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Holosolis : "Pour rapatrier la capacité de production de photovoltaïque en Europe, il faut aller vite"
Interview Moselle # Industrie # Capital

Jan Jacob Wichers-Boom CEO d’Holosolis "Pour rapatrier la capacité de production de photovoltaïque en Europe, il faut aller vite"

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Actuellement à la tête d’une petite équipe de quatre personnes, le CEO d’Holosolis, Jan Jacob Wichers-Boom, va piloter le projet d’une gigafactory de panneaux photovoltaïques, d’une capacité de production de 5 GW, installée à Hambach en Moselle. Un projet à 710 millions d’euros, créateur de 1 700 emplois, qui doit aller "très vite", estime le dirigeant.

Jan Jacob Boom Wichers est le CEO d’Holosolis — Photo : Holosolis

Pourquoi avoir choisi le site de l’Europôle d’Hambach, à côté de Sarreguemines en Moselle, pour implanter la gigafactory d’Holosolis ?

Nous aimons aller vite, donc c’est une décision qui a été prise très rapidement mais malgré tout très soigneusement. À travers six pays, nous avons examiné 40 sites. La France et surtout le site de Sarreguemines se sont distingués principalement pour leur capacité à agir rapidement. C’est un site clé en main, qui a déjà été examiné par le groupe REC Solar et le terrain, que ce soit le site ou pour les discussions, était déjà, d’une certaine manière, préparé. Nos interlocuteurs étaient déjà familiers du photovoltaïque. J’ai travaillé longtemps pour un groupe chinois qui est capable de monter une usine photovoltaïque, avec toutes les autorisations, en six mois. Lorsque les équipes chinoises bâtissent une usine, elles travaillent 24 heures sur 24 sur la construction, donc une usine peut être réalisée en un temps record. Ce n’est pas ce que nous faisons ici en Europe, mais vu l’importance du rattrapage à faire au niveau de l’Europe en matière de réindustrialisation, pour rapatrier la capacité de production de photovoltaïque en Europe, il faut aller vite.

Comment va se présenter cette future usine ?

Nous allons nous installer sur un terrain de 50 hectares, sur lequel nous allons construire deux bâtiments. L’un dans lequel on va fabriquer les modules photovoltaïques, et l’autre, les cellules qui rentreront dans les modules. Le site est bien raccordé aux autoroutes, parfaitement placé pour desservir la France, mais également l’Allemagne ou encore le Benelux. En une journée de camion, nous pourrons couvrir une grande partie de l’Europe. À ce stade, nous sommes en train de faire les études avec nos ingénieurs, donc il est difficile de rentrer dans les détails, mais ce seront des bâtiments de plusieurs hectares.

Les wafers, ces galettes de matériaux servant de composant de base à une cellule solaire, ne seront pas produits à Sarreguemines. Pourquoi ?

Il y a un très beau proverbe français, qui dit : "Qui trop embrasse, mal étreint". Si vous essayez de faire tout d’un coup, vous allez avoir des problèmes. Aujourd’hui, les seuls acteurs qui sont capables de créer une usine qui va de la matière première, c’est-à-dire le silicium, jusqu’au produit fini, ce sont des industriels chinois, qui opèrent dans ce domaine depuis plus d’une quinzaine d’années. Vouloir faire de même en Europe, je trouve cela extrêmement ambitieux. Faisons d’abord la première usine de cellules et de modules, et ensuite nous ferons la deuxième étape, qui consistera à produire les wafers.

Il y aura donc une deuxième phase dans le déploiement d’Holosolis ?

Une deuxième phase pour laquelle le site reste à déterminer. Puis il y aura d’autres phases d’expansion, également de fabrication de module, parce que les 5 gigawatts annoncés, ne sont qu’une première étape. Le marché photovoltaïque européen représente déjà plus de 60 gigawatts et nous allons saisir toutes les opportunités pour monter plusieurs gigafactory de modules et de cellules.

Pourrez-vous concurrencer les produits venus d’Asie, notamment en matière de coût ?

Ce n’est pas comme cela qu’il faut réfléchir. Bien sûr, le prix est important mais aujourd’hui il faut réfléchir à la réindustrialisation de l’Europe. Avec la crise du Covid et derrière, avec l’agression de la Russie sur l’Ukraine, nous sommes rendu compte de deux choses. La première, c’est que le Covid nous a fait prendre conscience à quel point l’Europe était désindustrialisée. Avec l’invasion de la Russie en Ukraine, nous nous sommes rendu compte que l’Europe dépendait à 50 % non seulement du gaz russe, mais également à 50 % du pétrole russe. On essaie maintenant de réduire notre dépendance énergétique au gaz et au pétrole russe, il ne faudrait pas la remplacer par une dépendance accrue aux panneaux photovoltaïques venant de l’autre bout du monde.

"InnoEnergy joue un rôle très important parce qu'ils fédèrent une industrie constituée de beaucoup d'entreprises isolées."

