes de transformation pourra être lancée. Le groupe prévoit d’investir dans trois nouvelles installations, pour un budget d’environ 10 millions d’euros, portant le total à 11 lignes de transformation, pour une capacité de 100 000 tonnes. "Il est encore trop tôt pour dire à quels produits seront dédiées ces nouvelles lignes", concède le président de Lucart France. "Nous observons finement les évolutions du marché pour bien les cibler. Mais évidemment, ces lignes seront destinées au marché "Away From Home", notre gamme professionnelle, donc des rouleaux industriels et des essuie-mains".

Projet "phare" dans la transformation du site, l’installation d’une troisième machine à papier, d’une capacité de 40 000 tonnes, va consommer "un peu moins de la moitié de l’enveloppe" de l’investissement total, soit près de 40 millions d’euros, indique Alessandro Pasquini. "Les technologies ont évolué", précise le dirigeant. "Aujourd’hui, les nouvelles machines sont capables de produire jusqu’à 2 000 mètres de papier par minute. Les deux machines que nous avons, qui étaient déjà là quand le groupe a repris l’usine et sur lesquelles nous avons fait pas mal d’investissements, ne produisent pas à cette vitesse ". L’objectif du groupe est de démarrer cette nouvelle machine au premier semestre 2024.

Pressions à la hausse sur les prix

En parallèle du chantier de la nouvelle machine à papier, Lucart va mettre en service une nouvelle chaudière d’une puissance de 7,5 MW, pour un investissement d’environ 6 millions d’euros. "Nous avons profité du chantier de la machine à papier pour introduire une nouvelle typologie de production de vapeur, qui se fera à partir de biomasse", précise Alessandro Pasquini. "À terme, la biomasse va fournir la majorité du besoin thermique en vapeur, mais le complément sera apporté par le gaz." Un chantier qui va permettre au site de réduire ces émissions de 12 000 tonnes de CO2, pour un total actuel de 20 000 tonnes de CO2 émis. Cette nouvelle chaudière, qui va brûler de la "plaquette forestière, un sous-produit de l’industrie du bois" devrait pouvoir bénéficier d’un bon coup de pouce de l’Ademe, dans le cadre de l’appel à projets BCIAT (Biomasse chaleur industrie agriculture et tertiaire). "Les circuits d’approvisionnement, dans un département comme les Vosges, sont assez proches et ne posent aucun problème", assure Alessandro Pasquini, qui va limiter sa dépendance au gaz en se tournant vers la biomasse : "Nous allons sécuriser et diversifier notre sourcing de l’énergie. Aujourd’hui, il y a un peu de pression sur le prix du gaz… Mais c’est conjoncturel. C’est une marchandise mondiale, qui peut être exposée à des évolutions fortes : la situation peut durer des mois mais pas des années. "

Si le dirigeant de Lucart n’affiche pas de craintes particulières sur les hausses de l’énergie, les variations enregistrées sur le prix des vieux papiers et de la pâte à papier, avec des pics à +60 %, engendrent plus d’inquiétudes et plus de dégâts sur les marges du papetier. "Nous avons absorbé une bonne partie des hausses, mais il faudra aussi se tourner vers le client", souligne Alessandro Pasquini. "La reprise est plus forte que prévu au niveau mondial et le marché de la cellulose et de la pâte vierge est assez concentré. Il y a quelques gros producteurs qui font le marché et ça rajoute encore un peu de pression… " En octobre dernier, plusieurs groupes européens producteurs de pâte à bois ont été inspectés : les finlandais Stora Enso, Metsä Fibre et UPM ont fait l’objet d’une visite des services de la Commission Européenne, qui suspectent ces industriels d’avoir " enfreint les règles antitrust de l’UE ".

Fin 2024, le site Lucart de Laval-sur-Vologne sera donc totalement transformé et deviendra le deuxième plus gros site du groupe italien : "Entre le personnel dédié à la production et le renforcement de l’encadrement, nous allons créer 50 emplois", se félicite Alessandro Pasquini, qui prévoit de réaliser près de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires une fois le plan d’investissement exécuté.

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