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Gaiffe investit 50 millions d'euros pour scier du bois vosgien
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Gaiffe investit 50 millions d'euros pour scier du bois vosgien

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Opérant depuis deux sites dans les Vosges, à Champ-le-Duc et Jussarupt, les Établissements Gaiffe ont lancé les travaux pour rassembler l’ensemble des activités de transformation du bois sur un seul site, en multipliant au passage les capacités de sciage de l’entreprise par dix. Un chantier à 50 millions d’euros.

La raboterie des Etablissements Gaiffe consomme 65 000 mètres cubes de bois chaque année — Photo : Jean-François Michel

Le projet était en gestation depuis plus de dix ans : construire une nouvelle scierie, arrêter les importations de bois au profit des essences vosgiennes, rassembler toutes les activités de transformation du bois de la société Gaiffe sur un seul site, à Champ-le-Duc, dans les Vosges. "Jusqu’à présent, nous n’avions pas pu le faire parce que nous étions trop petits, le chiffre d’affaires ne nous le permettait pas", rappelle Jérôme Gaiffe, le directeur général des Établissements Gaiffe.

Depuis la crise du Covid, le développement de l’entreprise familiale est croissant : "En 2019, nous avons réalisé 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et nous avons clôturé 2021 à 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. L'activité a tout simplement doublé en un rien de temps", détaille le dirigeant, qui a aussi doublé ses effectifs et emploie aujourd’hui 65 personnes.

Avec son père Yves Gaiffe, qui occupe la présidence de la société, et son frère Arnaud Gaiffe, avec qui il partage la direction générale, Jérôme Gaiffe vient de lancer un chantier à 50 millions d’euros pour mettre en œuvre, dès 2023, deux nouvelles lignes de sciage, un parc à grumes et une chaufferie biomasse destinée à alimenter un séchoir à bois. L’outil de production va changer d’échelle. "Nous devrions pouvoir atteindre rapidement 50 millions d’euros de chiffre d’affaires", estime Jérôme Gaiffe, qui va créer une quinzaine d’emplois pour conduire les nouveaux équipements.

Les magasins de bricolage comme vecteurs de développement

Fondée par Claude Gaiffe, le grand-père de Jérôme Gaiffe, à Jussarupt dans les Vosges, la scierie Gaiffe a prospéré sur terrain très concurrentiel : celui de la première transformation du bois. Concrètement, lors de cette première étape, le rôle du scieur est de transformer du bois rond en bois sciés, qui pourront ensuite devenir des planches. En 1983, le fils de Claude Gaiffe, Yves Gaiffe, reprend la scierie et décide d’investir dans la seconde transformation du bois, c’est-à-dire les opérations permettant de donner plus de valeur ajoutée aux produits de la première transformation pour les mettre à disposition des consommateurs. C’est en 2005 qu’Yves Gaiffe va investir dans un nouveau site de production, à Champ-le-Duc, près de Bruyères (Vosges), où il va installer une raboterie, un outil industriel permettant de produire des lames de parquets, de terrasses ou encore du bardage. Le décollage de l'activité, les Établissements Gaiffe le doivent à la commercialisation de leurs produits en grandes surfaces de bricolage (GSB). Un vecteur de développement incontournable aujourd’hui : "Depuis le Covid, les gens bricolent davantage et vont s’approvisionner principalement dans la grande distribution. Cela nous propulse", explique Jérôme Gaiffe, qui souligne notamment le potentiel énorme du marché du bois pour les terrasses.

Aujourd'hui, la scierie historique des Établissements Gaiffe à Jussarupt n’est plus dimensionnée pour suivre la croissance de l’activité. "Sur la partie scierie, actuellement, nous consommons à peu près 20 000 mètres cubes de bois par an", quantifie le directeur général. Sur ce volume, correspondant à la capacité de l’outil, 60 % est vendu directement chez les partenaires de la société, la GSB, les négociants ou des charpentiers. Le restant est utilisé dans la raboterie. Au final, sur les 65 000 mètres cubes de bois consommé par la raboterie Gaiffe de Champ-le-Duc, seuls 5 000 mètres cubes proviennent de la scierie de Jussarupt. "Il faut donc trouver 60 000 mètres cubes ailleurs", conclut le dirigeant, qui précise : "Notre scierie passe plutôt du moyen et du gros bois. Et la qualité nécessaire pour la raboterie, c’est plutôt du petit et du moyen bois."