Qui sont les partenaires qui vous accompagnent dans le lancement de cette gigafactory ?

À notre capital, nous comptons aujourd’hui InnoEnergy, le groupe Idec et le groupe TSE. Ce sont nos actionnaires historiques. Idec est un groupe de construction immobilier, TSE est un développeur de centrales photovoltaïques au sol et d’agrivoltaïsme et InnoEnergy est un incubateur de projets dans l’énergie renouvelable. Depuis 2010, ils ont lancé 180 entreprises, et lancé sur le marché plus de 500 produits dans les énergies renouvelables, que ce soit des batteries, de l’hydrogène, du photovoltaïque, etc. Ils ont également lancé des gigafactory avec pour objectif de réindustrialiser l’Europe. Pour être concret, ils ont concouru il y a 4 ans, à la création d’une première société de batteries qui s’appelle Northvolt, en Suède. En France, ils ont également aidé la société Verkors, à Grenoble, qui maintenant ouvre une gigafactory à Dunkerque. Après les gigafactory de batterie, ils ont monté une gigafactory d’acier décarboné et maintenant une gigafactory de panneaux photovoltaïques, avec Holosolis. InnoEnergy joue un rôle très important parce qu’ils fédèrent une industrie constituée de beaucoup d'entreprises isolées pour les réunir autour d’une table et mettre en place un cahier des charges qui sera soumis à l’Union européenne et aux gouvernements européens, pour leur dire : "Si vous voulez avoir une industrie de la batterie qui tienne en Europe, on a besoin de tel et tel critère". Pour l’Union européenne, étant donné que ces suggestions proviennent d’un consortium de 70 voire 120 sociétés européennes, il y a là un consensus et un compromis. Il y a 4 ans, tout le monde disait que la France et l’Europe étaient folles d’essayer de monter des usines de batteries. Aujourd’hui, différents projets de production de batteries existent en France et en Europe. C’est pour cela que nous suivons le même principe avec le photovoltaïque.

Qui va financer les 710 millions d’euros nécessaires au lancement de la gigafactory ?

Nous sommes actuellement en train de boucler notre deuxième tour de table. Pour des raisons de confidentialité, je tairai le nom des différents partenaires impliqués, mais je peux vous dire que ce sont des partenaires français et européens. Nous sommes installés à Hambach, mais notre société est une société internationale. Concernant les montants levés lors de notre première levée de fonds, ils sont confidentiels.

Quel sera le niveau des subventions publiques dans le projet ?

Nous avons reçu le soutien du gouvernement français et de l’Union européenne. Le gouvernement français nous a très efficacement soutenus non seulement de façon administrative, mais également avec de l’aide financière. Pour l’instant, nous avons reçu toutes les lettres d’assurance de la part du gouvernement français, mais comme le gouvernement français n’a pas encore communiqué sur ces chiffres, nous les gardons confidentiels. Pour notre réussite, le soutien public est crucial.

"La technologie TOPCon nous permettra de produire le plus grand nombre de panneaux à un prix compétitif."

Quelle technologie allez-vous utiliser pour produire vos panneaux photovoltaïques ?

La technologie que nous avons choisie s’appelle TOPCon, c’est une technologie basée sur des cellules de silicium. Cette technologie permet de faire les panneaux les plus efficaces du marché et surtout industriellement parlant, d’avoir l’efficacité et la quantité de produits fabriqués dans l’usine la plus élevée possible. Si vous fabriquez un produit de très bonne qualité mais que votre ligne avance trop lentement, vous n’avez pas fabriqué assez de produits et vos coûts sont trop élevés et vous ne ferez pas de profit. Cette technologie TOPCon nous permettra de produire le plus grand nombre de panneaux à un prix compétitif.

Vous évoquez une autre technologie, appelée Tandem. Quelles sont les évolutions ?

Cette nouvelle technologie, dite Tandem, couple silicium et pérovskite au sein d’une cellule solaire. Cette nouvelle technologie est en train de se développer et consiste à coller une deuxième cellule au-dessus d’une première cellule en TOPCom. Cette deuxième cellule aura une couche mince de pérovskite, qui, en capturant une autre longueur d’onde de la lumière, permet de passer d’un rendement de 22 à 28 %. Nous avons un partenariat exclusif sur ce sujet avec l’IPVF, l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France, qui est l’institut de recherche leader en France sur le développement de ces types de cellules. Cette technologie n’est pas encore disponible sur le marché, c’est encore au stade de développement. Nous travaillerons sur l’industrialisation de cette technologie.

Il faudra donc être capable d’adapter l’usine à cette nouvelle technologie ?

C’est ce que nous faisons avec nos ingénieurs, nous planifions la possibilité pour l’usine de s’étendre. Avec cette technologie pérovskite, nous devrons rallonger les lignes de cellules et donc il faudra pousser les murs. Le plan de l’usine sera donc prévu pour, potentiellement, rajouter 50 mètres de plus pour installer de nouveaux équipements.

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