Un fonds pour structurer le haut de bilan

Aujourd’hui, le bois consommé par la raboterie est importé essentiellement de Finlande, de Suède, du Canada ou encore de Russie. "Évidemment, avec la situation géopolitique et la guerre en Ukraine, nous n'allons plus trouver le mélèze que nous achetions en Sibérie", constate Jérôme Gaiffe. Touchés par les difficultés d’approvisionnement en bois, qui ont légèrement freiné la croissance de l’activité, les Établissements Gaiffe ont réussi à développer l’activité de façon rentable : "La hausse des prix du bois est une situation mondiale. Nos clients sont tout à fait au courant de cette situation et nous avons pu répercuter ces hausses, qui ont pu atteindre 50 voire 60 %, chez nos clients". La tension sur les marchés mondiaux et les délais d’approvisionnement à rallonge ont conforté la famille Gaiffe dans sa nouvelle orientation stratégique : alimenter la raboterie grâce à du bois vosgien, transformé grâce à une nouvelle scierie.

"La première transformation, c’est très capitalistique", insiste Jérôme Gaiffe. "Les chiffres d’investissement sont extraordinaires pour, au final, un métier qui jusqu’à présent était peu rentable. Il n’y a pas de palier : soit on investit fortement pour faire du volume, soit on n’investit pas." Pour renforcer sa capacité d’investissement, la société Gaiffe a ouvert son capital au fonds régional GEI, à hauteur de 20 %. "En plus de cette structuration en haut de bilan, nous avons été accompagnés par un pool bancaire et Bpifrance", précise Jérôme Gaiffe, qui a aussi été soutenu par de l’argent public : différents dispositifs pilotés par France Relance, ainsi que le Fonds chaleur de l’Ademe.

Les Établissements Gaiffe disposent à Champ-le-Duc d’un terrain de 20 hectares, occupé seulement pour moitié par la raboterie et un parc à grumes. Le chantier du bâtiment de 12 000 m², qui va abriter la future scierie, vient d’être lancé, juste à côté de la raboterie. Les commandes des machines ont été passées en septembre 2020, pour une mise en route programmée en avril 2023.

Un système pour être indépendant en électricité

Parallèlement au chantier du bâtiment, les machines constituant les deux lignes de découpe vont être montées progressivement, et les conducteurs de ligne iront se former en Finlande, pendant quinze jours. Dix millions d’euros vont être injectés dans une ligne de première transformation des "petits bois", soit les diamètres compris entre 9 et 45 centimètres. Parallèlement à cette ligne dotée de scies circulaires, une nouvelle ligne équipée d’une scie à ruban va permettre de traiter tous les diamètres supérieurs à 45 centimètres. Dimensionnée pour traiter 200 000 mètres cubes de bois rond, soit dix fois plus que le site historique de Gaiffe, la nouvelle scierie va donc produire 100 000 mètres cubes de planches, pour en traiter entre 50 000 et 60 000 à la raboterie. "Au final, nous allons passer à 85 voire 90 % de bois local", se félicite Jérôme Gaiffe. "On ne peut pas aller vers les 100 %, car il y a des essences demandées par le marché qu’on ne trouve pas en local, comme le mélèze ou le red cedar, provenant du Canada."

Avant d’être rabotée, la production de la future scierie devra être séchée. Une chaudière biomasse va être installée : d’une puissance de 8 mégawatts, elle sera couplée à un système ORC, pour cycle organique de Rankine, un système permettant de convertir l’énergie thermique en électricité. "Le but, c’est d’être complètement indépendant au niveau de l’électricité, et de pouvoir compenser notre empreinte électrique avec cette chaudière", souligne le dirigeant. Alimentée avec les "produits connexes" de la scierie, à savoir les déchets et les écorces, la chaudière biomasse et le système ORC n’étaient "pas du tout prévus" dans le projet initial, concède le patron, "mais la possibilité d’avoir des fonds publics nous a permis d’y avoir accès."

Le dirigeant des Établissements Gaiffe a su utiliser son carnet d’adresses à la fois pour financer son projet mais aussi pour le sécuriser : sur les 200 000 mètres cubes de bois que va consommer la scierie, entre 100 000 et 150 000 mètres cubes vont provenir d’un circuit mis en place par le papetier Norske Skog, installé à Golbey (Vosges). Le reconditionnement d’une machine à papier vers une machine à carton va "mettre sur le marché un volume de bois rond qui ne sera plus utilisé", souligne Jérôme Gaiffe. Pour autant, l’industriel ne va pas éteindre sa filière d’approvisionnement, mais va la rediriger vers la scierie Gaiffe. Une initiative qui "permet de pérenniser toute une filière", estime le directeur général. "Ça nous permet de profiter du savoir-faire en termes d’approvisionnement de Norske Skog. Nous allons travailler à livre ouvert. Nous leur verserons une commission sur les bois qui vont rentrer chez nous, mais ce sont eux qui feront toujours le sourcing et la relation client."

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